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Art de vivre

Un homme prénommé Jihad nous raconte ce que c’est de porter ce prénom

Il s'appelle Jihad et doit chaque semaine expliquer son prénom aux nouvelles personnes qu'il rencontre. Il nous raconte son quotidien et ce qu’il traverse comme obstacles lorsqu’il voyage.

Le prénom est souvent associé à l’origine d’une personne, alors quand on a un nom spécial ou qu’il évoque une connotation négative, comment vit-on avec? Il s’appelle Jihad Kabbaj… Oui, Jihad comme dans « jihadistes » – les combattants du groupe État islamique, par exemple. Il a 22 ans, est marocain, étudie en science politique et doit souvent voyager parce qu’il pratique l’escrime à un niveau national. On lui a parlé pour savoir ce que c’est de vivre avec un nom pareil.

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VICE : Qu’est-ce qui est plus dur, sortir du Canada ou entrer au Canada avec un nom comme le tien?
Jihad Kabbaj : Définitivement sortir du Canada et spécialement entrer aux États-Unis. Quand je vais en Europe, les douaniers sont simplement surpris par mon nom, tandis que les douaniers américains s’acharnent à me poser toutes sortes de questions pour savoir si c’est réellement mon nom!

Est-ce qu’on t’a déjà empêché de sortir du pays?
À l’été 2014, une tendance s’installait. Les djihadistes qui voulaient rejoindre l’État islamique passaient par la Turquie pour se rendre en Syrie. J’avais visité la Turquie avec mes parents cet été-là et donc j’avais un visa turc dans mon passeport. Quelques mois plus tard, je devais aller à Portland en Oregon pour participer à une compétition qualificative pour les championnats du monde. À mon escale à Calgary, le douanier américain, après avoir vu mon nom et trouvé le visa, m’a demandé de le suivre. Après une heure d’interrogatoire, ils m’ont rendu mes trucs et m’ont souhaité bonne journée… sauf que j’avais manqué mon vol… et raté ma qualification.

Est-ce qu’on te fouille automatiquement à l’aéroport?
Considérant que je voyage toujours avec un équipement sportif, je me fais toujours fouiller. Les douaniers responsables des oversize luggage à Montréal et moi, on est rendus chummy chummy. Encore pire, chaque fois que j’arrive à la sécurité, je suis victime des random checks, tellement que j’en suis déjà venu à demander à un douanier si j’avais un prix après trois sélections pour la fouille! C’en est rendu une habitude.

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Est-ce qu’on t’a déjà refusé un travail à cause de ton nom ou ton apparence?

Non.

Aimes-tu ton nom? Voudrais-tu le changer?
J’adore mon nom. Ce que la majorité des gens ne savent pas, c’est que le nom Jihad veut dire plusieurs choses. La définition la plus connue et médiatisée de jihad, c’est que ça représente la guerre sainte pour l’Islam. L’autre signification, c’est la persévérance. Après mes aventures aux douanes, j’ai pensé changer mon nom pour quelque chose de plus user friendly, Adam. En y repensant, j’ai préféré assumer un nom qui me représente.

Tes parents avaient-ils pensé aux répercussions en t’appelant comme ça?
En 1996, mon nom ne portait pas encore de connotation terroriste. Et puis, ils ne pensaient pas appeler leur fils « guerre sainte », mais plutôt « combat » ou « persévérance ». Alors non!

Leur en veux-tu de t’avoir nommé Jihad?
Non, jamais! Ils ne pouvaient pas savoir à l’époque.

Même si tu as pensé changer de nom pour Adam?
Ouais, j’ai jamais voulu enlevé Jihad, juste ajouter Adam.

As-tu déjà menti sur ton prénom?
Quand je suis aux États-Unis, je dis toujours que je m’appelle Jay, c’est moins de questions, moins de regards croches pour moi.

À combien de reprises as-tu dû expliquer ton nom et mentionner que tu n’étais pas un terroriste?
Ça se compte plus! À toutes les semaines au moins une ou deux fois! Maintenant, quand je rencontre quelqu’un, je le dis dès le départ : « Hi, I’m Jihad. You can’t forget, it’s like what you see on CNN! »

Est-ce que c’est un nom commun chez les Marocains?
Plus chez les Syriens ou Libanais en fait, c’est de là que vient mon nom!

Connais-tu d’autres Jihad?
Quelques-uns! J’ai été à la même école qu’un autre Jihad pendant neuf ans, un an plus vieux. Je lui ai acheté ses livres tout mon secondaire. L’autre est encore mon pharmacien à ce jour. On se supporte entre « Jihadistes », I guess!

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