Quand le body shaming frappe les hommes gays

Cet article a été initialement publié sur Tonic.

Dans la culture populaire, les hommes physiquement attirants sont minces et musclés. Les proportions de leur corps ont donc peu à voir avec le mec moyen, qui présente souvent un léger surpoids.

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Mais d’où vient ce décalage ? La pression des médias entraîne-t-elle des conséquences sur la façon dont les hommes se perçoivent ? Et ces conséquences diffèrent-elles en fonction de leur orientation sexuelle ? C’est ce qu’un récent article paru dans la revue Psychology of Men & Masculinity a tenté de comprendre.

Des chercheurs ont examiné les résultats de cinq études portant sur l’image corporelle masculine qui, combinées, comprenaient plus de 116 000 participants, dont un peu plus de 4 000 s’identifiaient comme étant homosexuels. Ils ont constaté qu’entre un cinquième et la moitié des hommes se disent insatisfaits de leur apparence physique, et plus particulièrement de leur poids (44 pour cent des hommes homosexuels ; 39 pour cent des hommes hétérosexuels) et de leur masse musculaire (45 pour cent des hommes homosexuels ; 30 pour cent des hommes hétérosexuels).

Dans l’ensemble, les hommes homosexuels ont exprimé plus de préoccupations liées à l’apparence que les autres. Ils étaient aussi plus nombreux à dire que cela résultait, en grande partie, de la pression exercée par les médias. En réponse à l’affirmation « Je me sens obligé d’avoir un corps plus attirant à cause des magazines et de la télévision », 58 % des hommes homosexuels se sont montrés d’accord, contre seulement 29 % des hommes hétérosexuels. Cela signifie que les hommes homosexuels sont deux fois plus susceptibles de ressentir le besoin de correspondre aux canons de beauté véhiculés par les médias.

Conformément à ces résultats, les hommes homosexuels sont plus affectés par le jugement des autres, passent plus de temps à penser à leur apparence durant la journée et comparent plus souvent leur apparence à celle des autres hommes. Fait intéressant, les hommes homosexuels et hétérosexuels ressentent la même pression de la part de leurs partenaires. L’insatisfaction corporelle des hommes homosexuels semble avoir des incidences plus importantes, que ce soit sur leur état de santé général ou leur vie sexuelle.

Tout d’abord, les hommes homosexuels sont plus susceptibles que les hommes hétérosexuels de modifier leur corps. Par exemple, 7 % des hommes homosexuels ont déclaré avoir subi une chirurgie esthétique au cours de la dernière année, contre seulement 1 % des hommes hétérosexuels. De plus, 37 % des hommes homosexuels ont suivi un régime de perte de poids et 12 % ont eu recours à des pilules pour maigrir au cours des 12 derniers mois (pour les hommes hétérosexuels, les chiffres étaient respectivement de 29 % et 5 %).

L’usage prévalent des pilules de régime chez les hommes homosexuels est particulièrement préoccupant, étant donné que les suppléments alimentaires ne sont pas soumis à une réglementation aussi stricte que les produits pharmaceutiques et qu’il existe encore peu de données de sécurité les concernant.

En parallèle, d’autres recherches ont démontré que les hommes homosexuels présentent un risque plus élevé de développer un trouble de l’alimentation comme l’anorexie et la boulimie. Par exemple, dans une étude portant sur l’évaluation des symptômes liés aux troubles de l’alimentation, seul 1 % des hommes hétérosexuels remplissaient les critères, contre 10 % des hommes homosexuels. En revanche, 13 % des femmes hétérosexuelles et 9 % des lesbiennes étaient classées comme ayant un trouble de l’alimentation. Le risque de développer ce type de trouble est donc aussi élevé chez les hommes homosexuels que chez les femmes en général.

Les troubles de l’alimentation représentent une menace sérieuse pour la santé, en cela qu’ils nuisent au fonctionnement du cœur et des autres systèmes organiques majeurs. Par conséquent, ils peuvent mettre la vie en péril.

Au-delà des troubles de l’alimentation, l’insatisfaction corporelle chez les hommes homosexuels favorise l’usage de stéroïdes anabolisants pour gagner des muscles, ce qui a des répercussions négatives sur les systèmes nerveux, cardiovasculaire et endocrinien ; c’est aussi lié à un risque accru de décès.

Une récente étude portant sur 3 000 hommes homosexuels et bisexuels en Australie et en Nouvelle-Zélande a démontré que 5 % d’entre eux prennent des stéroïdes et 25 % envisagent d’en prendre. Les symptômes du trouble de l’alimentation étaient le meilleur indicateur de l’usage de stéroïdes chez les hommes homosexuels.

Il vaut la peine de noter que les problèmes d’image corporelle des hommes homosexuels ne représentent pas seulement un risque pour leur santé – ils peuvent également avoir un impact négatif sur leur vie sexuelle et leurs relations. Bien que l’article évoqué plus tôt n’ait pas relevé de différence entre les hommes homosexuels et hétérosexuels quant à la pression exercée par leur partenaire, les hommes homosexuels ont rapporté une plus grande peur de montrer leur corps à quelqu’un.

Plus précisément, les hommes homosexuels se sentaient plus mal à l’aise à l’idée de se déshabiller en présence de leur partenaire. Ils étaient également plus susceptibles de cacher certaines parties de leur corps pendant les rapports sexuels, dont leur torse, leur ventre et leurs parties génitales.

Plus parlant encore, lorsqu’on leur a demandé si leur perception de leur corps les avait déjà poussés à éviter des rapports sexuels, 20 % des hommes homosexuels ont répondu oui, contre 5 % des hommes hétérosexuels. En d’autres termes, les hommes homosexuels sont quatre fois plus susceptibles d’éviter d’avoir des relations sexuelles avec un partenaire parce qu’ils sont insatisfaits de leur apparence.

Dans l’ensemble, ces données nous apprennent que beaucoup d’hommes subissent la pression imposée par les médias autour de l’apparence physique. Ces préoccupations touchent les hommes homosexuels de manière disproportionnée, ce qui les rend plus vulnérables aux troubles de l’alimentation et aux pratiques sanitaires risquées. Il semble également y avoir des conséquences préjudiciables sur leur vie sexuelle et leurs relations.

De plus amples recherches et une plus grande sensibilisation du public sur ces importantes disparités en matière de santé sont nécessaires pour encourager les efforts de prévention et d’intervention.