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Santé

La MDMA peut-elle guérir les troubles mentaux ?

Ce n'est qu'une hypothèse, mais des chercheurs y croient : la MDMA pourrait traiter le syndrome de stress post traumatique et s'avérer utile dans la prise en charge de l'autisme.

Cet article a été initialement publié sur VICE Australie.

C’est bien connu, les introvertis ont du mal à s’ouvrir aux autres. Les personnes atteintes du syndrome de Williams n'ont en revanche aucune difficulté à aller vers de parfaits étrangers. Cette maladie génétique concerne environ une naissance sur 10 000 et se traduit par une sociabilité accrue. Les patients atteints ressentent ainsi une proximité immédiate avec ceux qu’ils rencontrent, et leur comportement est tout à fait particulier. Au supermarché par exemple, ils peuvent embrasser des inconnus, faire des déclarations aux caissiers et inviter tous les clients à une soirée pyjama. Le syndrome de Williams est parfois surnommé « cocktail party syndrome », car il rend les gens extrêmement extravertis et amicaux.

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Au milieu des années 1990, des scientifiques ont découvert que ce syndrome était causé par la perte de vingt-six gènes. Puis, en 2009, une équipe de chercheurs a découvert qu'un de ces gènes pouvait expliquer la sociabilité des individus atteints du syndrome Williams. Ce gène, appelé GTF2I, joue un rôle dans la régulation de la production d'ocytocine par le cerveau, une hormone impliquée dans les liens sociaux, de la relation parent-enfant aux relations amoureuses. On l'appelle « hormone de l'amour » ou « hormone de la confiance ». L'hormone a pour effet de détendre l'amygdale, le centre de la peur dans le cerveau. Elle est généralement sécrétée par l'hypophyse en doses contrôlées et synchronisées – par exemple, lorsqu'une jeune maman allaite son bébé. Mais chez les personnes dépourvues du gène GTF2I, les vannes d’ocytocine sont ouvertes en permanence.

Il existe un autre moyen d’ouvrir les vannes d’ocytocine, sans supprimer le gène GTF2I : la prise de MDMA aurait un effet similaire sur le cerveau. Cette drogue, connue pour être l'ingrédient clé de l'ecstasy, favorise les sentiments de connexion et d'intimité, ce qui lui a valu l'étiquette « d'empathogène ». D’ailleurs, la MDMA était un outil populaire dans les thérapies de couple dans les années 1970 car elle permettait aux partenaires de communiquer plus librement.

La MDMA augmente également la production de sérotonine, une hormone liée au plaisir et au bonheur, ce qui explique ses effets stimulants sur l'humeur. Mais la sérotonine ne semble pas expliquer le sentiment de parenté universelle que de nombreux consommateurs d’ecstasy récréative décrivent. Les preuves en faveur du rôle de l'ocytocine proviennent des rats de laboratoire : selon le magazine Discover, une dose de MDMA leur permet d’adopter un comportement inhabituellement amical, du type « s’allonger les uns contre les autres et se faire des câlins ». Lorsqu'on leur administre un inhibiteur de l'ocytocine en même temps que de la MDMA, les câlins cessent.

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Les chercheurs de Williams ont également supprimé le gène GTF2I chez certaines souris. Elles n'avaient plus aucune inhibition sociale : au lieu de se cacher dans des recoins pour éviter d’être repérée par les prédateurs, celles-ci s’exposaient au grand jour. Et lorsqu'une nouvelle souris a été introduite dans leur cage, elles ont accueilli la nouvelle arrivante avec beaucoup plus d'empressement que les souris non modifiées.

Mais chez les humains, l’hyper-sociabilité peut être à la fois un avantage et un inconvénient : incapables de discerner les bonnes personnes des mauvaises, ils peuvent se retrouver dans des situations dangereuses. Ils ont également du mal à comprendre que différents types de relations impliquent différents niveaux d'intimité. Ils traitent tout le monde, du chauffeur de bus à leur grand-mère, avec le même amour intense et inconditionnel, ce qui les rend extrêmement vulnérables.

La MDMA rend très sociable également, à ceci près que, contrairement au syndrome de Williams, ses effets se dissipent en quelques heures. Mais cela peut être un moyen puissant d'approfondir des liens personnels et d'en créer de nouveaux. La MDMA peut aussi être un outil particulièrement précieux en psychothérapie, où la confiance et l'ouverture sont la clé du succès des traitements de divers troubles psychologiques.

Aux États-Unis, la MDMA est illégale depuis 1985. Peut-être plus pour très longtemps. D’ordinaire associée aux milieux festifs, elle a récemment acquis une nouvelle notoriété médicale et se profile comme un traitement potentiel du syndrome de stress post-traumatique. Des études récentes ont montré que les personnes souffrant de stress post-traumatique grave et dont les symptômes ne s'étaient pas améliorés avec d'autres traitements ont trouvé un soulagement significatif avec de la MDMA en complément d’une psychothérapie. L’année dernière, la Food and Drug Administration (FDA) a donné le feu vert au passage en essai clinique de phase III de la MDMA à cet usage, soit la dernière étape avant l'homologation d’un médicament. Il pourrait être commercialisé dès 2021 si les essais sont concluants.

