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Société

Être gay en Pologne a fait de moi un activiste

Quand Sebatian Słowiński a découvert que de la propagande fasciste était distribuée autour de son université, il a décidé de prendre position et d’éduquer ses pairs.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
Paweł Mączewski
propos rapportés par Paweł Mączewski
Être gai en Pologne a fait de moi un activiste
Photo : Pawel Mączewski

Plus jeune, j’étais gêné de dire que je venais de Pologne. L'égalité et la tolérance sont des notions assez étrangères dans mon pays, en particulier quand on parle d’homosexualité. Mais aujourd’hui, je me rends compte que les mauvaises expériences que j'ai vécues en grandissant m'ont donné envie de me battre pour l'avenir de la Pologne.

Je suis né à Poznań, une ville d'environ 1,4 million d'habitants. Ma famille a vécu à la périphérie de la ville pendant une dizaine d'années avant de déménager. Mes grands-parents y habitent toujours. J’y retourne souvent pour aller dans ma librairie anarchiste préférée, ZEMSTA (« La revanche ») et assister au festival annuel de la pomme de terre. J'adore les pommes de terre.

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J’étais en CM2 quand j'ai compris que j'étais gay. Quand je l’ai dit à ma mère, elle a simplement répondu : « Ah, oui, je sais. » Ça a été un peu plus difficile de faire accepter l’idée à mon père, même si, finalement, il l’a plutôt bien pris. Ma vie de famille semblait aller beaucoup mieux après avoir fait mon coming-out devant mes parents.

« J'ai été attaqué et roué de coups, ce qui m’a rappelé que, dans la société polonaise, il est rarement judicieux de s'écarter de la norme »

Malheureusement, la vie n’était pas aussi simple à l’école. Pendant très longtemps, j'ai eu l'impression que mon école primaire, très stricte, avait pour objectif de m'empêcher de me découvrir moi-même ou le monde qui m’entourait. L'école était très branchée patriotisme et normes de genre.

La façon dont mes amis garçons essayaient d’aborder les filles – ou plutôt la façon dont ils semblaient s'imposer de force dans la vie des filles – me paraissait violente. Étant donné que faire mon coming-out à l'école n’était pas une option, j'ai décidé de trouver une petite amie. J’en ai trouvé une ; ça a duré une demi-journée.

Peu de temps après ma fausse romance de courte durée, j’ai fait mon coming-out en public et, à partir de là, ma vie est devenue très difficile. J'ai été attaqué et roué de coups, ce qui m’a rappelé que, dans la société polonaise, il est rarement judicieux de s'écarter de la norme. Heureusement, ma mère m'a retiré de cette école.

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À Varsovie, j’ai intégré le lycée multiculturel Jacek Kuroń, du nom d’un ancien dirigeant de l'opposition démocratique polonais. Mes nouveaux camarades de classe faisaient tout pour me rassurer en permanence sur leur tolérance – certains disaient même qu'ils avaient toujours voulu rencontrer un homosexuel. J'ai vite compris que je risquais de devenir leur « ami gay » symbolique plutôt que d'être simplement une personne normale qui s’avérait être homosexuelle.

Avant d’emménager à Varsovie, j'avais dû lire quatre livres en tout dans ma vie. Mais grâce au vaste programme de ma nouvelle école, j'ai été initié à des travaux étonnants sur la sexualité, l'histoire et la révolution. L’accès à un large éventail de matériel de lecture m’a enseigné l’activisme et les moyens de lutter pour une société qui fonctionne différemment. Ces ouvrages ne m'ont pas permis d'échapper au monde extérieur, bien au contraire – ce sont des outils qui m’ont aidé à me définir au sein de ma communauté et à éveiller ma conscience sociale. Tout d’un coup, je me sentais moins seul.

Un de mes professeurs m'a initié à la philosophie et j'ai ensuite été invité à prendre part aux Jeux olympiques de la philosophie, un concours national qui existe depuis 30 ans et qui offre aux lauréats un soutien académique s'ils souhaitent approfondir l'étude du sujet. Dans le cadre du concours, j'ai rédigé une critique du philosophe antimarxiste Leszek Kołakowski. À mon grand étonnement, j'ai été sélectionné parmi les gagnants. Nous avons été invités à un événement au cours duquel Hanna Gronkiewicz-Walz, ancienne maire de Varsovie, devait remettre le prix. Le problème était que la maire n'avait jamais manifesté son soutien à la communauté LGBTQ ; chaque année, elle était invitée à la Warsaw Pride, mais elle n’y participait jamais. Pour la première fois de ma vie, j’avais la réelle opportunité de prendre la parole sur un sujet important.

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Mon projet initial était de perturber la cérémonie en portant une cagoule et en agitant un drapeau arc-en-ciel, mais mon professeur de philosophie a eu raison de m’en dissuader – même si j'avais toujours l'intention de me faire entendre. Alors, quand j’ai pris le micro lors de la cérémonie, je me suis tourné vers l’adjoint à la maire – Hannah ne s'était pas présentée – et j'ai expliqué qu'en tant qu’homosexuel qui étudie et paie des impôts dans cette ville, je n’accepterai pas une récompense de la part d’une personne qui n'a montré aucun intérêt à protéger les intérêts de la communauté gay.

J'étudie maintenant à l'université de Varsovie, où un groupe de militants d'extrême droite s'est rendu un jour sur le campus pour distribuer de la propagande fasciste. En réponse, des amis et moi avons créé le comité étudiant antifasciste.

Ces éléments ont toujours existé dans notre pays, c'est simplement que le parti au pouvoir, le parti de droite Droit et Justice, a autorisé la prolifération d'autres mouvements fascistes. Mes amis et moi étions déterminés à ne pas laisser la bigoterie gangrener notre université.

Depuis, notre comité s'emploie à lutter contre tous les crimes de haine perpétrés à l’université de Varsovie, en commençant par dénoncer la littérature fasciste répandue sur le campus et en empêchant le leader du mouvement national d'extrême droite, Robert Winnicki, de s'exprimer sur le campus. Le gouvernement veut resserrer la loi anti-avortement. Nous nous opposerons donc à l'introduction, dans les programmes scolaires, d’une pseudoscience susceptible de soutenir leurs efforts. Nous sommes prêts à bloquer les facultés, les campus et toute l'université si nécessaire.

Nous devons également tendre la main aux gens ayant une vision similaire de la nôtre et les éduquer sur les raisons de notre engagement et la manière de s’organiser. Traditionnellement, la politique polonaise est ennuyeuse, aliénante et souvent répugnante. C’est dans ce contexte que j’ai grandi à Poznań, en essayant coûte que coûte de m’intégrer à mon école ultra-conservatrice. Aujourd'hui, mes amis et moi essayons de proposer une véritable alternative qui changera la Pologne et le monde.

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