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Charlie Hebdo

Des caricaturistes européens réagissent au massacre de « Charlie Hebdo »

Les bureaux de Vice ont compilé les réactions de dessinateurs et de rédacteurs-en-chef de revues satiriques à travers l'Europe.
Photo Mélodie Bouchaud

Cet article a été publié à l'origine par Vice

Après l'attaque de Charlie hebdo hier, nous avons demandé aux autres rédactions de Vice de compiler les réactions de plusieurs dessinateurs de presse et rédacteurs-en-chef de revues satiriques à travers l'Europe.

ITALIE - linus Magazine

Une couverture d'alterlinus, supplément de linus, qui date de 1974. Parmi les contributeurs se trouvait le dessinateur Georges Wolinski, mort dans l'attentat d'hier.

Linus a été crée en 1965 et est aujourd'hui essentiellement tourné vers la bande-dessinée. Cependant, il continue à diffuser le travail de caricaturistes. Son contenu et sa mise en page inspira le magazine français Charlie Mensuel, devenu par la suite Charlie Hebdo.

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Stefania Rumor, directrice :
« Dans les années 1960, nous étions très amis avec les membres de Hara-Kiri. Lorsque certains d'entre eux ont fondé Charlie Hebdo, nous avons pris l'utilisation du nom de Charlie Brown comme un hommage [NDLR : dans la BD, Charlie est le meilleur ami de Linus]. Nous avons publié Wolinski pendant des années, et je le connaissais personnellement. Leur satire était vraiment puissante, et ils étaient très insouciants. À la fin, ils se sentaient investis d'une grande responsabilité journalistique. Je pense qu'ils savaient que quelque chose pouvait arriver, mais personne ne pouvait imaginer cela. Des gens pensent que le métier de satiriste est un métier à risque. Je suis choqué, et très inquiet des conséquences, surtout pour les jeunes. L'idée que quelqu'un puisse mourir pour un dessin est quelque chose qui peut changer la manière de penser de n'importe quel caricaturiste, même le plus courageux. Ce qui est arrivé est incompréhensible.? »

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ROYAUME-UNI - Will Self

Photo via Wikicommons

Will Self, écrivain :
« Lors de l'affaire des caricatures danoises est arrivé, je me suis rendu compte que pour moi, la satire s'approche de la définition du bon journalisme selon HL Mencken : selon lui, il est censé « affliger les aisés et réconforter les oppressés ». Le problème de cette prétendue satire dirigée contre les extrémistes religieux, c'est que la ligne est floue entre qui est affligé et qui est réconforté. Ce n'est pas une manière de justifier le massacre de journalistes - qui représente pour moi le mal absolu -, mais nos sociétés sont tellement obsédés par la liberté d'expression qu'elles ne se demandent même plus ce que cette dernière implique en termes de responsabilité. »

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ESPAGNE - El Mundo Today

La page d'accueil d'El Mundo Today. Le titre et la légende disent : « Allah est un pénis - Ne tirez pas » ou « Allah est super cool - Ne tirez pas », selon votre interprétation.

Xavi Puig, co-fondateur :
« Pour citer Walter Benjamin : Je ne comprends pas l'expression : "Ça ne peut pas arriver, on est au 20ème siècle". L'histoire n'est pas une grande ligne droite, dirigée vers un avenir meilleur. De temps à autre, le passé revient pourrir nos vies. » Aujourd'hui, la France ressemble au Moyen-Âge. Et ça me fait mal que des connards légitiment la citation de Benjamin, parce que j'ai toujours trouvé ce mec super chiant… Mais c'est le monde dans lequel on vit. »

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ESPAGNE - Orgullo y Satisfacción

Manuel Bartual :
« Je ne sais pas quoi dire. C'est affreux. Je suis choqué et je ne veux pas penser à ça maintenant. C'est vraiment une affreuse tragédie. »

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IRLANDE DU NORD - The Vacuum

The Vacuum est le premier journal satirique et gratuit d'Irlande du Nord. Ci-dessus, la couverture de leur numéro « Spécial Dieu » . L'illustration est de Duncan Ross.

Richard West, co-fondateur de Vacuum :
« C'est horrible. Complètement absurde. En Irlande du Nord, être menacé physiquement pour avoir fait des commentaires sur la religion est assez difficile à imaginer. Je pense que les gens vont dire que cela ne devrait pas avoir d'effet dissuasif, mais il est probable qu'il y en ait un. Les gens vont probablement réfléchir à deux fois à ce qu'ils publient. Ils disent également que nous devrions publier des articles par solidarité - mais chaque revue a ses motivations et sa manière de réagir.

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Nous devons également nous souvenir de ce jour. Je pense que nous pouvons nous lever et montrer notre respect à ses personnes qui ont été assassinées de manière absurde, sans pour autant dire que nous approuvons l'intégralité de ce qu'ils ont publié. Mais rien ne peut justifier un meurtre de sang-froid. »

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SERBIE - Njuz.net

Njuz est un des sites satiriques les plus visités de la Serbie.

