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Comment et pourquoi dire à son médecin que l’on prend de la drogue

« Une drogue psychédélique? Pourquoi prends-tu ça? » m’a demandé mon médecin.
Comment et pourquoi dire à son médecin que l’on prend de la drogue
Photo : Sean Locke

L'article original a été publié sur VICE États-Unis.

La décision de prendre de l’iboga, un psychédélique extrait de la racine du Tabernanthe iboga, un arbuste de la forêt équatoriale africaine, n’a pas été prise à la légère. Un ami me l’a suggéré il y a environ un an contre l’insomnie, les cystites, les contractions musculaires, les palpitations cardiaques et d’autres symptômes qui me semblent causés par la maladie de Lyme. Je savais que l’iboga pouvait causer des problèmes cardiovasculaires chez les personnes vulnérables, alors j’ai plutôt essayé d’autres traitements d’abord, comme l’oxygénothérapie hyperbare et le kambo. Comme je ne me sentais pas mieux après six mois, j’ai trouvé une retraite d’iboga au Mexique avec personnel médical sur place et j’ai passé un électrocardiogramme pour m’assurer que je ne risquais pas d’avoir des problèmes cardiaques.

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L’iboga ferait cesser des constantes dans le système nerveux, raison pour laquelle on l’utilise parfois pour se défaire d’une dépendance aux opioïdes. Bien que les recherches à ce sujet soient très rares et en cours, au cours d’une étude menée en 2000, on a observé que deux participants sur les cinq, qui étaient dépendants aux opioïdes ou à la cocaïne, n’ont plus ressenti les symptômes de sevrage après une dose. On croit aussi que l’iboga peut favoriser la guérison d’autres problèmes de santé, en particulier des maladies neurologiques.

En commençant, j’étais sceptique, mais l’iboga a été à la hauteur des attentes. Une semaine plus tard, j’ai dit à mon médecin que je ne ressentais plus aucun symptôme. « Une drogue psychédélique? Pourquoi prends-tu ça? » m’a-t-elle demandé. Par où commencer pour lui expliquer que ce n’était pas du tout la même chose que de prendre de la drogue avec des amis pour m’amuser?

Quand je lui ai dit que l’iboga était utilisé pour traiter la dépendance à des drogues et des problèmes de santé, elle s’est montrée curieuse et a cherché de l’information sur l’internet. Elle a paru impressionnée que j’aille à ce point mieux et si vite, tout en me prévenant que les effets des psychédéliques ne sont généralement pas de longue durée. Il était difficile de prendre cet avertissement en sérieux, cependant, puisqu’elle ne connaissait pas du tout cette substance.

Ce problème, que rencontrent de plus en plus de personnes qui consomment des drogues que la société qualifie de « récréatives », et plus encore depuis que de plus en plus de personnes consomment du cannabis et des psychédéliques pour leurs vertus thérapeutiques. On peut se tourner vers les médecins pour avoir de l’information sur les médicaments d’ordonnance, mais, en dehors de ceux-ci, ce sont les médecins qui ont besoin d’être informés. Ce faisant, on risque de se faire faire la leçon. Beaucoup ont aussi peur que le médecin les dénonce aux autorités plutôt que de chercher à comprendre leurs besoins et de travailler avec eux pour comparer les vertus des médicaments sans ordonnance aux risques.

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« Il peut être difficile de savoir si les inquiétudes de votre médecin au sujet de votre consommation de drogues sont légitimes ou basées sur ses convictions personnelles », dit Valerie McDonnell, une travailleuse sociale de Virginie qui a aidé des femmes toxicomanes. En revanche, si une personne consomme des drogues d’une façon qui comporte des risques dont elle n’est pas informée, une visite chez le médecin pourrait déboucher sur une utile prise de conscience. « Il se peut même que la drogue qu’une personne prend cause des symptômes dont elle ne penserait pas qu’ils découlent de sa consommation », dit Colin L. Robinson, professeur adjoint en clinique à la faculté de médecine interne et pédiatrique de l’Université de Californie à Los Angeles (qui ne fait pas de recherche sur les psychédéliques, donc est relativement impartial). « J’ai vu des fois des patients passer des examens poussés pour en fin de compte découvrir que leurs symptômes étaient causés par leur consommation de drogue tout ce temps. » Par exemple, des personnes qui consomment excessivement du cannabis peuvent développer le syndrome cannabinoïde, caractérisé par des nausées et vomissements fréquents.

Il est important de révéler sa consommation de drogue à son médecin pour qu’il puisse déterminer si elle peut être un facteur ou la cause de symptômes, en plus de savoir si elle risque d’interagir avec les médicaments prescrits, le cas échéant. Si l’on prend des substances illégales pour se traiter soi-même, ces informations peuvent éclairer au sujet des symptômes que l’on ressent et de leur gravité, ajoute Colin L. Robinson.

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Par ailleurs, dans une culture où l’on nous a enseigné à « dire non » aux drogues, parfois les médecins ne sont pas au courant des bénéfices d’une drogue et la considèrent rapidement comme un problème. Si un médecin croit qu’un patient a un problème de consommation de drogue, l’une des façons de savoir s’il a raison, c’est d’en consulter les critères du trouble lié à l’usage de substances psychoactives dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux : vouloir réduire sa consommation ou y mettre fin et ne pas y arriver; ressentir un grand besoin de consommer; constater que sa consommation interfère avec ses autres activités; consacrer beaucoup de temps à l’obtention de la drogue, à sa consommation et à se remettre de ses effets; avoir besoin d’une quantité de plus en plus grande pour ressentir les mêmes effets, me dit Valerie McDonnell. Si le médecin croit que l’on a un problème de consommation de drogue, mais que l’on n’a aucun de ces symptômes, son diagnostic pourrait n’être basé que sur des suppositions.

