Les « Grands voyages » à travers les yeux des meilleurs photographes du monde

L’agence Magnum Photos et la fondation Aperture sont les plus grandes autorités du monde en matière de photographie. Magnum – une coopérative photographique fondée par certains des photographes les plus emblématiques de l’histoire – fêtera ses 70 ans cette année, tandis qu’Aperture – une institution artistique à but non lucratif fondée par les autres photographes les plus emblématiques de l’histoire – aura 65 ans.

Pour l’occasion, les deux institutions se sont associées pour mettre en vente une sélection de tirages à un prix étonnamment bon marché et ont demandé aux photographes de choisir dans leurs archives des photos sur le thème des « Grands voyages ». Nous vous présentons quelques-unes de nos favorites ci-dessous.

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Awol Erizku

Sans titre (Forces of Nature #1). 2014 © Awol Erizku, avec l’aimable autorisation d’Aperture

« Cette photo est issue d’une série de portraits réalisée pour Vogue à l’Afropunk Festival. Les cheveux des Africains sont magnifiques, car ils peuvent être sculptés, rasés, coupés. C’est ce que je cherchais – des gens qui avaient ce type de cheveux et qui en étaient fiers. Je préfère ne pas répondre aux questions et laisser le public interpréter ce qu’il veut. Je veux que mon travail ait un aspect universel. » – Awol Erizku

Bob Gruen

John Lennon – Statue de la liberté. 1974 © Bob Gruen, avec l’aimable autorisation d’Aperture

« Le gouvernement américain voulait exclure John Lennon du pays pour ses positions pacifistes lors de la guerre du Vietnam, j’ai donc suggéré que nous fassions un portrait de lui au pied de la statue de la Liberté pour illustrer le fait que les États-Unis sont censés accueillir les gens, et non les expulser. » – Bob Gruen

Cristina De Middel

Hambita, photo tirée de la série « Afronautes ». 2012 © Cristina De Middel, avec l’aimable autorisation de Magnum Photos

« Les grands voyages débutent avec une bonne organisation, et un type d’imagination qui permet de se projeter dans un meilleur endroit et dans un meilleur futur. J’ai moi-même entamé un grand voyage en réalisant mon projet “Afronautes”. Je me souviens encore du sentiment de vertige que j’avais chaque fois que j’essayais d’expliquer mon projet. En 1964, des étudiants – dirigés par Edward Makuka Nkoloso, leur professeur de sciences – ont commencé à s’entraîner pour devenir les premiers Africains à marcher sur la Lune. C’est ainsi qu’est né le programme spatial zambien.

Cette image est tirée du premier shooting que j’ai réalisé pour ce projet, dans ma ville natale, Alicante, en Espagne, à quelques kilomètres seulement de la maison de mes parents – un endroit qui pouvait représenter à la fois la Lune et la Zambie. Je n’étais pas bien sûre de ce que je faisais, mais j’avais une idée très précise du résultat que je souhaitais atteindre, car dans mon esprit, j’avais déjà fait le voyage en Afrique et sur la Lune. » – Cristina De Middel

David Hurn

Une pancarte dans le désert de l’Arizona. Elle sous-entend que, dans très peu de temps, toute la zone sera urbanisée et disparaîtra sous les maisons et les centres commerciaux. Arizona, États-Unis. 1979 © David Hurn, avec l’aimable autorisation de Magnum Photos

« J’ai obtenu une bourse pour photographier aux États-Unis pendant un an, et j’ai choisi l’Arizona qui est, à bien des égards, le contraire de mon pays natal, le Pays de Galles, qu’il s’agisse de la politique ou de la météo. J’ai aimé la cordialité des habitants et le dynamisme de l’État. J’avais en outre une totale admiration de l’espace. C’était le cas de la pancarte “Come see” – qu’y aurait-il le lendemain ? » – David Hurn

Eli Reed

La Million Man March, organisée par Louis Farrakhan. Washington D.C., États-Unis. 1995 © Eli Reed, avec l’aimable autorisation de Magnum

« La Million Man March a eu lieu le 16 octobre 1995, à Washington, D.C., dans les alentours du National Mall. Des Afro-Américains sont venus de tous les États-Unis pour alerter sur les problèmes que subissait leur communauté. Par avion, en bus, en train, en voiture ou à pied, c’était un appel au monde entier pour que des actions soient prises afin de faire de notre environnement commun un monde meilleur. » – Eli Reed

Jacob Aue Sobol

Un garçon réalise un saut périlleux et atterrit dans un épais tas de neige. Tiilerilaaq, Groenland. 2001 © Jacob Aue Sobol, avec l’aimable autorisation de Magnum Photos

