Cette année, VICE célèbre la Pride le vendredi 20 mai à l’Ancienne Belgique avec OUTRAGEOUS. La mention de l’AB dans cet article n’est donc vraiment pas une coïncidence.
Je n’ai connu ma première Belgian Pride qu’à l’âge de 23 ans. Ça vous révèle deux choses : le temps passé à lutter contre mon homophobie intériorisée, et le peu d’importance que j’accordais à la Pride. Je me disais : « Qu’est-ce que je vais foutre avec des gars musclés à moitié à poil et des chars aux couleurs d’arc-en-ciel ? » Ça vous révèle encore deux autres choses : je ne me sentais pas en sécurité et, à cause de mes privilèges, je ne savais pas à quel point c’était important de participer à la manifestation qu’est la Pride.
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La Pride c’est plus qu’une parade. La Pride c’est une attitude. Aucune autre ville belge que Bruxelles ne le fait ressentir tout au long de l’année. J’avoue, en mai c’est un peu plus balancé à la gueule des non-LGBTQIA+. Pour l’occasion, la ville s’habille en arc-en-ciel, les abribus font la promo des alliés et, le samedi 21 mai, nos propres allié·es et nous-mêmes, on descend dans la rue pour célébrer la Belgian Pride Parade.
La Pride c’est pas qu’une fête. C’est une protestation. Comme toujours, il y aura des partenaires commerciaux et des dispositifs politiques qui ne pourront pas résister à la tentation du pinkwashing, mais la Belgian Pride 2022 revient clairement (plus) à ses origines. Selon l’organisation, le thème de la Pride 2022, « OPEN », représente une demande pour « un appel à plus d’inclusivité, de respect et d’égalité pour les personnes LGBTI+ ». On célèbre à la Pride le fait que des personnes LGBTQIA+ puissent (pour la plupart) être elles-mêmes ici. Mais la lutte reste nécessaire jusqu’à ce qu’avec tou·tes les membres de nos communautés, on soit pleinement libres d’être nous-mêmes, où qu’on soit dans le monde.
Lorsque vous rejoindrez le défilé samedi, vous marcherez dans les pas de nombreuses personnes courageuses qui ont ouvert la voie pour vous. Je leur en suis reconnaissant, mais en réalité, je connais très peu la vie des communautés LGBTQIA+ belges du passé. Je suis donc allé faire du tourisme dans mon propre pays, sous 27 degrés, pour assister à une visite guidée à pied du Musée de la ville de Bruxelles.
Arrêt #1 : Le Musée de la Ville de Bruxelles
À l’heure la plus chaude de la journée, la photographe Anaïs Shooter et moi, on se lance dans une visite de la Grand-Place de Bruxelles avec la guide, Michaella. Michaella fera ce tour trois fois aujourd’hui – en néerlandais, en français et en anglais. On est les premier·es à partir. Je lui demande si elle veut un peu de crème solaire, mais elle décline.
Avant de commencer la promenade, Michaella nous remet dans le contexte. Pendant la visite, on va chercher des témoins du passé des personnes LGBTQIA+ du 19ème et 20ème siècle. Elle souligne que l’homosexualité (relations sexuelles entre personnes du même sexe, NDLR) n’a jamais été explicitement interdite en Belgique à cette époque. La loi interdisait l’indécence publique et l’incitation à la fornication, mais chez soi, on pouvait (légalement) faire ce qu’on voulait. Ce n’est qu’avec l’entrée en vigueur de la loi de 2003, concernant le mariage homosexuel, qu’on peut parler d’une reconnaissance légale des relations homoromantiques – même si on ne doit pas forcément nous conformer aux exigences monogamiques.
Arrêt #2 : Galeries royales Saint Hubert
Pour notre deuxième arrêt, on marche vers la Galerie du Roi. Michaella explique que ce quartier est un témoignage de la gentrification du début du XIXe siècle. « Ça n’a pas vraiment marché, dit-elle, c’est pas parce que vous construisez quelque chose pour les riches que les pauvres ne reviendront jamais. » Et c’est ce qui s’est passé. Ces galeries, qui exposent aujourd’hui des Delvaux et des pralines, étaient autrefois le lieu de nombreuses rencontres intimes entre les gens issus de différentes classes, d’abord dans les ruelles, puis dans les bars et les auberges, comme l’actuel Marmiton.
La galerie est aussi un lieu important pour une autre raison. C’est ici que la célèbre « Maman », l’alias de Serge Morel, a donné son premier spectacle en 1989 dans ce qui est aujourd’hui le Théâtre du Vaudeville. L’artiste drag a ensuite ouvert son propre bar « Chez Maman ». Aujourd’hui encore, Bruxelles possède l’une des cultures drag la plus riche et la plus variée de Belgique.
