Après l’ouverture de trois centres d’injection supervisée la semaine dernière, élus, organismes communautaires et intervenants de la santé se sont voulus rassurants : les centres auront des bienfaits pour tous, tant pour les consommateurs de drogues injectables que pour les citoyens, a-t-on répété en conférence de presse.
L’annonce survient après que la Commission scolaire de Montréal (CSDM) eut assuré considérer la voie des tribunaux pour empêcher l’ouverture d’un quatrième centre, tout près de l’école primaire Marguerite-Bourgeoys. L’inauguration à l’automne de ce centre piloté par l’organisme Spectre de rue inquiète de nombreux parents d’enfants qui fréquentent l’établissement du Centre-Sud de Montréal.
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« Il n’est pas question que le site déménage », a tranché Richard Massé, directeur de santé publique de Montréal, en réponse aux appréhensions des parents. Il s’est cependant dit enclin à dialoguer. « Nous allons discuter avec les parents et avec la direction de l’école. S’il y a quoi que ce soit que nous pouvons faire – sauf changer d’emplacement – nous allons le faire. Nous sommes ouverts aux suggestions », a-t-il soutenu.
Citoyens en colère
Il n’y a pas que la communauté de l’école Marguerite-Bourgeoys qui est inquiète. Deux citoyens attendaient les élus à la sortie de la conférence, qui se déroulait dans le même édifice qui héberge le centre piloté par Cactus. Daniel et Chantal, installés dans le quartier depuis environ un an, sont mécontents de l’implantation du centre d’injection supervisée juste en face de chez eux.
Daniel tenait à la main une photo qu’il disait avoir prise avec son cellulaire deux jours auparavant. On y voyait une personne assise sur le trottoir, une seringue plantée dans le bras.
« Ça fait une semaine, et on est déjà tannés! », a-t-il lancé, rappelant au passage la présence d’enfants dans les logements qui font face au centre d’injection, et dénonçant l’absence de caméras de sécurité à l’entrée du centre.
Selon lui, depuis l’ouverture du centre la semaine dernière, les événements du genre se multiplient et on retrouve des seringues sur le sol. L’homme exige la fermeture du centre, et promet qu’il continuera à formuler des plaintes auprès des autorités.
La ministre de la Santé publique Lucie Charlebois puis le maire Denis Coderre sont intervenus pour tenter de calmer le jeu, en vain.
De son côté, la directrice du Cactus, Sandhia Vadlamudy, a admis qu’il y a « des ajustements à faire » avec le voisinage qui a des préoccupations et des frustrations. Elle juge qu’il y a un certain rodage à faire avec les usagers du Cactus, pour qu’ils développent certaines habitudes respectueuses notamment de la qualité de vie des voisins. Elle a assuré avoir été à l’écoute des citoyens tout au long de la semaine dernière, et que le centre tente « de rétablir l’équilibre, mais un équilibre mutuel », a-t-elle nuancé.
Pour le bien de tous
Les centres d’injection supervisée riment avec moins de risque de santé publique, a-t-on rappelé maintes fois aujourd’hui.
« Ce qui a bien été démontré dans la littérature scientifique, c’est que mettre en place des services d’injection supervisée va accroître la sécurité de tous les citoyens. Ça va diminuer le nombre de personnes qui s’injectent dans la rue, le nombre de personnes qui s’injectent dans les ruelles et dans les cours d’école », a rappelé le directeur de santé publique de Montréal.
Sandhia Vadlamudy a ajouté que les consommateurs de drogues injectables de Montréal ont droit à la dignité, au même titre que les autres citoyens. « L’ouverture des sites d’injection supervisée est l’expression claire que la communauté croit à l’importance de cette dignité pour tous », s’est-elle réjouie. « Nous n’avons plus maintenant à renvoyer les personnes ailleurs, dans des milieux parfois… peu accueillants. »
On estime qu’il y a environ 4000 consommateurs de drogues injectables sur l’Île de Montréal. Les organismes assurent avoir supervisé des dizaines d’injections par jour depuis la semaine dernière, sans offrir de nombre plus précis. Un bilan plus complet sera soumis en septembre.