Santé

Mais pourquoi tous les jeunes vapotent ces putains de Puff ?

puff elf bar

En ce qui concerne les alternatives à la cigarette, vous pensiez que les chicha-stylos étaient le summum du cool. Eh bien, déso mais vous êtes à la ramasse. Car la Gen Z est depuis peu obsédée par une nouvelle variante des e-cigs : les Elf Bars et Geek Bars. Elles sont petites, colorées et pleines de goût. Elles sont aussi, et c’est crucial, jetables et bon marché. J’en ai vu déclencher les alarmes incendie de mon école et d’autres joncher les fumoirs des clubs ; mon feed est bombardé de photos de kids qui « tootent » (je n’ai pas inventé ce terme, mais croyez-moi, tous ceux que je connais l’utilisent).

Contrairement aux chicha-stylos, ces vapes jetables n’ont pas besoin d’être constamment rechargées et remplies de liquide ; ce n’est pas très grave d’en perdre une ou de la jeter à la poubelle à l’approche d’un prof. Elles sont proposées dans toute une gamme de parfums, avec des noms de baumes à lèvres comme Pink Lemonade, Cotton Candy Ice, Kiwi Passion Fruit Guava et Blueberry Sour Apple — et elles coûtent moins de cinq euros pièce. Seul hic : fumer une barre entière équivaut à fumer jusqu’à 50 cigarettes.

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Je suis devenue fan des Elf Bars — ou, pour le dire autrement, complètement addict — lorsqu’une pote m’en a apporté une pendant l’un de nos trajets chaotiques vers l’école. À l’époque, elle n’avait que 17 ans. Elle avait pu se la procurer sans souci au magasin du coin. On écoutait « Milkshake » de Kelis à fond dans sa caisse. Je me rappelle avoir toussé abondamment et ne pas avoir vraiment kiffé ça, mais c’était sans importance : je prenais du bon temps, mes potes étaient hystériques et ça allait faire un super post pour Snapchat. Alors bien qu’il soit illégal pour les moins de 18 ans de fumer ou de vapoter, je peux facilement comprendre pourquoi tant de jeunes sont attirés par ça. En fait, selon des chiffres récents de l’organisation Action on Smoking and Health (ASH), 11,2 % des jeunes de 11 à 17 ans au Royaume-Uni ont essayé la vape en 2021.

On pense que la facilité d’accès est l’un des facteurs de l’essor de ces vapes jetables : les magasins les vendent en libre-service, et contrairement aux cigarettes et à l’alcool, il semble y avoir une confusion et une ambiguïté autour des vapes — de nombreux shops pensent que l’âge légal est de 16 ans. Les jeunes peuvent simplement les acheter en ligne sur des sites comme Amazon et eBay, et bien sûr, beaucoup se fournissent directement auprès d’autres ados. (Geek Bar n’a pas répondu à nos demandes de commentaire concernant les moins de 18 ans qui consomment leurs produits.)

« Franchement on le fait tous à l’école, pas seulement moi. C’est fun, tendance et cool. Enfin, jusqu’à ce que tu te fasses pincer ou que tu déclenches l’alarme incendie ».

Amy, une étudiante de 16 ans vivant à Bradford, me confie être accro aux Elf Bars. Comme tous les autres jeunes avec qui j’ai discuté, elle s’est exprimée sous couvert d’anonymat. « Honnêtement, c’est tellement mauvais — mais je suis dingue de ces trucs, j’en consomme deux à trois par semaine », dit-elle. « À 15 ans, ma pote m’en a filé une, et depuis lors, je suis addict à ces barres ».

Ce phénomène perturbe aussi le quotidien des écoles — le hashtag #elfbar sur TikTok, qui compte déjà 666 millions de vues, voit déferler des vidéos d’élèves fumant en classe ou vannant leurs profs à propos du vapotage. Ben, menacé d’exclusion permanente s’il est à nouveau pris en train de fumer, admet sa culpabilité : « Franchement on le fait tous à l’école, pas seulement moi. C’est fun, tendance et cool. Enfin, jusqu’à ce que tu te fasses pincer ou que tu déclenches l’alarme incendie ».

Selon Drug Watch, un groupe de défense des consommateurs, les effets secondaires courants du vapotage sont une sensation de brûlure ou de démangeaison dans la bouche, sur les lèvres et dans la gorge, des palpitations cardiaques, des vertiges, un essoufflement et des maux de tête. Des effets secondaires plus graves à long terme, suggérés par les rapports du CDC et de la FDA aux États-Unis, rapportent des lésions pulmonaires, connues sous le nom d’EVALI (pour « e-cigarette or vaping product-use associated lung injury », soit une maladie des poumons liée à l’usage de la cigarette électronique et des produits de vape). Il y a aussi, bien sûr, la perspective très réelle d’une dépendance à la nicotine.

