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Au Brésil, les psychologues autorisés à « soigner » l'homosexualité

Le Brésil est le pays où l’on tue le plus de membres de la communauté LGBT. Chaque jour, un homosexuel ou une personne transgenre est tué dans le pays.
Des couples homosexuels s'embrassent devant le Congrès pendant une manifestation à Brasilia en avril 2013. (Ueslei Marcelino/Reuters)

Mi-septembre, la justice de l'État de la capitale brésilienne Brasília (le Distrito Federal) a pris une décision historique : autoriser les psychologues à proposer des thérapies de « réorientation sexuelle » aux homosexuels. Le Conseil fédéral de psychologie brésilien (CFP), historiquement opposé à de telles pratiques, se retrouve désormais dans l'incapacité de sanctionner ces psychologues adeptes du « traitement gay ».

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À l'origine de cette décision judiciaire controversée, on retrouve un groupe de psychologues opposés à une résolution du CFP, qui date de 1999 et interdit aux professionnels « tout acte qui favorise la pathologisation de comportements ou pratiques homo-érotiques » et de « collaborer avec des événements et services qui proposent un traitement de l'homosexualité. »

Selon eux, cette fameuse résolution 01/1999 est un « véritable acte de censure, [qui] empêche les psychologues de développer des études, traitements et recherches scientifiques autour des comportements ou pratiques homo-érotiques ». Suite à la décision rendue par la justice, la résolution se retrouve vidée de sa substance et permet aux psychologues de proposer des « traitements gay ». Le CFP a fait appel de la décision.

« Si l'homosexualité est une maladie, j'ai travaillé toutes ces années en étant malade. »

Cette décision a fait beaucoup de bruit, si bien que les Nations unies, par le biais du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme, ont condamné cette décision « décevante ». Sur la Toile brésilienne, la décision rendue par le juge Waldemar Cláudio de Carvalho du Distrito Federal a créé un véritable tollé.

De leur côté, des artistes et des militants ont choisi de réagir avec humour. Toni Reis, directeur du Grupo Dignidade et président de l'Alliance Nationale LGBTI brésilienne, a notamment demandé aux autorités une retraite pour invalidité. « Si l'homosexualité est une maladie, j'ai travaillé toutes ces années en étant malade », glisse-t-il dans un sourire caustique à VICE News.

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Pour Reis, cette décision est « une absurdité », notamment parce que « le Brésil a été le cinquième pays du monde à retirer l'homosexualité du rang des maladies, en 1985 [soit 5 ans avant l'Organisation mondiale de la santé]. C'est une régression ! Elle rend légitime la violence contre la communauté LGBTI », craint le militant.

Mais le psychologue Paulo Roberto Ceccarelli, l'un des auteurs de la résolution 01/1999, explique à VICE News que les associations et le public ont « surréagi, puisque personne ne semble avoir vraiment lu le document. » Ce docteur diplômé de l'Université de Paris VII-Diderot « pense qu'il n'y a rien de très scandaleux quant à cette décision. Le juge y parle très souvent des sujets égodystoniques, c'est-à-dire des personnes qui se sentent malheureuses à cause de leur orientation sexuelle. Je reçois un nombre incalculable de ce genre de patients ! »

Ceccarelli juge néanmoins que cette décision peut être dangereuse à cause du message qu'elle renvoie. « Cette décision peut augmenter très fortement la persécution qui existe déjà et faire grandir l'homophobie, » craint le psychologue. « Surtout dans le contexte actuel, où l'extrême droite monte énormément. Elle peut servir de prétexte à dire "Si le juge a dit qu'on peut guérir l'homosexualité, c'est que c'est une maladie". »

Selon le Grupo Gay da Bahia, le Brésil est le pays où l'on tue le plus de membres de la communauté LGBT. Chaque jour, un homosexuel ou une personne transgenre est tué dans le pays.

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« Une grande partie des crimes homophobes sont commis entre homosexuels. »

Rozângela Alves Justino, une psychologue qui se définit comme chrétienne-évangélique, est en première ligne de ce combat rétrograde. Dans un entretien accordé en 2009 au quotidien Folha de São Paulo, elle affirmait déjà avoir « reçu et guéri de centaines » de patients homosexuels.

VICE News a essayé de contacter Justino, sans succès. L'avocat de son groupe, Me Leonardo Loiola Cavalcanti, a bien voulu répondre à nos questions. Il avance qu'une « grande partie des crimes homophobes sont commis entre homosexuels. Cette décision judiciaire ne va donc pas y contribuer », nous explique-t-il, tout en assurant qu'il ne considère pas l'homosexualité comme une maladie. Pour l'avocat, un des problèmes posé par la résolution est qu'elle interdisait la recherche sur ces thérapies de « réorientation sexuelle ».

Ce qui est faux, selon le Dr. Ceccarelli. « La résolution a été mal interprétée, explique le psychologue. Elle interdisait seulement de considérer l'homosexualité comme une maladie et de proposer des thérapies réorientation sexuelle. »

De toute manière, ces fameuses « thérapies » n'ont aucun effet pour Toni Reis. « De mes 14 à mes 20 ans, j'ai tout fait pour inverser ma sexualité. Mais personne ne guérit l'homosexualité ! Ces thérapies utilisent des techniques de torture ! », tranche le président de l'Alliance Nationale LGBTI brésilienne.

L'un des centres les plus connus de « réorientation sexuelle » dans le monde, Exodus International, a d'ailleurs cessé ses activités en 2013 et son président a annoncé être toujours « attiré par le même sexe ». Pour Toni Reis, « la ligne proposée par Justino est la même qu'Exodus. »

Suivez Henrique Valadares sur Twitter : @HenriqValadares