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Culture Club

Comment se comporter avec des videurs, selon des videurs

« Ma plus grande satisfaction est quand la personne que tu viens de recaler repart avec le sourire… »
Paul Douard
Paris, FR
videurs boite

Il existe trois catégories de personnes que l’humanité aimerait voir confortablement installées dans un bus sans freins lancé à pleine vitesse sur une route de montagne : les banquiers Célio, les livreurs qui ne trouvent pas votre adresse et les videurs de boîte de nuit qui détruisent votre soirée en un regard alors que vous portez votre nouveau sweat à poche. Le videur (appelé aussi « sorteur » ou « physio »), véritable manager du cool, est surtout une muraille infranchissable entre une semaine ennuyeuse et une soirée sans but, excessivement alcoolisée.
Si ces travailleurs de la nuit sont copieusement haïs par leurs congénères, ils ne font pourtant que leur travail – au même titre qu’un policier ou un arbitre de football. Le métier semble être aujourd’hui une science incomprise pour beaucoup de fêtards. Aux yeux desquels le videur n’est qu’un être sans cœur qui ne fait entrer que ses potes – et les groupes de filles Erasmus.
Nous sommes allés à la rencontre de trois videurs de discothèques parisiennes – Élisa du Wanderlust, Dido de La Mano et Bak, qui a longtemps travaillé pour le Baron et le Festival de Cannes – afin de comprendre à quel point passer le plus clair de son temps sobre en compagnie d’êtres enivrés et suintants qui estiment avoir le droit d’entrer partout (vous) peut être pénible. Et bien sur pour que vous puissiez comprendre comment entrer dans une boîte comme on entre au supermarché, c’est-à-dire sans cette sueur froide qui vous colle le tee-shirt Supreme entre les deux omoplates…

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SOYEZ CIVILISÉ

Dans la vie de tous les jours, les gens sont normalement sympas. Essayez donc de ne pas être une sous merde imbue d’elle-même parce que vous avez bu deux whiskey-coca. Bon nombre de fêtards arrivent devant une boîte dans le même état que l’ivrogne du village dans un roman irlandais. Commencez donc par ne pas débarquer complètement bourré. « Les groupes de mecs qui viennent pour se mettre une race et chopper des meufs jusqu’à 5 heure du mat’, c’est compliqué », explique Élisa du Wanderlust. De même, tentez d’être un minimum poli et bien élevé. Quand vous vous trouvez au milieu d’une randonnée dans les fagnes, vous dites bonjour à tout le monde n’est-ce pas ? Et bien ici c’est pareil.
Au Wanderlust, Elisa remarque que plus les clients sont jeunes, plus ils ont tendance à zapper les règles de politesse élémentaires : « Les 18-22 ans qui ne te disent ni bonjour, ni merci, avec en prime un “allez vous faire foutre“, c’est dur à accepter. On leur demande leurs papiers mais ils sont trop bourrés car ils boivent dans la file d’attente ». Pour Dido, le videur de la Mano, les pires spécimens sont ceux estiment ne pas avoir à faire la queue parce qu’ils connaissent le frère-du-cousin-de-la-copine-de-classe du DJ. Il ajoute : « moi, je tiens surtout compte de l’attitude du client. J’ai besoin d’un petit échange avec lui ». Concrètement, un bonjour suffira.

ÉVITEZ D’ÊTRE UN GROS RACISTE

Les racistes passifs-agressifs qui estiment pouvoir entrer en boîte parce qu’ils chassent le dimanche et payent beaucoup d’impôts sont la plaie des videurs. Bak, ancien videur du Baron raconte : « Un jour une femme d’un certain âge en fourrure débarque en Rolls-Royce avec son chauffeur. Elle me dit “je viens du Georges V, j’y ai une suite à l’année“. Je lui répond, “désolé madame, mais je n’ai pas le plaisir de vous connaître“. Elle me toise et me dit : “Me faire refuser par un nègre : Le 21ème siècle !“ » Ca ne devrait pas être trop difficile d’éviter de dire ce genre de connerie…

N’ESSAYEZ PAS DE LES ACHETER

C’est la technique classique de ceux qui n’ont aucun amour propre : sortir leurs liasses de billets. Pourtant, les videurs gagnent probablement plus d’argent que vous et peuvent faire la fête gratuitement dans tous les clubs de la ville. Alors, ce billet de 50 euros luisant de sueur que vous sortez de votre poche de jean, gardez-le. « Ca ne marche jamais », assure Elisa, la physio du Wanderlust. De son côté, Dido semble avoir de nouveaux amis depuis qu’il a débuté ce nouveau travail de nuit : « Maintenant que je suis physio, je reçois des tas de cadeaux, comme du parfum ou des fringues. Mais ça ne marche pas comme ça. Rien n’est sincère dans le monde de la nuit. » Comme 99% des gens y sont saouls, drogués ou dépressifs (l’un n’excluant pas l’autre), cela sonne comme une évidence.

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ACCEPTEZ LA DÉFAITE

Il est temps de le dire : il n’existe aucune technique infaillible pour entrer en boîte sans risquer de se faire recaler – si ce n’est être de la famille du proprio. « Les amis du patron pensent qu’ils sont chez eux, et donc qu’ils ont tous les droits » raconte Dido. Il poursuit : « De mon côté, j’ai toujours fait super gaffe à la manière de recaler les gens. D’ailleurs, ma plus grande satisfaction est quand la personne que tu viens de recaler comprend et repart avec le sourire. Ça fait vraiment plaisir. » Du côté du Wanderlust, certains n’acceptent pas le non : « Les réactions sont parfois ultra violentes. Les gens se disent “c’est qui cette connasse qui me nique la soirée ?“. Je ne sais pas pourquoi mais les filles sont particulièrement vexées de se faire recaler par une autre fille. Et comme je suis, une fille, ça part vite en live… ». Elle ajoute, dans un sursaut de culpabilité : « les gens qu’on met dehors, on leur sabote leur soirée, on le sait bien. » Mais les videurs sont comme tout le monde : se faire insulter n’a jamais rendu personne plus sympa.

ADMETTEZ QUE VIDEUR EST UN VRAI MÉTIER

Eh oui, au cas où vous l’auriez oublié, physionomiste est un travail. Où il y a des objectifs, des consignes et mêmes des ordres à respecter. Comprendre que ces gens ont un job comme n’importe qui d’autres vous aidera à ne pas leur en vouloir. Lorsqu’une personne des allocations familiales vous demande de rembourser le trop perçu, vous savez qu’elle n’y est pour rien. « Quand je vois les gens se présenter, je suis obligé de faire une sélection pour créer une certaine harmonie. Il faut une homogénéité entre les gens », me détaille la physio du Wanderlust. Bak m’explique lui aussi sa vision du métier, avec ses mots : « Un physionomiste se veut un peu artiste, il essaye chaque nuit de peindre le plus beau tableau en mélangeant les esprits, les couleurs, les énergies ». Comprenez par-là des gens pas trop moches, pas trop lourds et pas trop pauvres si possible.

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