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FRANCE

L’état d’urgence en France inquiète des experts de l’ONU

Dans une série de questions adressées dernièrement au gouvernement français, cinq chercheurs du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies se sont dit « particulièrement inquiets » au sujet de cette mesure exceptionnelle qui pourrait être...
Des CRS face à des manifestants lors de la COP21 à Paris. (VICE News / Etienne Rouillon)

Cinq experts de l'ONU ont adressé une série de questions — publiées ce mardi — au gouvernement français à propos de l'état d'urgence, promulgué en France le 14 novembre 2015, suites aux attentats de Paris et de Saint-Denis. Cet état d'urgence est toujours en vigueur à l'heure actuelle. Dans le viseur de ces experts, les dispositions permettant l'assignation à résidence, la dissolution d'association ou encore le blocage de sites internet qui sont jugées « extrêmement vagues » et laissent craindre de potentielles dérives.

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Depuis sa mise en oeuvre, l'état d'urgence a permis aux autorités françaises de mener plus de 3 000 perquisitions dites « administratives » lors desquelles plusieurs centaines d'armes à feu ont notamment été découvertes. Ce mercredi par exemple, une série de perquisitions administratives dans des « milieux de l'ultra-droite » ont permis de saisir une trentaine d'armes et près de 200 kilos de munitions en Gironde, sud-ouest de la France.

Officiellement en vigueur jusqu'au 26 février prochain, l'état d'urgence pourrait perdurer bien au-delà de cette date selon la radio Europe 1, qui évoque ce mercredi matin une « loi de prolongation » que le gouvernement français pourrait présenter en conseil des ministres début février.

Dans une déclaration commune publiée ce lundi, les cinq rapporteurs spéciaux — qui ne sont pas des salariés de l'ONU et mènent leurs recherches de manière indépendante — ont estimé que les « raisons sérieuses » pouvant justifier l'assignation à domicile d'un individu sous l'état d'urgence sont « très vagues et vastes ».

Prudents dans les termes, ces experts font référence dans leur texte à des « allégations » de perquisitions et d'assignation à résidence qui auraient visé des « militants et activistes écologistes » pour « prévenir des manifestations pacifiques » en marge de la conférence COP 21, en fin d'année dernière.

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S'ils ne dénoncent pas l'état d'urgence en tant que tel, ces experts demandent néanmoins à la France « d'expliquer » en quoi ces mesures concernant des militants écologistes étaient nécessaires et proportionnées.

Autre inquiétude exprimée par ces rapporteurs, la liberté de la presse pourrait souffrir de l'état d'urgence.

En effet, si les journalistes font en principe partie des professions dites « protégées » (au même titre que les parlementaires et les avocats) et bénéficient d'une protection renforcée de leurs lieux de travail, leurs domiciles personnels peuvent être perquisitionnés sans difficulté. Une marge de manoeuvre qui inquiète ces cinq rapporteurs de l'ONU pour qui le domicile d'un journaliste peut aussi être une « extension de son lieu de travail » où se trouvent potentiellement des documents et autres disques durs contenant des données sensibles.

« Ils [NDLR: les rapporteurs] ont exprimé également leur préoccupation concernant les dispositions permettant la dissolution d'organisations ou d'associations, sans procédure de contrôle judiciaire » peut-on encore lire dans cette déclaration. L'absence de contrôle judiciaire — qui concerne aussi le blocage de sites Internet — semble donc particulièrement inquiéter ces experts.

Même si cela est permis par la loi relative à l'état d'urgence, aucun site web n'a pour le moment été bloqué dans le cadre de cette législation, d'après le ministère de l'Intérieur.

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Dans leur déclaration publique, ces cinq experts ont également exprimé leurs craintes vis-à-vis d'une autre loi française, votée le 30 novembre 2015, qui permet la surveillance des communications internationales dans des circonstances « extrêmement vastes » ont-ils dénoncé.

« Les experts ont souligné l'importance de formuler des règles et procédures qui respectent et protègent de la même manière les droits de toutes les personnes indépendamment de leur nationalité ou du lieu où elles se situent. » indique le communiqué en guise de conclusion.

Le gouvernement français et les ministères concernés n'ont pas encore réagi à la publication de cette déclaration.


Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c