Music

On est allés au cycle David Bowie à la Philharmonie et au festival Punk à Paris. En même temps.

Ca faisait quoi, au moins 3 mois sans une seule expo consacrée à David Bowie, non ? Samedi 7 mars, Renaud Cojo donnait son récital Low/Heroes (hyper cycle berlinois) à la Philharmonie de Paris (inaugurée en janvier dernier au Parc de la Villette), « une odyssée visuelle et sonore où se croisent les fantômes et les musiques de Philip Glass et David Bowie » mêlant musique, donc, images, théâtre et danse contemporaine. Au cas où vous n’auriez pas compris, ni Philip Glass, ni David Bowie n’étaient présents, juste leurs oeuvres. Mais quelles oeuvres ! Une symphonie plus urbaine mais tout aussi « fin-des-années-70 » était également donnée le même soir, dans une salle moins clinquante : le Chinois, à Montreuil. C’était la deuxième édition du mini-festival Punk à Paris. Et nous avons envoyé nos deux reporters-culture, Pierre Berthelot-Kleck et Sylla Saint-Guily, couvrir l’évènement.


La Philharmonie, « une espèce d’étron enrobé dans du papier alu », signé Jean Nouvel.

Videos by VICE

PUBLIC

Punk à Paris #2 : Si vous allez faire un tour du coté des soirées et festivals où Alt-J est considéré comme une découverte indé, il est intéressant d’observer que la valeur centrale de ce type de rassemblement est toujours l’unité. Une grande famille soudée, partageant le même amour de la musique « électro », des drogues de mauvaise qualité et des ventes privées A.P.C. Un sentiment imposé à grand coup de com’ et qui trahit le fait qu’en réalité – et malgré les drogues susnommées – tout le monde crache sur tout le monde dans un jeu qui pourrait s’appeler : « On est tous le hipster d’un autre ». Au Chinois, à Montreuil, pour cette deuxième édition du Punk à Paris, c’est tout à fait le contraire. Je crois que dès les premières notes de Tulamort, chacun a pu attester du fait qu’il n’avait aucun semblable dans l’arène et qu’il ne pourrait compter que sur lui-même dans le combat à venir ; mais en même temps, qu’un respect mutuel et profond s’infiltrait en nous comme la sueur et la bière dans nos vêtements. Si vous ne comprenez pas ce que je veux dire, disons que dans cette salle bien remplie, des bottines vernis marchaient et dansaient sans scrupules et dans la bonne humeur sur des chaussures de randonnée Quechua et au moins autant d’Air Max en lambeaux.

Low/Heroes : Tu t’attendais à quoi ? C’est la Philarmonie, mec. C’est 90 % de vieux qui lisent Télérama et 10 % de jeunes qui emmènent des meufs arty en rencard. Enfin bref, que des gens qui aiment LA culture, Moi j’étais là avec ma mère, ma soeur (17 piges) et ma meuf.


Deux salles, deux ambiances.

ENTRÉE EN MATIÈRE

Punk à Paris #2 : J’arrive à vingt heure trente, la salle est encore un peu clairsemée pour Master Master Wait mais cela ne semble pas être un problème pour eux. Le groupe aligne leur electro-punk salace, j’ai rapidement l’impression d’avoir 17 ans et d’être devant Crystal Castles. Apparement, tout le monde a fait traîner l’apéro avant la transhumance imposée par la ligne 9 et en arrivant à Croix de Chavaux le contre-coup est inévitable. Il faudra attendre quelques bières et les textes pleins de vie de Pierre & Bastien pour se remettre dedans. Des copains que je n’attendais pas se pointent. On va pouvoir passer aux choses sérieuses. Il commence à faire chaud et le sol glisse. Tulamort se préparent, en lustrant ses crampons.

Low/Heroes : Pas de première partie, mais ça va me laisser le temps d’évoquer le bâtiment, une espèce d’étron enrobé dans du papier alu, ou comme a justement indiqué ma soeur, « Jean Nouvel qui s’est dit YOLO ». L’entrée de la salle se trouve au 3ème étage, sachant qu’on ne peut pas passer par le rez-de chaussée pour y aller, il faut se taper un détour parce que les escalators extérieurs n’étaient pas finis. Et pareil, à l’intérieur, tout est dégueulasse et pas fini, aucune poubelle pour jeter mon coca, j’ai du le filer à la meuf de l’accueil qui m’a jeté un regard comme si je venais de chier par terre. OK, je sais, ça fait assez « problème de bourge » de dire ça, mais rappelez-vous : c’est vos impôts qui ont financé ce truc.


Punks à Paris.