Même si l’on présente des signes du trouble lié à l’usage de substances psychoactives, il sera plus favorable pour la santé et le traitement que le médecin agisse avec compassion plutôt que de condamner. « En tant que médecins, notre travail, c’est d’agir sans porter de jugement, examiner la personne que l’on soigne dans son ensemble et l’aider en lui proposant le traitement qui lui convient le mieux, dit Colin L. Robinson. Même si une partie de ce plan consiste à vous conseiller de cesser de faire quelque chose que vous faites, ce doit être le résultat d’une préoccupation authentique, et non pas d’un manque de respect ou d’un préjugé. »

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Si un médecin se préoccupe de votre consommation de drogue, vous avez le droit de lui en demander la raison. Et le médecin devrait pouvoir vous dire exactement quels effets néfastes votre consommation de drogue pourrait avoir sur votre santé, selon Soyona Rafatjah, directrice médicale et cofondatrice de PrimeHealth, une clinique privée de soins primaires et de médecine intégrée. Elle intègre la médecine alternative aux traitements et recommande le cannabidiol et le cannabis lorsqu’ils sont appropriés. Si, à propos d’une drogue en particulier, un médecin donne une explication vague comme « les drogues causent des dommages au cerveau », c’est un signe qu’il ne connaît pas bien les effets de la drogue en question.

En plus, son évaluation ne devrait pas se baser sur le seul fait que le patient consomme une drogue : il devrait porter attention à la dose et à la fréquence. « Si votre médecin ne vous pose pas de question sur la quantité et le contexte, et ne vous dit qu’un laconique “non” à propos de toute drogue ou tout type de consommation, il est très possible qu’il soit très critique envers la consommation de toutes les drogues et ne comprenne pas la distinction entre l’expérimentation, l’usage thérapeutique et la toxicomanie », dit Soyona Rafatjah.

Bien sûr, idéalement, on ne devrait pas se retrouver devant un médecin qui critique de façon inappropriée toute consommation de drogue. La façon la plus simple de trouver un médecin impartial, c’est le bouche-à-oreille. Cependant, des médecins ont suivi des formations sur les traitements à base par exemple de kétamine, de MDMA et de psilocybine, et l’indiquent sur internet, selon Soyona Rafatjah.

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« Si jamais vous êtes mal à l’aise durant une visite chez le médecin, vous avez le droit de mettre fin à la rencontre ou d’en parler, dit Valerie McDonnell. Si vous avez déjà divulgué quelque chose à votre médecin avant de commencer à vous sentir jugé par lui, vous pouvez mettre fin à la conversation et lui demander ce qu’il a l’intention de faire des renseignements que vous lui avez donnés. »

Qu’importe qui est le médecin, il est rassurant de savoir qu’il est peu probable d’être dénoncé aux autorités. Un médecin ne peut signaler qu’un patient consomme de la drogue que si vous manifestez l’intention de faire une surdose ou s’il s’agit d’un mineur et qu’il estime que ses parents devraient être informés d’un danger, d’après Valerie McDonnell. Par conséquent, ses critiques sont probablement ce qui peut arriver de pire. La seule autre organisation à qui ces renseignements pourraient être révélés, c’est la compagnie d’assurance. Si c’est une préoccupation, il est possible de demander au médecin quels renseignements il compte divulguer et à qui.

Cela dit, même si le pire, ce sont les critiques, le risque est grand parce que l’on a besoin de pouvoir se confier à son médecin. « Il est important d’avoir une conversation ouverte, honnête et de confiance avec votre médecin et d’être capable de lui parler de choses comme la consommation de drogue, parce que, parfois, ça peut sauver des vies, Soyona Rafatjah. Si vous êtes toxicomane, mais que vous avez trop peur d’être jugé par votre médecin si vous lui en parlez, des mesures pouvant vous sauver la vie risquent de ne pas être prises. »

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Après avoir été semoncé par des médecins en raison de ma consommation de drogue, j’hésitais à dire à mon médecin que j’essayais l’iboga. Mais, à bien y penser, je voulais que les médecins connaissent les effets positifs que certaines substances peuvent avoir sur la santé mentale et physique. Et la conversation a été utile pour moi aussi. Bien que je me sente mieux qu’avant, mon médecin avait raison de dire que l’éradication de tous mes symptômes ne serait pas permanente, et que je ne devrais pas cesser de prendre les autres médicaments. Idéalement, au fur et à mesure que l’on apprend que les substances psychoactives ne sont pas destructrices dans tous les cas, les conversations entre patient et médecin deviendront davantage un échange dans lequel les deux parties vont s’informer mutuellement en vue d’établir un traitement holistique.

Après tout, ce pourrait être en partie grâce à une relation de cette nature qu’il y aura rétablissement. « Si vous avez confiance en votre médecin, vous pouvez parler plus ouvertement de vos symptômes, de vos pensées, de vos inquiétudes et même des difficultés que la maladie cause, dit Colin L. Robinson. Vous saurez aussi que les recommandations de votre médecin seront faites avec une empathie et un respect véritables. Également, le médecin sera convaincu que ce que vous lui dites est la réalité et que vous le respectez aussi, ce qui les aide à faire mieux leur travail. »