En Angleterre, il existe un sérieux clivage entre le Nord et le Sud du pays en ce qui concerne le tabagisme chez les mineurs. Plus d’un cinquième des adolescents âgés de 15 ans dans le Yorkshire et le Humber — où je vis — fument, soit trois fois plus que dans le même groupe d’âge à Londres. Fin 2021, une école primaire d’Écosse a envoyé un mail aux parents d’élèves pour les avertir de cette récente tendance à fumer des « vapes dangereuses », comme l’a rapporté le Daily Record. L’e-mail faisait référence aux craintes d’explosion des vapes, susceptibles de provoquer des brûlures et des défigurations. Il indiquait également que les enfants « trouvaient des vapes usagées et des “Elf Bars” qui traînaient un peu partout dans le coin ».

À Bradford, au début de l’année, le directeur d’un établissement a envoyé un message strict aux parents, leur expliquant ce qui se passerait si des élèves étaient surpris en train de fumer. Ça disait : « Je suis de plus en plus préoccupé par le nombre d’étudiants qui ont accès à ces stylos à vapoter… Ces dernières semaines, nous avons rencontré un certain nombre d’incidents impliquant ces stylos à l’école ». Il a clairement indiqué appliquer une politique de tolérance zéro à leur égard, expliquant que tout élève trouvé en possession d’un tel stylo ou l’utilisant sur place serait exclu pour une durée déterminée.

« Ces barres peuvent augmenter le risque de maladie des gencives, de mauvaise haleine, d’apparition de caries ou même faire tomber les dents ».

Ce n’est pas la première lettre envoyée par un chef d’établissement au sujet du vapotage — il y en a déjà eu plusieurs dans cette ville. Lorsque j’ai interrogé le chef adjoint du conseil municipal de Bradford, Cllr Imran Khan, sur l’augmentation du nombre de fumeurs dans les écoles, il m’a répondu que « les écoles sont des lieux où les enfants doivent être en sécurité et se concentrer sur l’apprentissage ».

« Le vapotage est un problème dans les écoles au Royaume-Uni, et les élèves doivent être conscients des lois et des risques qui l’entourent », a-t-il ajouté. M. Khan a également déclaré que le conseil municipal soutenait les écoles dans leurs efforts pour comprendre ce qui poussait tant d’élèves à fumer, et désirait sensibiliser les jeunes aux risques de cette habitude dans l’optique de « se protéger et de protéger les autres ».

En Angleterre, une étude récente de l’UCL estime à 74 000 le nombre d’utilisateurs d’e-cigarettes âgés de 16 à 17 ans. « Si ces estimations s’avèrent correctes, nous déduisons que sur les 74 000 utilisateurs d’e-cigarettes âgés de 16 à 17 ans en Angleterre, environ 7 000 deviendront des fumeurs réguliers », a écrit l’auteur principal, le Dr Emma Beard, de l’Institut d’épidémiologie et de santé de l’UCL, avant de noter qu’ on « estimait qu’environ 50 000 fumeurs cessaient de fumer chaque année grâce à l’utilisation d’e-cigarettes ». Les conclusions du rapport ne suggèrent pas que le vapotage ou les e-cigarettes constituent une porte d’entrée majeure vers le tabagisme chez les jeunes — bien sûr, elles ne nient pas non plus les implications du vapotage sur la santé.

L’une des affirmations les plus courantes que perpétue la Gen Z sur les réseaux sociaux (et une excuse utilisée à la fois par Amy et Ben dans nos conversations), et qu’ils ne sont tout simplement pas conscients des risques liés à la consommation des barres du genre Elf et Geek. Des professionnels de la santé comme @dental_babe8 tentent de toucher un public plus jeune sur TikTok ; dans une vidéo qui a été visionnée près de cinq millions de fois, cette dentiste qualifiée avertit que la consommation de Elf bars peut augmenter « le risque de maladie des gencives et faire tomber les dents », ainsi que « provoquer des caries, des maux de dents et une mauvaise haleine ».

Le Dr Onkar Mudhar (@dronkarmudhar) a fait de même, utilisant également la plateforme pour sensibiliser à la toxicité de ces barres : « Fumer une Elf ou Geek bar entière équivaut à environ 48 à 50 cigarettes. Ces [barres] contiennent deux milligrammes de sel de nicotine, donc [l’équivalent] de 20 milligrammes de nicotine. »

Mais le message ne semble pas faire mouche. Chez les jeunes de 18 ans, une enquête non évaluée scientifiquement avait révélé que moins de 1 % d’entre eux avaient déjà utilisé des vapes jetables. En janvier 2022, ce chiffre avait grimpé à 57 %. Tout comme pour les chicha-stylos, il semble peu probable que le problème des Elf et Geek bars disparaisse. En attendant, ne soyez pas surpris si vous voyez des vapes abandonnées encombrer les poubelles des bars, le sol des clubs et les couloirs de l’école de votre petit frère.

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