Alors que la fin de l’été sera synonyme de désertion dans la majorité des stations balnéaires de France, des individus continueront d’arpenter encore et encore les plages hexagonales. Qu’importe les saisons, ils marcheront sur le sable d’un pas lent et méthodique, empoignant fermement leur détecteur de métaux. Eux, ce sont les prospecteurs. Ou les détectoristes. Ou les chasseurs de trésors, pour le grand public. En vérité, il n’existe pas de terme exact pour les désigner.
Difficile de déterminer leur nombre exact en France, étant donné qu’aucune déclaration officielle n’est nécessaire pour s’adonner à la recherche d’objets planqués sous le sol – s’il s’agit d’un simple loisir. On sait simplement qu’ils sont de plus en plus nombreux, souvent motivés à l’idée de s’enrichir facilement en récoltant de l’argent, voire quelques grammes d’or – ce qui s’avère être très souvent illusoire.
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Histoire d’en apprendre un peu plus sur cette pratique sibylline et sur ses amateurs, j’ai posé quelques questions à Jean-Paul Calot, retraité et président de l’association Web Détection 62, qui réunit environ 80 prospecteurs dans la défunte région Nord-Pas-de-Calais.
VICE : Bonjour Jean-Paul. Pour commencer, pouvez-vous m’expliquer d’où vous vient cet intérêt pour la détection d’objets ?
Jean-Paul Calot : À l’âge de sept ans, je suis tombé sur un reportage à la télévision qui évoquait les fouilles archéologiques de Karnak, en Égypte. Je me rappelle qu’à la fin de l’émission, je me suis tourné vers mon père et lui ai dit que moi aussi, je voulais être archéologue.
Bon, finalement, je n’en ai pas fait mon métier puisqu’à mon époque, archéologue n’était pas vraiment un « métier ». À la place, j’ai travaillé dans l’immobilier. Je réalisais des expertises sur la valeur de biens immobiliers pour le compte d’un cabinet notarial. Mais, en parallèle, la passion ne m’a jamais quitté. Régulièrement, je prenais un mois de vacances pour participer bénévolement à des fouilles archéologiques dans toute la France.
Qu’est-ce qui vous pousse à continuer, depuis toutes ces années ?
La découverte ! Et puis maintenant, je suis président d’une association. Mon rôle est également de faire respecter la loi. Par exemple, il faut savoir qu’il est interdit de faire de la détection sur des sites archéologiques ou classés – idem sur des terrains privés.
J’ai d’ailleurs cru comprendre que les prospecteurs avaient parfois une réputation de pillards à cause de certains faits divers. Comment gérez-vous cela ?
On peut comparer notre situation à celle des chasseurs. Dans la chasse, vous avez ceux qui respectent les lois et les normes environnementales, et les autres – qui ne font que du braconnage. Eh bien, chez les prospecteurs, c’est la même chose. Il faut connaître les limites. Certains se fichent de la loi et vont directement piller des sites archéologiques. Dans notre club, nous respectons les règles et les transmettons aux nouveaux.
Quand vous vous baladez sur les plages, que ramassez-vous ?
Surtout des déchets, en fait. C’est dingue tout ce que les gens laissent traîner ! Et puis sinon, pas mal de téléphones. Des pièces aussi, en plus ou moins bon état. Plus rarement des bijoux comme des bagues, ou des gourmettes.
Et quand vous trouvez des objets de valeur, vous les gardez ?
On ramasse tout ce qu’on trouve, y compris les déchets. Dans le cas des objets de valeur, on essaie systématiquement de retrouver leur propriétaire – dans la mesure du possible.
Prenons un exemple. L’autre jour, nous avons trouvé une alliance dans le sable. Grâce au prénom indiqué à l’intérieur, nous avons pu rechercher et trouver la personne à laquelle elle appartient. Concernant l’argent, s’il est encore en bon état, on le garde, mais ce ne sont jamais des sommes importantes. Ma dernière sortie à La Panne [station balnéaire de Belgique, NDLR] m’a permis de récolter 12 euros.
Les gens font-ils parfois appel à vous pour retrouver des objets qu’ils ont perdus ?
Oui, ça arrive régulièrement. Les municipalités nous contactent également pour tenter de dépolluer certains sols en période estivale, ou juste après.
OK. Sinon, vous arrivez à trouver des métaux jusqu’à quelle profondeur ?
En principe, nos détecteurs peuvent trouver des objets situés jusqu’à 30 centimètres sous le sol, pas plus. Au-delà, je ne creuse plus de toute façon.
Pour quelle raison ?
Tout simplement parce qu’on peut tomber sur des armes de guerre ou des obus, et que là, ça devient dangereux. C’est donc réservé aux archéologues. D’autant plus que nous vivons dans une région qui a été particulièrement touchée par les deux grandes guerres.
L’engouement autour de la prospection doit vous surprendre, non ? Vous parvenez à l’expliquer ?
Les détecteurs de métaux vendus aux particuliers sont apparus sur le marché après la Seconde Guerre mondiale. On parle d’objets très chers et très lourds, assez difficiles à se procurer. Ce n’est qu’à partir des années 1980 qu’on a vu apparaître des détecteurs à la portée des amateurs. Depuis, ils n’ont cessé de se perfectionner et de voir leur prix baisser. Aujourd’hui, l’engouement est terrible. À cause de certaines publicités, les gens s’imaginent qu’ils vont trouver de l’or alors que c’est très rare !
Imaginons que je souhaite vous rejoindre dans la prospection. Je dois investir quelle somme pour avoir du bon matériel ?
Pour un débutant, je dirais que 300 euros suffisent pour acheter un bon détecteur. Ensuite, on peut monter jusqu’à 1 400 euros pour un appareil avec de nombreux paramètres.
N’est-il pas difficile de cohabiter avec les plagistes lorsque vous faites vos recherches ?
En général, on fréquente les plages tôt le matin ou en fin de journée afin d’éviter de gêner les personnes venues se détendre sur le sable. Après, quand on croise quelqu’un, oui, il est plutôt curieux. Il va nous demander si nous avons trouvé des « trésors », ce genre de choses.
Vous arrive-t-il de découvrir des objets surprenants ?
Il y a un certain temps, j’ai trouvé un penny irlandais datant du XIIIe siècle. Il avait été transformé en bijou, avec des petites pierres de couleur. C’était très touchant.
Sinon, il nous arrive de tomber sur des sachets de marijuana. En fait, on trouve souvent des capsules de bière à côté des sachets, ce qui explique que nos détecteurs signalent quelque chose et qu’on finisse par tomber dessus.
Et vous en faites quoi ?
On les jette à la poubelle !
Ça marche. Merci Jean-Paul !
Jean-Paul Calot est le coauteur d’un livre autoédité qui évoque les boucles anciennes : L’Histoire en boucles.
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