« Je me souviens encore de mes voyages sur la côte est du Groenland comme des plus grands et des plus intrépides de ma vie. J’avais seulement 23 ans quand j’ai pris cette photo d’un garçon de six ans qui sautait du toit, faisant un saut périlleux et atterrissant dans un tas de neige. Pour moi, c’est devenu une image non seulement de la force et du courage des enfants de ce village, mais aussi de ce qui se passait en moi. Je suis tombé amoureux d’une habitante du village et ai décidé de vivre avec sa famille afin que les Inuits m’apprennent à chasser et à pêcher. J’ai commencé une nouvelle vie, un nouveau voyage qui m’a fait me sentir exactement comme ce garçon qui saute du toit. » – Jacob Aue Sobol

Jamel Shabazz

Avant le crack. 1983 © Jamel Shabazz, avec l’aimable autorisation d’Aperture

« Alors que les drames liés à la consommation de crack se répandaient dans toute l’Amérique au début des années 1980, j’ai ressenti la nécessité de parcourir les rues pour documenter ce phénomène, en tant que témoin et en tant que citoyen. Un certain nombre de jeunes que je connaissais personnellement étaient en train de mourir entre les mains d’autres jeunes que je connaissais aussi. J’ai senti qu’il était de mon devoir d’avertir la jeunesse du danger imminent et d’utiliser mon appareil photo comme outil d’engagement et de documentation. Dans une tentative d’anticiper de nouveaux décès et une plus ample destruction, la photographie m’a permis d’entrer dans la vie de ces jeunes. Je m’aventurais dans les lycées et les quartiers commerçants de New York à la recherche de personnes avec qui parler de cette crise grandissante.

À mon grand étonnement, tout le monde ou presque s’est montré ouvert sur le sujet et a accepté d’être photographié. Ces images sont devenues la preuve des innombrables échanges que j’ai eus ; des nombreuses amitiés qui se sont forgées à la suite de ces interactions. En réalisant ces portraits, je voulais capturer un esprit d’amitié et d’amour. Aujourd’hui, les nombreux portraits que j’ai pris sont les rappels constants de cette épidémie de crack à cause de laquelle beaucoup de jeunes ont perdu la vie. » – Jamel Shabazz

Justine Kurland

Sea Stack, Double Mama. Photo tirée de la série « Of Woman Born ». Ruby Beach, Washington. 2006 © Justine Kurland, avec l’aimable autorisation d’Aperture

« Après la naissance de mon fils, Casper, en 2004, j’ai entamé une série de photographies qui juxtaposent des représentations radicales de la maternité et des visions idéalisées de l’ouest des États-Unis. J’ai intitulé la série d’après le texte féministe d’Adrienne Rich, Of Woman Born: Motherhood as Experience and Institution, dans laquelle elle analyse la construction patriarcale de la maternité et explique en quoi c’est un sujet si problématique pour beaucoup de féministes. Alors que certains théoriciens préfèrent se débarrasser complètement du corps, Rich envisage une nouvelle rubrique dans laquelle la valeur libidinale des “seins et du cul” est remplacée par l’utérus et le clitoris, et où les femmes sont les arbitres de leur propre corps.

Cette série était ma tentative de visualiser à quoi pourrait ressembler ce changement – des femmes et des enfants se promenant dans la félicité à travers l’espace social des paysages communs. Je les ai faites surtout pour moi-même, au cours de mes premières années avec un enfant en bas âge, car je n’arrivais pas à m’identifier aux représentations de la maternité à ma disposition. Ces photos m’ont offert la possibilité d’imaginer une manière différente d’être mère. » – Justine Kurland

Viviane Sassen

Lupus, photo tirée de la série « Of Mud and Lotus ». 2017 © Viviane Sassen, avec l’aimable autorisation d’Aperture

« Le titre de la série, “Of mud and lotus”, fait référence à la boue comme condition nécessaire pour que la fleur de lotus pousse. Cela touche à la transformation, à la procréation et à la fécondité. Je suis très intéressée par la résurgence du mouvement féministe, mais je ne fais pas un travail explicitement politique. Mes images sont personnelles et intuitives. Un mélange d’observation et de performance. Je voyage souvent, et cette image aurait pu être réalisée n’importe où dans le monde. » – Viviane Sassen

La vente sur le thème « Grands voyages » est ouverte jusqu’à ce soir, 23 heures. Tirages 6×6 signés et estampillés, qualité muséale. Des photos de plus de 100 artistes sont exceptionnellement disponibles au prix de 100 dollars sur shop.magnumphotos.com.