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Un portrait incomplet des agressions sexuelles basé sur les données policières

Les corps de police canadiens ont compilé à peine plus de 117 200 agressions sexuelles au pays entre 2009 et 2014, révèle aujourd’hui Statistique Canada.

C'est une moyenne d'environ 23 400 agressions sexuelles rapportées chaque année à la police au Canada. En juillet, Statistique Canada nous apprenait que les victimes avaient elles-mêmes déclaré 635 000 agressions sexuelles pour l'année 2014 seulement, lors de l'Enquête sociale générale (ESG) sur la sécurité des Canadiens. C'est 27 fois plus que ce que les données policières attestent aujourd'hui. L'écart est énorme.

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Statistique Canada reconnaît que ces données ne reflètent pas la réalité. L'organisme rappelle qu'on estime qu'une seule agression sexuelle sur 20 est rapportée à la police, ce qui en fait un des crimes les plus sous-déclarés au pays.

Lors de l'ESG, plusieurs raisons en lien avec le système de justice ont été évoquées par les victimes pour ne pas dénoncer leur agresseur. Près de la moitié d'entre elles (45 %) avouaient ne pas avoir voulu parler à un policier, tandis qu'un nombre semblable (43 %) croyait que la police jugerait l'agression comme n'étant pas suffisamment importante.

Certaines craintes concernaient l'aboutissement de la plainte : deux victimes sur cinq (40 %) sentaient que l'agresseur ne serait ni condamné ni sévèrement puni.

Des plaintes infondées

Statistique Canada indique n'avoir compilé que les incidents classés comme fondés par la police, soit ceux « pour lesquels il a été établi, à la suite d'une enquête policière, qu'un crime a été commis ».

Or, un nombre très élevé de plaintes sont rejetées partout au pays, comme l'a révélé en février dernier le Globe and Mail au cours d'une vaste enquête sur les plaintes pour agressions sexuelles déposées auprès de plus de 870 corps policiers canadiens.

Déjà que la grande majorité des victimes hésitent à dénoncer leur agresseur, on apprenait qu'une plainte sur cinq (19,39 %) est jugée infondée par la police.

Pourtant, le taux de fausses déclarations se situe entre 2 et 8 %, rappelle le Globe, qui en déduit que « la police canadienne classe comme infondées un nombre disproportionné de plaintes, et que ce phénomène vient déformer les statistiques criminelles au pays. »

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Ces révélations ont eu peu d'effet au Québec. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) et la Sûreté du Québec (SQ) ont affirmé ne pas avoir l'intention de revoir leurs pratiques, rapportait Le Devoir. Seul le Service de police de la ville de Gatineau (SPVG) avait l'intention de réviser ses dossiers.
Une semaine plus tard, la SQ a finalement annoncé qu'elle ferait de même, un exercice qui n'a cependant mené à la réouverture d'aucune enquête.

Statistique Canada assure qu'elle étudiera le phénomène des plaintes infondées en publiant en juillet prochain les premières données officielles sur le sujet.

Les agressions, en statistiques

Malgré les données incomplètes, il se dégage quelques tendances claires concernant les agressions sexuelles.

La forte majorité des victimes sont des femmes (87 %), le plus souvent âgées de moins de 25 ans (60 %). L'âge médian des victimes est de 18 ans. Presque la moitié (47 %) des filles étaient mineures au moment de l'agression. Les victimes masculines (13 %) sont généralement beaucoup plus jeunes. La moitié (50 %) des garçons agressés sexuellement avaient moins de 13 ans.

Statistique Canada rapporte que dans moins de la moitié des cas rapportés à la police (41 %), des accusations sont portées contre l'agresseur. En tenant compte des plaintes jugées non fondées, le Globe and Mail estime plutôt cette proportion à 34 % des cas.