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Facebook fête le Pride Month, sauf dans les pays où l'homosexualité est illégale

Si le but de Facebook est bien de faire du monde un endroit plus ouvert et connecté, il pourrait commencer par traiter les personnes queer dans un souci d’égalité.

Comme bon nombre de boîtes de la Silicon Valley, Facebook a décidé de fêter le "Pride Month", le Mois des fiertés. Le réseau social va prendre part aux Prides d'une vingtaine de villes du monde entier, afficher son soutien aux employés queer et offrir des fonctionnalités amusantes aux utilisateurs qui souhaitent afficher leur solidarité.

Ces mesures sont importantes, car elles peuvent aider les salariés et les clients queer du réseau social à se sentir vus et soutenus. En permettant aux internautes de réagir à une publication avec le drapeau arc-en-ciel de la communauté LGBT, Facebook leur donne l'occasion de revendiquer leur fierté et leur solidarité.

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Le problème, comme le souligne Sarah Kessler dans Quartz, c'est que cette fonctionnalité n'est proposée qu'à certains publics, au sein de certains marchés… Et plus précisément aux "grands marchés dotés de célébrations de type Pride". Les utilisateurs qui n'ont pas la chance d'en faire partie peuvent débloquer la bannière multicolore en likant la page Facebook officielle de la communauté LGBTQ.

Cependant, pour certains internautes, cette technique ne débloque rien du tout. La semaine dernière, j'ai assisté à une conversation entre certains de mes amis du Caire, en Égypte. Beaucoup s'étonnaient de ne pas avoir accès à la fonctionnalité spéciale Pride. Ils avaient suivi les directives diffusées par Facebook et pouvaient voir d'autres utilisateurs poster le drapeau arc-en-ciel, mais il n'y avait rien à faire : le drapeau arc-en-ciel restait hors de portée de leurs propres comptes.

Après avoir envoyés quelques messages à d'autres amis, j'ai découvert que la fonctionnalité n'était pas disponible dans un certain nombre de pays : l'Égypte, donc, mais aussi la Palestine, le Bahrain, le Liban, Singapour, la Russie et les Émirats Arabes Unis.

Facebook a admis à deux reprises que le drapeau n'était pas encore disponible partout dans le monde : dans un communiqué de presse et dans une réponse au commentaire d'un utilisateur singapourien sur sa page LGBTQ officielle. Pourtant, mon expérience montre qu'elle est déjà accessible dans une bonne partie du monde… Et que les seuls pays qui n'y ont pas droit sont ceux où l'homosexualité est illégale ou soumise à des lois douteuses.

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Facebook n'a pas expliqué pourquoi la fonctionnalité n'était pas accessible dans ces pays, mais on peut supposer que l'entreprise ne souhaite pas mettre ses utilisateurs en dangers. Cette précaution est légitime, c'est certain - les hommes gay et bi sont raflés et exécutés en Tchétchénie, par exemple - mais il convient de noter que l'obligation de mettre son vrai nom sur Facebook est l'une des raisons pour lesquelles ces individus sont menacés en premier lieu.

Malgré les protestations des utilisateurs queer, Facebook continue à insister sur la règle du vrai nom depuis près de dix ans. L'entreprise affirme que cette règle assure la "civilité" de son site, en dépit de preuves du contraire.

De plus, tous les pays dans lesquels la fonctionnalité est inaccessible ne se ressemblent pas. Au Liban, par exemple, les "comportements homosexuels" sont en passe d'être dépénalisés. On est loin du niveau de persécution de la Russie.

Joseph Aoun, le directeur du centre communautaire de Helem, une organisation qui oeuvre pour les protection des individus LGBTQI au Liban, perçoit des relents discriminatoires dans la manière dont Facebook gère certaines de ses fonctionnalités.

"Facebook a souvent fonctionné de manière discriminatoire à bien des égards, m'a-t-il affirmé. C'est comme quand il y a une attaque terroriste au Liban, on n'a pas le droit au Safety check. Malheureusement, le monde d'aujourd'hui est construit selon les priorités du monde occidental, et en particulier de celles des personnes blanches qui y habitent."

Cependant, ajoute-t-il, "le Pride Month concerne une partie de l'histoire occidentale qui n'a rien à voir avec les problèmes internes du Liban, mais nous apprécierons tout de même que ces discriminations n'arrivent pas. La Pride veut toujours dire quelque chose pour les individus LGBTQI de la région."

Un bouton estampillé Pride pourrait être considéré comme trivial par beaucoup, y compris par les activistes LGBTQ qui se sont battus pour des causes bien plus exigeantes dans le passé. Mais lorsqu'une entreprise de la Silicon Valley prend la décision de restreindre l'accès à une fonctionnalité opt-in dans certains pays - même au nom de la sécurité des utilisateurs - elle fait juste preuve de condescendance et de mépris envers les individus LGBTQ qui y résident.

Même s'il est important que les sociétés comme Facebook soutiennent les communautés marginalisées, les platitudes ne permettent pas de gagner des droits. Si le but de Facebook est bien de faire du monde un endroit plus ouvert et connecté, il pourrait commencer par traiter les personnes queer dans un souci d'égalité.