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Les mineurs de cryptomonnaies veulent créer leur propre réseau électrique

Toute entreprise de minage de cryptomonnaies dépend du prix de son accès à l’électricité : moins cher le kilowatt-heure, meilleures les affaires. Résultat : en général, les boîtes qui souhaitent percer dans cette industrie impitoyable sont prêtes à tout pour décrocher le meilleur contrat électrique possible, le plus vite possible. C’est la raison pour laquelle leur dernière marotte consiste à construire des réseaux électriques locaux tout entiers, postes compris.

L’entreprise canadienne DMG Blockchain assemble en ce moment-même son propre poste électrique à côté de Castlegar, une ville du sud de la Colombie-Britannique électrifiée par un barrage voisin. Contacté par téléphone, Steven Eliscu, le responsable du développement de DMG, a déclaré à Motherboard que la construction du poste coûtait des millions de dollars. L’entreprise a même dû poser sa propre route pour acheminer l’équipement jusqu’au site de construction. L’objectif : brancher le poste sur la grille locale pour qu’il alimente les opérations de minage de DMG dès le mois de septembre prochain.

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« À la fin du mois d’août, nous commencerons un processus de mise en service, explique Eliscu. Le poste terminé sera testé en détail. Nous aimerions être sûr que la ville du coin n’explosera pas quand nous le mettrons en marche. »

Image : DMG Blockchain

À échelle industrielle, le minage de cryptomonnaies est largement automatisé. Des centaines, voire des milliers d’ordinateurs travaillent toute la journée pour deviner des chiffres qui « résoudront » un bloc de données de transactions, lui permettant ainsi d’être ajouté à la blockchain — un registre distribué qui garde trace de tous les billets numériques en circulation. Les crypto-mineurs reçoivent une récompense en cryptomonnaie toute fraîche et en frais d’utilisation. Si l’électricité du coin n’est pas chère, il est bien possible de gagner beaucoup de sous avec ce genre d’activité.

Tout autour du monde, des entrepreneurs se battent pour trouver l’électricité la moins chère et ouvrir boutique le plus vite possible. Au Québec, terre d’hydro-électricité, par exemple, les mineurs de cryptomonnaie sont si nombreux que les autorités locales ont déclaré un moratorium et demandé l’aide de l’Office national de l’énergie.

Eliscu a déclaré que son entreprise travaillait en collaboration avec les fournisseurs d’énergie locaux et que le projet de poste électrique avait été approuvé par écrit par les pouvoirs publics. Lorsque nous avons contacté le fournisseur local de Castlegar, FortisBC, ses porte-paroles ont refusé d’évoquer les détails du projet de DMG. Motif invoqué : l’entreprise « ne révèle pas d’informations concernant des clients ou potentiels clients sans leur consentement ». Cependant, ont-ils ajouté, « dans les projets de cette nature, l’entreprise en question et FortisBC ont signé un accord d’interconnexion d’installations (Facilities Interconnection Agreement). » Le poste électrique devra également être certifié par un ingénieur professionnel reconnu par la province.

« FortisBC a été approché par plusieurs entreprises de minage de cryptomonnaies au cours des dernières années, écrit un porte-parole du fournisseur d’énergie dans un mail adressé à Motherboard. Du fait de la quantité de matériel informatique utilisé, ces entreprises ont souvent des besoins importants en électricité. En tant que fournisseur d‘énergie public actif en Colombie-Britannique selon la loi sur les commissions d’utilité (Utilities Commission Act), nous sommes dans l’obligation de servir nos clients dans notre zone d’activité, y compris les entreprises de minage de cryptomonnaies, sous certaines conditions et restrictions. »

Image : DMG Blockchain

Le fournisseur d’énergie a refusé d’évoquer le montant de la facture de DMG, expliquant qu’il tenait à préserver la vie privée de ses clients ou potentiels clients. Invoquant la concurrence, Eliscu a également refusé de dévoiler le prix de l’électricité attendu par DMG après la mise en service de l’installation.

« Nous avons mis en place un accord pour ça, pour permettre à quelqu’un d’autre de proposer quelque chose, explique Eliscu. Je ne veux pas dire que nous avons un droit formel de refuser un gros acteur, et c’est la raison pour laquelle nous sommes très prudent vis-à-vis de notre stratégie d’acquisition d’énergie. Il pourrait y avoir une ruée si les gens comprenaient mieux ce que nous faisons. »

DMG a de l’expérience dans le domaine. Comme Sheldon Bennett, le Chief operative officer (COO) de l’entreprise, Eliscu a d’abord travaillé pour l’entreprise de minage Bitfury, qui a ouvert des postes de minage en Alberta. Plus tard, ces postes de minage ont été rachetés par une entreprise de Vancouver, Hut 8, qui a musclé toute l’opération avant d’entrer à la bourse canadienne TSX Venture Exchange cette année.

Il n’est pas rare que des data centers achètent leur propre poste électrique. La multinationale suisse ABB, par exemple, vend les équipements nécessaires et les a marketés auprès de data centers.

Pour DMG Blockchain, construire son propre poste électrique est d’abord une affaire de vitesse. Le processus normal, qui va de la signature des contrats à l’autorisation d’accès à un poste, peut prendre plus d’un an, explique Eliscu. DMG vise à boostrapper son poste en six mois. « Si vous confiez la tâche à un fournisseur d’énergie, naturellement, ça prendra longtemps. Ce n’est pas pour critiquer les fournisseurs d’énergie. C’est juste comme ça que ça se passe, depuis toujours. Ils ne sont pas habitués à travailler à la vitesse du Bitcoin, c’est très différent pour nous. »

Si tout se passe comme prévu, DMG pourrait bien lancer une mode ; l’entreprise a déjà l’intention d’aider d’autres opérations de minage à construire leur propre grille électrique.