Ça commence évidemment sur le chemin qui mène au Stade de France. Puis autour de l’enceinte dionysienne. Et ça monte tranquillement en puissance. Dans le RER ou le métro, les supporters parisiens croisent leurs meilleurs ennemis marseillais. On s’observe du coin de l’œil. Pas plus. Une fois autour du SDF, tout le monde retrouve soudainement la parole. Quelques vannes presque bon enfant pour se mettre en bouche, de la grosse insulte en face to face puis, sans doute pour basculer plus vite au Pastis, des Marseillais qui finissent leurs pintes de bières sur les tronches de quelques supporters parisiens. Les choses basculent vraiment lorsque, bloqués à l’entrée du tunnel censé les mener à leur tribunes, les mêmes Marseillais, déjà bien chauds sur les CRS qui leur font face, croisent des maillots estampillés Fly Emirates. Là, l’échange d’amabilités débute à peine qu’une première balayette laser bien sentie part sans prévenir. Poursuite. Attroupement. Échanges de coups, bouteilles qui volent et CRS qui s’échauffent comme ils peuvent à quelques semaines de l’Euro. C’est officiel, cette finale a commencé.
Dans le kop marseillais, on recroisera d’ailleurs un supporter olympien qui est visiblement allé au charbon. Lèvre coupée et pommette tuméfiée, il ne verra le match que d’un œil. Mais il s’en fout un peu, car comme ses 20 000 collègues, il est surtout monté au Stade de France pour l’honneur. David, la vingtaine, torse nu et déjà troisième bambou fumant en bouche, abonde : « Tu crois vraiment qu’on peut le gagner ce match toi ? Avec une bande de pitres pareil ? Attends, quant tu vois que c’est Rekik qui va être au marquage de Zlatan et Cavani, tu arrêtes de suite d’espérer, je te le dis moi ». Bref, faire plus de bruit que ceux d’en face, montrer ses couleurs, crier sa fierté d’être Marseillais, rendre un dernier hommage à un capitaine sur le départ : il sont là les objectifs de la soirée. Car, las d’une saison pourrie jusqu’au bout, ces 20 000 fans n’espèrent rien de cette finale et ne croient plus en une équipe qui les a tant déshonorés en 2015-2016. « Cette année, c’est très compliqué, grimace Patrick, qui accompagne son fiston de 15 ans. Mais on est là depuis toujours, et ça ne changera pas. Et ce soir, je supporte mon club. Mais pas cette équipe qui nous fait honte. Putain, et dire qu’il y a à peine un an, avec Bielsa, on jouait le plus beau football d’Europe (sic). Là, à part Mandanda, Diarra et Michy, tout est à jeter… ». Le mail des MTP (Marseille Trop Puissant), un des groupes de supporters les plus importants du virage Nord au Vélodrome, ne disait d’ailleurs pas autre chose en informant ses abonnées de l’organisation du déplacement, le 5 mai dernier : « Bonjour, Les MTP organisent un déplacement en TGV pour la finale de la coupe de France (…) Inscription au local tous les jours de 14 heures à 18 heures. Venez nombreux, même si ils ne le méritent pas NOUS on est là ! ».
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Et effectivement, même si certains avouent avoir « très peur » de prendre une fessée ou qu’il faudrait « un miracle de Jésus ou de la Bonne Mère pour gagner », ils sont bien présents, les Marseillais. Virage presque plein contre tribune clairsemée au moment de l’échauffement, tifo géant contre tendu d’écharpe mal coordonné pour l’entrée des joueurs : la comparaison est difficile pour les Parisiens, qui (se) font quand même plaisir en craquant quelques fumigènes.
Niveau décibels, c’est un peu la même chose. Gros foutoir chez les ciel et blanc avec une première mi-temps qui restera sans doute une de leur plus bruyante au Stade de France (l’OM y disputait sa 6e finale samedi soir, coupe de France et Coupe de La Ligue confondues, ndlr). Côté parisien, difficile de se faire entendre jusqu’à ce que le break soit fait, au cœur de la seconde période. À 3, puis 4-1, forcément, les choses deviennent plus faciles pour les cordes vocales parisiennes et Michaël Youn peut tranquillement agiter un fumigène. Dans le virage marseillais, même si le scénario de la rencontre était finalement connu à l’avance, il devient compliqué de faire l’effort. Alors que David cherche un reste de weed dans ses poches, Patrick lui, s’est rassis. Il souffre à l’avance du retour en bus qui « va être très long… » Et alors que ce qu’il reste des “vrais” Ultras parisiens reprend quelques chants qui ont marqué l’histoire des tribunes Boulogne et Auteuil, les Marseillais entament un dernier baroud d’honneur vocal. C’est moins assourdissant, mais le virage chante et saute à nouveau comme un seul homme. Et se paie le luxe, à grands coups de sifflets, de passer sous silence la tentative d’ovation saluant les derniers pas de Zlatan Ibrahimovic sous la tunique parisienne. Huées, pluie, maillot floqué du logo PMU sur le dos : on a connu meilleure sortie pour un roi qui se veut légende…
Symptomatique d’un kop plus orgueilleux que ses joueurs, même la réduction du score de Michy Batshuayi passe inaperçue. De l’orgueil (et du talent), il en aurait fallu beaucoup plus aux hommes de Franck Passi pour espérer un meilleur résultat face au glouton parisien.
Car si les Marseillais ont logiquement remporté le match des tribunes samedi soir, ils viennent de voir leur pire ennemi les rejoindre au palmarès de la Coupe de France avec une dixième victoire. Et ça aussi, c’est incontestable…
Damien se balade sur Twitter.