Elle a beau le nier, personne n’y croit. Depuis sa prise de parole lors de la réunion annuelle des conservateurs américains, le 22 février dernier, chacun sait que Marion Maréchal-Le Pen prépare son retour en politique. Son discours a torpillé la stratégie de « dédiabolisation » du parti tant recherchée par sa tante, Marine Le Pen – et ressuscité la ligne incarnée par son grand-père. Haro sur l’Europe (alors que, justement, la patronne du FN a reculé sur la sortie de l’euro) et offensive sur l’immigration aux accents que n’aurait pas reniés Papy Jean-Marie : « La France est en train de passer ‘fille aînée de l’Église’ à ‘petite-nièce de l’islam’ », a-t-elle lancé, des trémolos dans la voix.
Une phrase choc… qui séduit. Car ils ont été nombreux, au sein du parti, à avoir applaudi le come-back sur la scène médiatique de celle que l’on surnomme à voix basse « la véritable héritière » de la dynastie Le Pen – et à espérer son retour au sein du FN. Surtout chez les moins de trente ans, qui s’identifient à cette femme politique d’à peine 28 ans. « La plupart des jeunes engagés au Front National se reconnaissent en Marion », assure Coline Houssays, 19 ans, responsable du Front National de la Jeunesse dans le Var et candidate au comité central, lors du congrès des 10 et 11 mars. Manon, 25 ans, est de ceux-là. Militante FN, elle a voté Marine Le Pen aux dernières élections mais ne tarit pas d’éloge sur Marion – « un symbole d’engagement pour la jeunesse ». Au sein du parti, Marion Maréchal-Le Pen a gardé des fans absolus, à l’image de son ancien assistant parlementaire, Romain Lopez, 29 ans, qui parle carrément de « ferveur » pour définir l’attachement des jeunes militants à son héroïne : « certains vont même jusqu’à la dépeindre en Jeanne d’Arc ! », croit-il savoir.
Videos by VICE
« Marion est la seule à pouvoir diriger un vrai courant nationaliste » – Samuel, 18 ans.
Parce qu’elle incarne l’extrême droite décomplexée, notamment sur les questions d’immigration, Marion Maréchal-Le Pen séduit même au-delà du FN et pourrait bien, si elle y revenait, rapatrier le mouvement identitaire. Ainsi, Samuel, 18 ans, étudiant en droit et science politique à Amiens, n’est pas adhérent au Front mais pourrait sauter le pas pour les beaux yeux de Marion : « elle est la seule a pouvoir diriger un vrai courant nationaliste », assure le jeune homme qui préfère conserver l’anonymat parce que « vis-à-vis des autres étudiants, vous comprenez… ». Une fois rassuré sur ce point, Samuel lâche les chiens : « en fait, Marine Le Pen est de gauche. Elle a été formatée par le chevènementiste de Philippot. La vraie droite nationaliste, c’est Marion ». C’est elle qui incarne le mieux, à ses yeux, « ce que pense une majorité de Français de l’islamisation de la France et de l’inarrêtable immigration arabo-musulmane ». En guise de conclusion, il ajoute : « le métissage ethnique et culturel conduira à la perte de notre civilisation » paraphrasant Renaud Camus, théoricien de la théorie du « grand remplacement ». Et ce n’est pas un hasard, au contraire. Car les thèses de Renaud Camus – qui prédit une France où la « race blanche » deviendra, bientôt, minoritaire – sont au cœur du clivage entre Marion et Marine. Cette dernière n’a jamais complètement adhéré à cette théorie qu’elle juge « complotiste » alors que sa nièce, elle, cite le philosophe à la moindre occasion. Et ce faisant, elle s’est attirée les grâces du mouvement identitaire qui ne jure, justement, que par la théorie du « grand remplacement ».
« Marion pense comme moi. Elle est contre l’avortement, contre le mariage homosexuel, contre les mères porteuses… » – Jeanne, 24 ans.
Les deux femmes fortes de la famille Le Pen affiche aussi un sérieux désaccord sur les questions sociétales. Par exemple, Marine n’a pas manifesté aux côtés de la « manif pour tous », alors que Marion, elle, a été de tous les cortèges. Même choses sur l’avortement : Marine n’a jamais caché y être favorable alors que Marion, elle, s’est prononcée contre son remboursement par la sécurité sociale. Et la jeune femme ne rate pas une occasion de soigner son image de catho tradi, rappelant régulièrement qu’elle a effectué toute sa scolarité à l’institution Saint-Pie X de Saint-Cloud et qu’elle a fait, plus d’une fois, le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Et ça marche. Jeanne, 24 ans, est mère au foyer à Bordeaux. Elle refuse que Vice publie son nom de famille parce que son fils va « à l’école maternelle publique » et qu’elle ne veut pas qu’il ait « des ennuis ». Mais elle veut bien raconter son histoire : celle d’une « catholique » (c’est elle qui se présente comme ça) qui a pris sa carte au FN à l’époque où Marion Maréchal-Le Pen était députée. Elle n’a pas pu voter pour elle, puisqu’elle n’était pas candidate dans sa circonscription, mais le courant qu’elle incarnait l’a convaincue, pour la première fois, de militer au sein d’un parti politique : « Marion pense comme moi. Elle est contre l’avortement, contre le mariage homosexuel, contre les mères porteuses… Marine Le Pen, on n’a jamais su ce qu’elle pensait sincèrement de ces questions-là. Elle change d’avis tout le temps. Marion, par contre, a toujours affirmé qu’elle était conservatrice et attachée aux valeurs familiales. D’ailleurs, j’ai trouvé ça très beau qu’elle se retire de la vie politique pour s’occuper de son enfant. Moi aussi, j’ai arrêté de travailler pour me consacrer à ma famille. C’est rare qu’une femme célèbre assume un choix aussi politiquement incorrect ». Reste qu’entre-temps, Marion Maréchal-Le Pen s’est remise au taf, s’activant à la création d’une école privée pour les futurs dirigeants politiques, que l’on surnomme déjà « le science-po de droite ». Pas à une contradiction près, Jeanne voit avec « enthousiasme » le retour de son idole aux affaires. Elle a vu – et « beaucoup apprécié » – son discours devant les conservateurs américains en février dernier. Et elle suivra avec attention le congrès de ce week-end, pour voir si « la ligne Marion » a le vent en poupe au sein du parti. En croisant les doigts pour que bientôt, elle en prenne la tête.