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Selon les chercheurs, la MDMA aide les patients souffrant du stress post-traumatique en partie parce qu’il imite l’un des effets du syndrome de Williams : il rend l’amygdale moins sensible aux expressions faciales menaçantes. Les expressions involontaires de colère ou de désapprobation d'un thérapeute déclenchent souvent une forte réaction de l'amygdale chez les personnes atteintes de stress post-traumatique. Lorsque les patients prennent de la MDMA, leur angoisse diminue et ils réagissent plus fortement aux expressions faciales positives – tout comme les personnes atteintes du syndrome de Williams.

« La MDMA rend la psychothérapie plus efficace et permet au patient de faire face à un traumatisme », explique Ben Sessa, un psychiatre britannique. « Bien sûr, de nombreux troubles psychiatriques, sinon presque tous, puisent leur origine dans un traumatisme, que ce soit la dépression, les troubles anxieux, les TOC et surtout les dépendances. Je pense donc que ce genre de traitement pourrait être appliqué à d’autres problèmes, et pas seulement au stress post-traumatique. »

Sessa participe actuellement à une étude visant à déterminer si la MDMA peut aider à soigner les personnes alcooliques, en partant du principe que le traumatisme sous-tend la dépendance. Mais selon lui, la MDMA pourrait aussi être utile à toute la population. « Pour l’instant, les recherches sont basées sur des outils cliniques pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques », dit-il. « Mais les personnes en bonne santé ont tout à gagner à utiliser ces drogues pour explorer leur propre psychisme et acquérir une meilleure compréhension d’eux-mêmes. »

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Le syndrome de Williams, avec son grégarisme caractéristique, est souvent décrit comme étant le contraire de l'autisme. Sans surprise, les chercheurs pensent que la MDMA pourrait aussi aider les personnes atteintes d'autisme à surmonter leur anxiété sociale. Bien que des traitements pour l'anxiété sociale existent déjà, ils fonctionnent rarement bien pour les personnes atteintes d'autisme. Sur plus d'une centaine de personnes autistes interrogées, 72 % ont déclaré que la consommation d'ecstasy récréative les rendait plus à l'aise dans les milieux sociaux et 77 % ont déclaré que cela facilitait les conversations avec les autres, tandis que 78 % déclaraient se sentir bien dans leur corps.

En 2014, la FDA a approuvé le premier essai sur la MDMA en complément d’une thérapie pour lutter contre l'anxiété sociale dans l'autisme. Les chercheurs de l’Association multidisciplinaire pour les études de drogues psychédéliques (MAPS) qui mènent l’essai ont présenté leurs conclusions en avril, suggérant que le traitement avait apporté des améliorations significatives – et que ses effets ont duré longtemps après la fin des sessions.

Des effets similaires de longue durée ont été rapportés par les participants à l'étude sur le stress post-traumatique, également parrainée par la MAPS, qui a révélé qu'après trois séances de psychothérapie associées à la MDMA, 83 % des participants ne répondaient plus aux critères d'un diagnostic de stress post-traumatique. Ces effets ont duré pendant les évaluations de suivi sur plusieurs années.

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« Le point fort de ce traitement, à mon avis, c’est qu'il ne doit être répété que quelques fois », déclare le porte-parole de la MAPS, Brad Burge. « Pourquoi ? Parce que nous ne traitons pas les symptômes : nous nous attaquons à la cause sous-jacente du stress post-traumatique – le traumatisme lui-même. »

La MDMA a ses limites, comme toutes les drogues. Il s'agit d'une amphétamine qui augmente la fréquence cardiaque et la pression artérielle. Toute personne ayant des antécédents de maladies cardiaques, hépatiques ou rénales graves devrait donc s’abstenir d’en prendre. Burge insiste : si la MDMA peut être utile dans un contexte clinique, elle peut être dangereuse dans un club, car le dosage et la composition chimique ne sont pas contrôlés.

Et tout comme le syndrome de Williams, la MDMA rend les personnes vulnérables, ce qui peut être bon ou mauvais, selon la situation.

« La MDMA rend les gens plus ouverts, compatissants et confiants. C'est une excellente idée si vous traitez le stress post-traumatique dans un cadre thérapeutique », a déclaré Burge. « C’est une très mauvaise idée si vous n'êtes pas vraiment dans un endroit sûr. Vous ne voulez pas faire confiance aux mauvaises personnes. »

Le texte ci-dessus est extrait du livre The Boy Who Loved Too Much de Jennifer Latson. Il a été édité par souci de clarté.