Début des années 90, Olympia, état du Washington : une poignée de jeunes femmes se lance avec fureur dans une nouvelle exploration du Do It Yourself à la sauce punk. Le mouvement riot grrrl vient de naître, bien décidé à rester et à se tailler la place qui lui est due au sein d’une scène alternative trop peu féminine. À mille lieux des promotions télévisuelles et des premières pages de magazines qui s’accaparent l’effervescence grunge du moment, les grrrls creusent leur sillon en souterrain. Ignorées puis mobilisées, incomprises puis revendicatrices, les amplis et les pages des fanzines deviennent alors les premiers vecteurs d’une revendication criée avec ferveur : « Revolution, Grrrl, Style, Now ! » Le sujet restait peu documenté chez nous et Manon Labry vient enfin d’y remédier en y consacrant un livre, Riot Grrrls : Chronique d’une révolution punk féministe, sorti il y a quelques semaines aux éditions La Découverte. On est allés en discuter avec elle.
Noisey : Quel est l’élément majeur qui a lancé le mouvement riot grrrl ?
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Manon Labry :International Pop Underground Convention,La situation sociale et politique des États-Unis à la fin des années 80 y a aussi participé ?Dans les premières pages du livre tu indiques que, n’étant pas née aux Etats-Unis et n’ayant pas directement connu cette période, tu évites la nostalgie que tu considères comme un ennemi. Tu peux m’en dire plus ?riresSans chercher à établir un éventail précis, historique et détaillé de cette période, ton livre a une approche très personnelle, militante par moment, mais aussi romancée. C’était ton envie ?Cette révolution féminine partage des idéaux propre au mouvement punk originel : l’approche DIY, la possibilité pour quiconque de se saisir d’un instrument… mais les riot grrrls balayent toute forme de nihilisme pour y promouvoir l’espoir et les possibilités qui se présentent à elles.L’apparition de ces groupes en parallèle de la montée du grunge semble aussi important. Le grunge dépeignait alors d’avantage des maux et des tourments personnels que des questions de société comme pouvait le faire le punk. Le mouvement riot grrrl semble avoir fait apparaître une combinaison tout autant inspirée par ce mal-être grunge que par la mentalité et la logistique punk. L7 est aussi une formation emblématique de l’époque. Le groupe a œuvré pour la cause féministe, notamment avec le festival Rock for Choice, mais a t-il vraiment participé au développement du mouvement riot grrrl ?Ton livre évoque majoritairement trois groupes : Bikini Kill, Bratmobile et Heavens to Betsy. Ça reste selon toi les groupes qui ont le plus apporté à cette génération ? BratmobileEt au départ il y a aussi la ville d’Olympia, à peine 50 000 habitants. Comment est-elle parvenue à faire émerger cette nouvelle scène ? [rires]Certaines figures masculines participent aussi à l’histoire, tel que Calvin Johnson ou Kurt Cobain. D’ailleurs, ce dernier a pas mal côtoyé certaines des riot grrrls quand il traînait du côté d’Olympia. Tu penses qu’il y a eu de l’inspiration des deux côtés ?Toby Vail et Kurt CobainJustement, en parlant de fanzines, ils ont été des éléments moteurs. Du premier numéro de Jigsaw par Tobi Vail en 1989, que tu décris comme étant à la fois un précurseur et un détonateur, jusqu’à leur multiplication au niveau national via le réseau Riot Girrrl Press. Artistiquement, cette révolution a été aussi littéraire que musicale finalement, non ? La plupart des groupes avaient une démarche anti-commerciale. Bikini Kill n’a enregistré son premier LP qu’en 1992 par exemple.La fin du mouvement arrive vers 1995, époque où de nombreuses personnalités s’éloignent de la scène, où le punk rock devient encore plus l’apanage de MTV, et où dans la grande histoire se fondent de petites histoires qui vont mettre à mal la communauté, comme le viol et le meurtre de Mia Zapata, ou encore les accusations de racisme envers les riot grrrls, à qui l’on reproche de ne représenter que la jeunesse blanche. Quel point de vue portes-tu sur tout ça ? LadyfestEn 1995 c’est aussi l’arrivée d’un mouvement baptisé « Girl Power », avec comme étendard les Spice Girls, qui s’accapare le truc.mainstreamPour finir, quel est ton disque riot grrrl, favori?Pussy WhippedNicolas Milin est sur Twitter.