C’est une histoire courte, et pour laquelle on ne dispose que de peu de détails, mais qui vaut néanmoins la peine d’être relatée brièvement pour son caractère extraordinaire. Le cas dont il est question ici a été rapporté originellement en 1835 dans le London Medical and Surgical Journal, dont les auteurs s’appuyaient sur le récit d’une revue grecque ; il a été porté à notre attention par l’excellent Thomas Morris, dont le site devrait être une lecture presque quotidienne pour quiconque sait apprécier les merveilles de la médecine, disons, “pré-moderne”.
Nous sommes donc en juillet 1835, en Grèce, lorsqu’un médecin français expatrié, le Dr. Ardoin, rend visite à un jeune garçon nommé Demetrius Stamatelli, qui se plaint de violentes douleurs abdominales et semble à l’agonie. Faisant honneur au serment d’Hippocrate, le médecin lui prescrit alors plusieurs remèdes, mais rien ne semble pouvoir apaiser les souffrances du garçon. Rapidement, le médecin avoue être arrivé au bout de ses compétences ; il recommande alors que les derniers sacrements soient administrés au jeune Demetrius, à qui il prédit une mort rapide et douloureuse.
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Rappelons que personne ne sait alors de quoi souffre le garçon. Dans le doute, le médecin finit par lui administrer un vomitif, dans l’espoir que la cause de tous ses maux soit en fait une simple indigestion, ou la présence d’un objet indésirable dans son estomac. Il ne s’attendait certainement pas à ce qu’il se passa ensuite : après avoir vomi mollement pendant quelques instants, l’enfant fut à nouveau saisi d’une douleur abdominale intense, et finit par vomir un foetus. Un foetus entier, qui sortit de sa bouche.
Voici la description qu’en fit le Dr. Ardoin :
“La tête du foetus était bien développée, et l’un de ses bras était parfaitement formé ; son corps ne possédait pas d’extrémités inférieures, en lieu et place desquelles se trouvait simplement un prolongement de chair dont l’extrémité était très fine, et attaché au placenta par une sorte de cordon ombilical. Trois jours après ma première visite, le patient se portait nettement mieux, tous les symptômes disparaissaient progressivement, et sa santé n’a cessé de s’améliorer depuis.”
Vraisemblablement, le foetus en question n’était autre que le frère jumeau du jeune garçon, ou ce qu’on appelle un ischiopagus (ou “jumeau parasite”). C’est ce qui arrive parfois – rarement, en vérité – lorsque deux jumeaux s’entremêlent dans l’utérus, ce qui empêche généralement l’un des deux de poursuivre normalement son développement. Le jumeau parasite, malformé, est alors bien souvent absorbé par le corps de son frère ou de sa soeur, dont il dépend totalement ; c’est ce qui explique que certaines personnes naissent avec des membres surnuméraires et sous-développés, des organes en double, ou encore un foetus attaché à une partie du corps et parfois visible de l’extérieur.
En revanche, il est extraordinairement rare qu’un jumeau parasite soit ainsi expulsé par la bouche, ce qui explique sans doute la fascination du Dr. Ardoin face à cette étonnante découverte. Voici comment il conclut son rapport :
“Je transportai le foetus en ma demeure, et c’est là, entouré de mes collègues de Syra et plus particulièrement de MM. Milonas et Corco, que nous examinâmes minutieusement cette étrange production anatomique, que nous identifiâmes comme un foetus humain. Une fois l’examen terminé, nous décidâmes de le conserver dans un bocal empli d’alcool. J’ai décidé de le rendre public, afin qu’il ne puisse être considéré comme une imposture.”
On ignore si d’autres cas similaires ont été observés depuis, ou si l’histoire du jeune Demetrius est unique dans les annales de la médecine. Mais soyez rassurés : de nos jours, les jumeaux parasites sont généralement détectés rapidement grâce au miracle de l’échographie. Reste que vous repenserez certainement à cette belle histoire la prochaine fois que vous souffrirez d’un mal de ventre inexpliqué. Et c’est déjà pas mal.