Marko Drazic, rédacteur-en-chef :
« C'est une journée très sombre pour tous mes confrères, mais cela nous encourage aussi à continuer de faire notre travail. La tragédie qui a eu lieu hier à Paris ne fait que souligner l'injustice qui gangrène notre monde, et c'est notre devoir de continuer à nous battre de la meilleure manière que nous connaissions - par la satire. »

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PAYS-BAS - De Speld

La page d'accueil De Speld hier. La Une titre : "Zéro mort dans l'attaque satirique"

Hier, De Speld a posté la réponse suivante sur Facebook : « Personne n'a été blessé lors de l'attaque satirique menée par le magazine français Charlie Hebdo. Cet incident amène le nombre de victimes d'attaques satirique à zéro. »

Nous avons discuté avec le rédacteur-en-chef, Jochem van den Berg, qui a déclaré : « Notre post Facebook résume parfaitement notre pensée, nous préférons ne pas nous étendre plus sur le sujet. »

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GRÈCE

Un dessin caricaturant Aube Dorée, par Andreas Petroulakis.

Andreas Petroulakis, caricaturiste travaillant actuellement pour le journal grec Kathimerini :
« Je suis profondément choqué par cette attaque, tout ce chaos m'a complètement bouleversé. C'est une véritable tragédie. Pendant que l'Europe lutte pour la liberté d'expression, qu'elle se bat pour la démocratie, qu'elle essaie d'outrepasser toutes nos différences culturelles, de l'autre côté du monde, des islamistes radicaux prêchent la haine et le dogmatisme. La satire finira toujours par vaincre, et vous savez pourquoi ? Parce qu'elle ne connaît pas de contrainte. Sans satire, une société ne pourrait plus se regarder dans le miroir. »

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AUTRICHE - Die Tagespresse

Fritz Jergitsch, fondateur :
« Si je m'étais moqué de l'Islam dans l'un de mes articles, je pense qu'environ 99% des musulmans autrichiens se seraient contentés d'en rire. Mais c'est évidemment un problème quand un petit groupe de radicaux prend des mesures aussi extrêmes. 300 ans plus tôt, on m'aurait sans doute envoyé en prison à cause de mes articles sur l'Église catholique. Mais les temps ont changé, et heureusement, la société a changé aussi. Ce n'est désormais plus un problème. Bien entendu, c'est encore un problème dans certains pays musulmans - mais ce problème est lié à certains individus, et pas du tout à l'Islam. »

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BELGIQUE - Humo

Danny Ilegems, rédacteur-en-chef :
« Les mots nous manquent. Si vous aviez fait un tour sur notre site hier, vous n'y aurez trouvé qu'un grand carré noir - et rien d'autre. »

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ALLEMAGNE - Eulenspiegel

Dr. Mathias Wedel, rédacteur-en-chef :
« Nous sommes tous terriblement choqués, c'est vraiment très éprouvant pour nous. Nous en parlons actuellement en réunion, on essaie de rire de la situation. Comment doit-on réagir en tant que magazine ? Ça peut paraître amer, mais nous serons les premiers à en faire une blague. Parce que malheureusement (ou plutôt, heureusement), c'est notre travail. C'est aussi notre devoir de nous opposer au terrorisme et à la guerre.

Je ne vois pas de menace pour nous, même si on fait des blagues sur l'Islam- uniquement sur le côté politique par contre ; nous ne sommes pas intéressés par la foi. La question de savoir si nous continuerons à publier des caricatures de Mahomet ne se pose pas, parce que nous ne faisons pas ça d'habitude. Mes collègues et moi défendrons toujours la liberté de pouvoir dire, dessiner et d'écrire ce que l'on veut. En faisant cela, nous ne provoquons pas nos lecteurs, mais seulement les islamistes. Et il y a des moyens plus efficaces qu'une caricature dans un magazine satirique pour les combattre. »

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SUÈDE - Galago

Johannes Klenell, rédacteur-en-chef :
« Quand j'ai entendu la nouvelle, des frissons ont parcouru tout mon corps. Mes pensées vont directement aux victimes et à leurs familles. De nombreuses personnes travaillant pour des publications satiriques ont été cibles de menaces. La satire, le fait de se moquer du pouvoir et de l'oppression ont tendance à susciter toutes sortes d'émotions - c'est un outil très efficace. En Suède, nous voyons surtout la haine aveugle de l'extrême droite. Mais on ne peut jamais prévoir de tels évènements. Les haters anonymes n'étaient que des fantômes pour nous. Hélas, ils viennent tout juste de prendre vie.

Je ne pense pas que cet attentat aura des conséquences sur les satiristes - du moins, je l'espère. Les satiristes sont comme des roseaux - ils plient, mais ne rompent pas. En revanche, je crains sincèrement l'instrumentalisation de cet évènement. Comment l'extrême droite réagira à tout ça ? J'ai bien peur qu'ils ne détournent notre art et notre liberté d'expression pour servir leurs propres objectifs. »

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POLOGNE - Polityka

Janek Koza, dessinateur :
« Il est difficile pour moi de trouver les mots dans une situation aussi terrible. Mais je suis heureux de savoir que nos armes sont des dessins et des textes - et j'espère que c'est grâce à eux que nous vaincrons. »