La recette secrète du festival de Dour par ses programmateurs (et ce n’est pas Metallica)
Photo: Alex Lermechin, Nicolas Debacker, Fabrizio De Patre, Elise Debreu

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La recette secrète du festival de Dour par ses programmateurs (et ce n’est pas Metallica)

Rencontre avec les deux petits chimistes musicaux qui ont concocté l'affiche de la trentième édition du festival de Dour.

Cet été, les belges aimeraient bien décider de deux choses. La première concerne la coupe du monde, et le passage des Diables Rouges en quart de finale. La seconde, c’est la composition des line-ups des festivals. Alex Stevens et Mathieu Fonsny, les deux programmateurs de Dour, n’ont malheureusement aucun pouvoir sur le succès de nos Diables, mais par contre, il s’agit bien des deux petits chimistes musicaux qui vous ont concocté l’affiche de la trentième édition du festival. On a papoté avec eux pour mieux comprendre leur quotidien.

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VICE : Comme c’est la trentième édition de Dour, vous avez prévu quelque chose de spécial ?
Alex Stevens : On a beaucoup investi sur le terrain avec de nouvelles infrastructures : un nouveau chapiteau pour la boombox, un nouveau chapiteau pour la petite maison, amélioration de la production sur la Balzaal ,etc. On a aussi mis sur pied un tout nouveau groupe qui n’a encore jamais joué. Le groupe est un mix de La Fine Equipe qui vient de Marseille, de Haring qui vient de Belgique et de Fulgeance qui vient du nord de la France. Ça va s’appeler Gangue et ils vont jouer le jour de l’ouverture. C’est parce que Dour fête ses trente ans, mais c’est également les vingt ans de deux de nos amis : les festivals Marsatac et Nördic Impakt. Du coup ce groupe, c’est un peu un cadeau d’anniversaire commun. Au final pour les trente ans, il n’y a pas qu’une seule nouveauté mais il y a plein de petites choses qui vont faire que d’un côté on reste « nous », mais qu’en même temps on franchit encore une nouvelle étape.

Tu dis « on reste nous ». Quelle est la différence entre Dour et les autres festivals ?
Mathieu Fonsny : Je pense que ce qui fait notre particularité c’est d’avoir toujours réussi à être très attentif à tout ce qui se fait de nouveau dans les cultures alternatives, tous les genres, les sous-genres, et chaque fois avoir réussi à se renouveler pour faire un bon mix entre quelques têtes d’affiches qui rassurent et à côté de ça, plein de plus petites découvertes. Tu ne vas pas à Dour pour voir un artiste, tu vas à Dour pour vivre le festival et pour vivre l’expérience de Dour : être au camping pour cinq jours, rencontrer d’autres personnes, échanger des idées. C’est la communauté humaine qui fait le festival, et au final la plus grosse tête d’affiche, c’est l’esprit hyper alternatif.
Alex : J’aime bien le fait qu’on ait également des grands noms au programme, ça permet de s’y retrouver. Les têtes d’affiche, c’est toujours un moment important, c’est sûr, mais ce n’est pas dans l’ADN de Dour de proposer Metallica ou Radiohead par exemple. Notre programmation repose plus sur un équilibre d’ensemble que sur un ou deux gros noms par jour.

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Vous avez invité des très gros programmateurs comme DEEWEE et Diplo. Comment ça marche, vous faites ça par téléphone ?
Alex : Non, en principe c’est même quelque chose qu’on ne veut pas faire, on déteste ça parce que justement le truc de Dour, c’est de créer un équilibre. DEEWEE, c’est eux qui nous ont demandé. Via leur agent, on a reçu un message disant « on aimerait bien faire une scène DEEWEE à Dour, ça a du sens pour nous. » Comme on adore le label et ce qu’ils font, on s’est dit qu’on allait faire une exception. Et c’est pareil pour Diplo en fait. Il est venu il y a quoi, dix ans pour la première fois ? Et là il voulait revenir. Il était dans le coin et on lui a proposé « ça te dirait de faire un Diplo presents ? »

Comment dénichez-vous les petits noms ? Vous ne connaissez pas tous les artistes, si ?
Mathieu : Chaque cas est différent bien sûr, mais on se nourrit de tout. On va voir de nombreux concerts, on discute beaucoup avec d’autres programmateurs, mais aussi avec des amis. On lit plein de magazines, on écoute la radio, et tout ça crée des opportunités de nouvelles découvertes.
Alex : Oui, on essaye de rester curieux tout simplement.

