Les soldats LGBTQ ukrainiens

gej vojnik u kamuflažnoj uniformi

En novembre 2018, une marche pour les droits des transsexuels à Kiev a été interrompue par un groupe de nationalistes de droite qui ont lancé des fumigènes dans la foule. Christopher Miller, un journaliste américain basé à Kiev, a été frappé au visage par un nationaliste. Au lieu de protéger les manifestants, la police s’est retournée contre eux. Dans un communiqué, les organisateurs ont déclaré : « Les événements d’aujourd’hui ont montré que les taux d’agression et de violence commis par les radicaux d’extrême droite augmentent en Ukraine. »

C’est la réalité quotidienne pour une grande partie de la communauté LGBTQ en Ukraine, y compris pour les soldats homosexuels qui risquent leur vie pour leur pays. Le photographe Anton Shebetko estime qu’il est temps que les Ukrainiens commencent à apprécier les sacrifices consentis par la communauté LGBTQ.

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mężczyzna stojący w kolorowym dymie

« Plus de 330 000 Ukrainiens se sont battus dans le cadre de nos opérations antiterroristes dans l’est du pays », me dit Anton, évoquant le différend opposant le pays aux séparatistes pro-russes. « Mais les groupes d’extrême droite veulent nous faire croire qu’il n’y a pas d’homosexuels dans l’armée. »

C’est pourquoi Anton a créé la série « We Were Here », qui offre aux soldats gays – qu’ils soient à la retraite ou toujours en service – un espace leur permettant de raconter leurs propres expériences de l’armée. J’ai récemment discuté avec Anton de son projet, de ce qui se passe lorsqu’un soldat fait son coming out et de l’avenir qui se profile pour la communauté LGBTQ en Ukraine.

VICE : Bonjour, Anton. Qui a participé à votre projet et comment les avez-vous convaincus ?
Anton Shebetko : Tous ceux qui ont participé au projet ont combattu lors de l’opération menée à l’est de l’Ukraine. Certains ont servi comme soldats, d’autres comme ambulanciers et volontaires. Je les ai contactés pour leur expliquer ma démarche. Quelques-uns ont refusé, mais la plupart ont accepté. Je pense que la promesse d’anonymat a contribué à les convaincre.

Comment décririez-vous l’état actuel des droits des LGBTQ en Ukraine ?
J’ai envie de croire qu’il y a eu de petites améliorations. Chaque année, quelques milliers de personnes assistent au défilé annuel de la Pride, notamment grâce à une forte présence policière qui protège les participants contre les nazis et les fous qui pensent que le fait d’être gay est un péché mortel. D’un autre côté, la situation dans les villes de province n’est pas bonne. Et puis, il y a l’intolérance générale à laquelle les gens doivent faire face quotidiennement. En regardant de plus près, on comprend que la montée des sentiments nationalistes, conjuguée à la colère suscitée par un climat économique difficile, rend la vie difficile aux personnes LGBTQ en Ukraine.

zamaskowany mężczyzna ze sprejami

Vous avez protégé l’anonymat de vos sujets. Que se passerait-il si quelqu’un les reconnaissait ?
Eh bien, deux des participants sont ouvertement homosexuels. L’un d’eux a fait son coming out après que j’ai fait son portrait. Il s’appelle Viktor Pylypenko et il est le premier ancien soldat de l’histoire de l’Ukraine à rendre son homosexualité publique. Depuis, il a accordé de nombreuses interviews et il est maintenant activiste LGBTQ, en parallèle de son travail habituel. Il est difficile de prédire ce qui pourrait arriver aux autres participants s’ils décident de faire la même chose. Dans le cas de Viktor, ses anciens collègues de l’armée l’ont beaucoup soutenu. Bien sûr, il a également reçu un certain nombre de menaces, en ligne et par téléphone. Mais à ma connaissance, il est en sécurité et se porte bien.

Ont-ils partagé des histoires personnelles avec vous ? Comment vivent-ils le fait de garder leur identité secrète dans l’armée ?
Oui, chacun a évoqué ses expériences d’homophobie et de discrimination dans l’armée. Tout le monde avait des expériences et des opinions différentes, par exemple sur la nécessité de la Pride ou sur le moment propice au coming out. Mais tous s’accordent à dire que l’armée est institutionnellement homophobe. Et tous ont peur de dévoiler leur sexualité à leurs collègues, par peur des répercussions potentielles. Il est également important de rappeler que le problème de la discrimination ne se limite pas à l’homophobie – plusieurs femmes ont partagé avec moi leurs expériences de sexisme au sein de l’armée.

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zakamuflowany żołnierz na tle tęczowej flagi pozuje z ukraińską flagą
Kobieta w mundurze z włosami na twarzy
Mężczyzna stojący tyłem do aparatu
pomalowany mężczyzna w mundurze

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