Arrêt #3 : Le couloir de la fidélité
Alors qu’on poursuit la promenade dans le quartier, Michaella met le doigt sur la plaie béante de la visite : celle-ci porte très souvent sur les hommes homosexuels spécifiquement. Selon elle, c’est dû en partie au fait que les femmes sont peu ou pas du tout entrées dans le domaine public. Les femmes ont également été désexualisées pendant longtemps, sauf quand on parle de travailleuses du sexe.
Pourtant, dans cette partie de Bruxelles, il existe des traces de lieux où les femmes pouvaient se rencontrer. Michaella nous emmène dans la ruelle où aujourd’hui c’est principalement Jeanneke Pis qui occupe les touristes. Cela dit, si on est ici, c’est pour un bar à l’apparence peu impressionnante qui abritait La Pergola. Ce bar était fréquenté à l’époque par Suzan Daniel, l’une des initiatrices du mouvement LGBTQIA+ en Belgique. Ce café a aussi donné le nom de « la foire aux éléphants roses » au trouble du Delirium tremens.
Arrêt #4 : La rue du Marché au Charbon et le boulevard Anspach
Dans les années 1980, le quartier de la Rue des Bouchers a été envahi par les restaurants, mais les mentalités ont aussi changé, de sorte que tout devait être moins caché, explique Michaella. Le quartier gay a déménagé tout près et traverse maintenant la Grand-Place. La Rue des Pierres et la Rue du Marché aux Charbons, sont encore aujourd’hui enveloppées des couleurs de l’arc-en-ciel – bien que la pandémie ait fait disparaître quelques commerces. Mais bonne nouvelle : de nouveaux lieux s’ouvrent, comme The Agenda, une communauté inclusive pour les personnes non binaires et les allié·es.
On plonge encore dans l’histoire au boulevard Anspach. À la Bourse, Michaella nous parle des travaux d’assainissement qui ont été réalisés ici au milieu du 19ème siècle. La Senne – qui était pratiquement devenue un égout public – a dû faire place aux avenues chic d’aujourd’hui. Mais là encore, la gentrification n’a pas tout à fait marché. Les urinoirs publics qui ont été installés pour empêcher d’uriner en public sont devenus le lieu de rencontre idéal pour le commerce du sexe – et pas seulement entre hommes.
Arrêt #5 : Ancienne Belgique et la rue de la Chaufferette
L’histoire peut aussi être contemporaine. Et les anecdotes les plus folles peuvent entrer dans les annales. Une de ces anecdotes met en scène l’ancien député européen hongrois József Szájer. Le politicien de droite ultra conservateur a pris part, en novembre 2020, à une orgie illégale avec principalement des hommes, sur le boulevard Anspach. I Il aurait même tenté de fuir par le tuyau de gouttière de l’AB. Aujourd’hui, ce dernier est recouvert d’autocollants militants qui dénoncent l’hypocrisie de l’homme politique. Le tuyau a même reçu un mémorial temporaire.
Bien sûr, l’AB est un lieu pertinent pour les communautés LGBTQIA+ d’aujourd’hui pour d’autres raisons. Principalement pour la programmation d’artistes LGBTQIA+. Pendant le week-end de la Pride, vous pouvez aller à la « OUTRAGEOUS » voir Mykki Blanco, Cobrah, BRYN, entre autres, le vendredi, et samedi Le Moonchild a malheureusement été annulé, mais le FAQ Pride Festival se poursuivra à des endroits différents, dans les jours qui suivent.
Enfin, derrière l’AB, on tourne dans la rue de la Chaufferette, où l’art de rue coloré s’attaque aux stéréotypes sur les communautés LGBTQIA+. Cette rue me fait penser au podcast de Mia Melvær, qui nous présente une promenade plus queer et féministe du centre-ville. Au bout de la rue, on trouve également la Rainbow House et, en face, le magasin Picard – Megafun, le « Homomonument », où on termine la visite avec le Musée.
Arrêt extra : Sainte-Catherine
Après un verre au Plattesteen, on reste un peu sur notre faim Anaïs et moi. La visite donne un aperçu du passé, mais ce passé est (comme souvent) raconté du point de vue des hommes. On décide de rendre hommage à l’initiative « Mothers and Daughters » à Sainte-Catherine, où l’organisation a tenu un pop-up bar Lesbien et Trans en 2018. Des initiatives plus contemporaines, temporaires et anciennes peuvent être trouvées via le Brussels Almanack Dykes, qui tente de cartographier (littéralement) autant d’espaces queer & féministes bruxellois que possible.
Vous pouvez encore voir l’exposition « Pride @ the Museum » au Musée de la Ville de Bruxelles. Les visites peuvent être guidées sur réservation. Transmettez mes salutations à Michaella.
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