Et comment ça marche avec les « package deals » ?
Alex : Dour ne fait pas ça. On ne parle que d’un artiste à la fois. Si on nous propose ça, on arrête directement la discussion.

Selon vous, quel sont les noms à suivre de près cette année ?
Mathieu : En techno, je pense à Cellini. C’est un peu le nouveau Amélie ou Charlotte. En girly hip-hop, peut-être Blu Samu et Juicy, ce sont les noms qui peuvent breaker.
Alex : Niveau flamand il y a Onmens qui joue le samedi dans la caverne. Ça, c’est presque punk, et le duo est super cool. Ça va bien fonctionner avec Ho99o9 qui joue le soir-même.

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Avant d’être programmateurs, j’imagine que vous étiez de simples festivaliers. C’était un rêve de faire ça ?
Alex : J’ai commencé à travailler à Dour comme étudiant en 2000, j’avais 17 ans à l’époque. Les choses se sont faites assez naturellement, c’est vrai que j’ai eu de la chance quelque part. Il y a des bons côtés parce que tu découvres de la musique et tu la partages avec d’autres. Et tu vois les gens qui réagissent à ça. Tu génères beaucoup de bonheur et de plaisir. Après, quand tu as plusieurs millions d’euros à investir, c’est quand même un boulot stressant aussi, et ce n’est pas QUE du fun.. Mais oui, on peut dire que c’est un job de rêve. Quand je vois le nombre de personnes géniales qu’on a la chance de rencontrer grâce à notre boulot et le plaisir qu’on peut transmettre aux autres, on n’a pas à se plaindre, c’est sûr.

Et en termes de rendements, qu’est-ce que vous visez ?
Alex : Pour nous il y a plusieurs choses. Il y a d’abord le rendement sur le court terme : on a investi de l’argent, il faut le récupérer. Si on est en perte, ça veut dire qu’il y a des gens qui ne vont pas pouvoir être payés pour cause de problèmes financiers, ça c’est le premier point. Le deuxième pour moi, c’est le rendement par rapport au public, les retours qu’on a après le festival. Quand on demande aux festivaliers s’ils reviennent l’année prochain, je crois qu’il y a bien 80 ou 90% qui disent « oui j’y retourne l’année prochaine sans hésitation. » Là, on sait qu’on a gagné. On leur a promis qu’ils allaient passer un bon moment, qu’ils allaient découvrir de la musique, il faut qu’ils repartent en ayant plein de souvenirs dans la tête. Ce n’est pas juste vendre des tickets.

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Est-ce que vous avez le temps d’aller voir les concerts pendant le festival ?
Alex : Oui, on est toujours dans le public sauf si il y a un problème. Alors à ce moment-là on doit retourner en backstage.
Mathieu : On essaye de voir si nos choix étaient les bons, s’il y a du monde, si le show est chouette. On va voir si les atmosphères qu’on a voulu générer rendent bien. On essaye de prendre des notes, comme ça dès le lundi après le festival, à chaud, on peut se dire « ok, peut-être que la drum and bass, on doit encore proposer ça différemment, peut-être qu’on doit y aller plus doucement avec le hip-hop, car après trois jours les gens en ont marre, etc.. » Si tu ne vas pas sur le terrain, c’est le genre de choses que tu ne sais pas savoir.
Alex : Quand tu fais la programmation, une majeure partie se fait à l’instinct. Tu dois nourrir cet instinct et tu dois pouvoir sentir les choses. Il faut aller dans le public pour regarder comment il réagit. Question de feeling.

En tant que duo, pour booker un artiste, vous devez être tous les deux d’accord ?
Alex : Ça dépend du prix ! Si l’artiste est cher, il faut qu’on soit tous les deux d’accord. Si ce n’est pas trop cher, on fait des compromis. Mais surtout, il faut que ça fasse sens. Ce n’est pas juste « j’aime bien cet artiste-là ». C’est : on le place quel jour, avec quel artiste, sur quelle scène, à quelle heure, pourquoi on le programme et pourquoi on le programme là, et pourquoi on ne le fait pas tel autre jour. Il faut aussi qu’on soit d’accords sûr ça. On ne se contente pas de choisir des ingrédients, on doit faire toute une recette. Et comme en cuisine, ça doit être bon.

Tout ça vous a donné l’eau à la bouche ? Très bien. VICE vous offre 5 one day duo tickets pour le jour de votre choix. Vous n’avez qu’à envoyer un mail à becontest@vice.com avec ‘Dour Duo Ticket’ comme objet, en nous expliquant quel jour vous ne voulez absolument pas manquer et pour quelle raison. Edit : Le concours est clôturé.

Pour plus de Vice, c’est par ici.