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La ruée vers « l’ivoire des glaces » de Sibérie

Certains objets en ivoire vendus au Cambodge seraient en réalité fabriqués à partir de mammouth provenant de la toundra arctique.
Gavin Butler
Melbourne, AU
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
Une défense de mammouth près du lac Taïmyr​, en Sibérie.
Une défense de mammouth près du lac Taïmyr, en Sibérie. Image via l'utilisatrice Flickr Johanna Angar, CC licence 2.0

Alors que l’étau se resserre autour du commerce international de l'ivoire, les trafiquants se ruent vers « l'ivoire des glaces » préservé dans le pergélisol de Sibérie. Une alternative improbable quoiqu’étonnamment disponible. Les squelettes de mammouth laineux sont relativement communs dans toute la région de la Yakoutie, au nord de la Sibérie, selon un rapport de l'AFP. Et au moins une partie de ces restes se trouve maintenant entre les mains de vendeurs d’objets en ivoire au Cambodge.

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Les tests ADN effectués sur certains de ces objets dits « en ivoire » ont montré que nombre d'entre eux étaient en réalité fabriqués à partir de défenses de mammouth. Les chercheurs, dirigés par le Dr Alex Ball de la Société royale de zoologie de l’Écosse, examinaient ces bibelots dans l’espoir de remonter jusqu’aux sites de braconnage et de protéger les populations d’éléphants menacées, rapporte la BBC. Étant donné que le Cambodge se trouve sur une importante route de contrebande de l’ivoire entre l’Afrique et l’Asie, M. Ball et son équipe s’attellent à créer un laboratoire de génétique afin de pouvoir suivre efficacement les mouvements de ces objets.

« À notre grande surprise, nous avons trouvé des échantillons de mammouths dans des objets en ivoire vendus au Cambodge, qui est pourtant un pays tropical, explique le Dr Ball. Cet ivoire a donc été creusé dans le sol de la toundra arctique. Les commerçants le promeuvent comme de l'ivoire d'éléphant, mais il s’agit en réalité d’ivoire de mammouth. »

C’est un abus de langage important, dans la mesure où les mammouths – contrairement aux éléphants – ne sont pas couverts par les accords internationaux relatifs aux espèces menacées d’extinction, la raison étant qu’ils sont éteints et ne sont donc pas en danger à proprement parler. C’est ce vide juridique qui est au cœur de la « ruée vers le mammouth » : un moyen de prendre part au commerce lucratif de l’ivoire sans violer les lois sur la protection des animaux. En outre, les autorités estiment que 500 000 tonnes de défenses de mammouth parfaitement conservées sont actuellement enfouies sous les champs de glace de Yakoutie. L'offre est donc élevée et des produits de bonne qualité pourraient être vendus en Chine à plus de 1 000 dollars le kilo.

D’un point de vue optimiste, c'est une bonne chose pour les éléphants qui vivent et respirent en Afrique et en Asie. C’est une alternative raisonnable à l’ivoire en cela qu’elle ne nécessite pas d’effusion de sang et peut donc être un moyen efficace d’atténuer le danger qui pèse sur les espèces menacées. Prokopy Nogovitsyn collectionne les défenses yakoutiennes. Elle insiste sur le fait que « les os de mammouths morts sauvent des éléphants vivants… Il est donc important de les rassembler, à la fois pour nous et pour l'Afrique ». Certains paléontologues soutiennent également le fait que de nombreux collectionneurs découvrent d’autres spécimens préservés dans le pergélisol et les donnent à la science.

Les détracteurs craignent toutefois que le commerce de tout type d’ivoire, quelle que soit son origine, nourrisse le marché et stimule la demande de biens réels ou, d’autre part, incite les commerçants à faire passer les défenses d’éléphants pour des défenses de mammouths.

Selon la BBC, les éléphants d’Asie sont actuellement classés parmi les espèces en voie de disparition et le Cambodge compterait entre 250 et 500 spécimens sauvages. Les éléphants d'Afrique sont classés comme vulnérables, ce qui signifie qu'ils risquent de devenir une espèce en voie de disparition si les circonstances ne changent pas.

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