L’influence de la K-pop sur la pop culture est indéniable, mais la semaine dernière, sa portée a dépassé le monde de la musique pour s’étendre à la justice sociale. Suite aux protestations suscitées par la mort de George Floyd – un homme noir de Minneapolis tué par un policier blanc – certains des plus grands noms de l’industrie se sont exprimés. Des célébrités comme BTS, MOMOLAND, et Yeri de Red Velvet, ont promis leur soutien au mouvement Black Lives Matter – ce qui est peu commun pour les artistes K-pop, qui restent généralement discrets sur les questions sociales. Et leurs fans dévoués y sont pour quelque chose.
Avant même que le groupe BTS n’affiche son soutien au mouvement Black Lives Matter, ses fans ont pris les choses en main.
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Ils ont bombardé les hashtags #WhiteLivesMatter et #WhiteoutTuesday sous les photos et vidéos de BTS, enterrant de fait les tweets racistes. Ils ont également trollé une application de mouchardage de la police de Dallas en l’inondant de vidéos des performances du groupe, ce qui l’a fait planter. Ils ont aussi taggué les comptes des réseaux sociaux de leurs artistes préférés sous les posts concernant la mort de Floyd, les incitant à rompre leur silence.
Finalement, ils ont réussi à convaincre les stars de la K-Pop de se joindre à eux pour prendre position. Mais cet élan de soutien à la communauté noire arrive sans doute un peu tard. Les stars de la K-pop ont délibérément évité de commenter l’actualité – en particulier les sujets controversés – une pratique largement appliquée par leurs sociétés de gestion. En 2016, des artistes comme G-Dragon de Big Bang, Jokwon de 2PM, et Yubindef Wonder Girls, ont affiché des hommages émouvants aux victimes de la fusillade du night-club Pulse à Orlando, pour ensuite les retirer et les remplacer par de vagues déclarations.
Ce silence s’étend également aux questions intérieures. En 2019, le mouvement #MeToo a balayé la Corée du Sud avec le scandale du Burning Sun, qui impliquait des allégations de harcèlement sexuel contre des stars de la K-pop. Hormis les artistes impliqués, aucune autre personnalité de l’industrie du divertissement n’a pris position.
« Maintenant que la K-pop est un phénomène mondial, les attentes des stars coréennes ont évolué, et elles veulent pouvoir s’exprimer sur les questions mondiales au même titre que leurs homologues occidentaux »
Lee Gyu-tak, professeur de culture médiatique à l’université George Mason de Corée, explique que les studios de K-pop choisissent de ne pas faire de déclarations publiques audacieuses pour éviter les réactions négatives des fans, ce qui pourrait compromettre leur activité de plusieurs milliards. Mais selon lui, maintenant que la K-pop est un phénomène mondial, les attentes des stars coréennes ont évolué, et elles veulent pouvoir s’exprimer sur les questions mondiales au même titre que leurs homologues occidentaux. « Les stars de la K-Pop doivent s’exprimer, surtout parce que ces mêmes artistes, dans leurs chansons, encouragent leurs fans à faire de même. Cela fait partie de leur marque », dit-il.
Les membres de BTS ont été parmi les premiers à adopter cet état d’esprit, en parlant ouvertement de santé mentale à leurs fans et en condamnant la violence contre les femmes et les enfants aux Nations unies. À la suite des manifestations pour George Floyd – qui appellent au démantèlement du racisme systémique à l’encontre des Noirs aux États-Unis – le boys band et sa maison de disques Big Hit Entertainment ont annoncé qu’ils allaient faire un don d’un million de dollars pour soutenir le mouvement Black Lives Matter.
Ils ont également tweeté leur soutien à la cause à leurs 26 millions de followers.
Et il n’y a pas que BTS. Le rappeur américain d’origine coréenne Jay Park a également fait un don de 10 000 dollars au mouvement, tandis que le groupe MONSTA X et le membre de MAMAMOO Hwasa se sont exprimés contre le racisme sur les réseaux sociaux. Le rappeur Tiger JK, l’un des premiers artistes hip-hop coréens, a déclaré que les chanteurs de K-pop ont le devoir envers la communauté noire de dénoncer le racisme. « En tant que musiciens inspirés par la culture noire, nous nous devons de rejoindre le mouvement BLM », a-t-il écrit.
C’est un sentiment qui est largement partagé par les artistes de l’industrie. CL, du groupe 2NE1, a écrit sur Instagram : « Les artistes, les réalisateurs, les écrivains, les danseurs, les designers, les producteurs, les stylistes de l’industrie K-pop sont tous inspirés par la culture noire, qu’ils le reconnaissent ou non. J’aimerais encourager tous les fans de K-pop à donner en retour et à montrer leur amour et leur soutien à tous les artistes noirs. »
La critique musicale Kim Young-dae, basée à Seattle, explique que l’industrie musicale coréenne a adapté et localisé la culture pop américaine dès les années 60. C’est notamment le cas de Seo Taiji and Boys, considéré comme le premier groupe de K-pop, qui s’est fortement inspiré des tendances hip-hop des années 90. Aujourd’hui, les genres les plus populaires au sein de la K-pop sont toujours le rap, le hip-hop et le R&B. « La liste de l’impact de la culture noire sur la K-pop est sans fin », dit-elle. Les fans de K-pop le savent, et c’est l’une des raisons pour lesquelles ils ont appelé des groupes comme BTS à s’exprimer.
Dans une série de tweets, l’écrivain coréen Yim Hyunsu, spécialiste de la culture pop, a déclaré que les fans de K-pop sont « largement progressistes et politiquement conscients » et qu’ils utilisent souvent leur dévouement et leur capacité à s’organiser sur les réseaux sociaux pour diverses causes.
En septembre 2019, par exemple, les fans de K-pop et les influenceurs ont unis leurs forces pour s’opposer aux lois controversées proposées en Indonésie, dont celle qui criminalise les relations sexuelles extraconjugales. Pour une industrie qui dépend si fortement du soutien des fans, ces appels sont devenus trop forts pour être ignorés. « La caractéristique distinctive de l’industrie de la K-Pop, après tout, est qu’elle interagit avec les fans rapidement et leur répond avec passion », dit Lee.
Et les fans les plus acharnés du monde ont semble-t-il trouvé un moyen d’exploiter leur pouvoir pour œuvrer pour le bien.
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