TENUES ET SPECTACLE

Punk à Paris #2 : Comme annoncé précédemment, il y avait au moins autant de styles que de personnes dans la salle et à cela la scène ne dérogeait pas. Que ce soit le complet « prof d’Histoire-Géo-documentaliste-en-pull-marron-et-petites-lunettes-de-lecture » arboré par Pierre & Bastien ou la panoplie « Derby parisien au Stade Bauer un 1er Mai » imposée par Tulamort, les genres se succèdent et ne se ressemblent pas. Les concerts aussi et tant mieux. Le patchwork se tient et nous emporte de plus en plus vite. Les groupes se donnent mais ne sont pas là pour faire dans le superflu ni la dentelle. Pour tenir le rythme paramilitaire de Tulamort j’enquille les pintes, cela ne manquera pas d’entrainer de sévères Komplikations pour la suite.

Low/Heroes : Les musiciens de l’orchestre portaient tous un polo à manches longues imprimé du logo de l’expo assez moche, mais le chef d’orchestre a rattrapé le coup avec son look d’opticien et ses pompes vernies à boucle rouge qui matchaient avec ses lunettes fines de la même couleur, et une chemise de type « Messi » du plus bel effet.


Une odysée pluridisciplinaire.

SCENOGRAPHIE & AMBIANCE

Punk à Paris #2 : La salle du Chinois est à l’image de la soirée, un mélange simple, disparate et réussi. Certes le son n’est pas ce qui se fait de mieux et en effet les vigiles sont sûrement ce qu’il se fait de moins bien mais il faut bien donner à râler. L’ambiance est là, suintante, tout le monde à l’air heureux et en même temps assez triste. Peut être que le « Cancer » de Pierre et Bastien a refroidi tout le monde, on ne le saura pas, l’heure n’est pas aux épanchements, la transe sera brutale et hermétique. Dans ce mélange des genres et des humeurs un thème semble toutefois dominer les autres : ici même les toilettes sont antifas.

Low/Heroes : Même si le bâtiment est une grosse merde, la salle est plutôt cool. C’est plutôt joli, les sièges sont assez confortables pour les détenteurs de cartes Vermeil, et le parterre est placé hyper bas et tout près de l’orchestre, tellement près que je pouvais faire des clins d’oeil à cette violoniste asiatique sans me faire gauler par ma meuf. Quelques personnes ont toussé pendant le spectacle et toutes ont applaudi entre chaque mouvement. Aucun portable n’a sonné. Aucun selfie-stick en vue, il est strictement interdit de filmer.


Deux styles, deux orchestres.

POINT MUSIQUE

Punk à Paris #2 : Avec le recul, on s’aperçoit qu’il y aura clairement eu deux concerts distincts, les trois premiers et Komplikations. Comme s’il avait fallu monter la pression jusqu’au mal de tête avant l’exutoire final. L’armada de synthés belges-allemands m’a fait voltiger dans tous les sens tel un B52 touché au moteur droit. Je pense que j’en avais réellement besoin, au delà de savoir si c’était un bon concert, c’est surtout le concert qu’il me fallait.

Low/Heroes : Le spectacle était divisé en trois parties : en premier lieu, l’orchestre a joué la symphonie Low de Philip Glass, inspirée de l’album de Bowie du même nom. C’était cool, à part si on n’aime pas Philip Glass, mais dans ce cas-là, pas la peine de venir. Juste après, par contre, on a eu droit à une performance du guitariste de Bénabar et d’un mec du groupe dEUS qui récitaient un texte de Bowie sur un fond de noise blip bloup, et ils ont fini par une reprise de « Where are we now ? », issue de son dernier album, avec un putain d’accent franglais. De l’Art, mon pote ! Après, la musique a repris ses droits, et on a eu la deuxième symphonie, Heroes, le vrai truc, avec deux harpes, des bassons, des putains de contrebasses, autre chose que des laptops de connards quoi.

FINAL

Punk à Paris #2 : Pas vraiment de fin. Un ingé-son débranche l’ambiance électrique, fin des festivités. On nous épargne les néons blafards mais on retombe de haut. Littéralement. Reste à rentrer, le retour est interminable et s’accompagne d’un long acouphène. Le métro sifflera une seule fois. Je suis un piètre Gary Cooper. Arrivé chez moi je me rends compte que mes errements acrobatiques ont eu raison de mes clés et qu’elles doivent, à l’heure qu’il est, baigner dans un coin du Chinois. Je vais devoir y retourner. Double peine.

Low/Heroes : Bah y’a pas eu de rappels, normal, même si j’aurais bien aimé entendre « Let’s Dance » joué à la clarinette basse, mais tout le monde a applaudi, le chef d’orchestre est revenu trois fois. Bonne soirée culture !


Pierre Berthelot-Kleck et Sylla Saint-Guily privilégient la Culture à Twitter.