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Montreal

Les policiers de Montréal ne veulent pas porter de caméra

Dans le rapport sur le projet-pilote des caméras portatives du SPVM, les policiers disent avoir le sentiment d’être « surveillés » et craignent que les enregistrements vidéo soient utilisés contre eux.
Les policiers de Montréal ne veulent pas porter de caméra
Photo Denis Beaumont/ La Presse canadienne

Le projet-pilote de caméras portatives au SPVM n’est pas concluant, selon un rapport du Service de police mis en ligne mardi. De mai 2016 à avril 2017, 78 policiers des arrondissements du Plateau-Mont-Royal, de LaSalle et de Montréal-Nord ont porté des caméras portatives.

« L’expérience du projet n’a pas permis de démontrer sans équivoque que les caméras portatives favorisent la transparence des interventions policières, consolident le lien de confiance entre le policier et le citoyen et assurent la sécurité des policiers », conclut le rapport.

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Parmi les raisons invoquées par les policiers, il y a notamment le fait que l’activation manuelle des caméras « présente certains défis en situation d’urgence, de danger ou d’imprévisibilité ». Certains policiers disent que le fait de devoir allumer eux-mêmes la caméra peut détourner leur attention, et qu’il n’est pas toujours possible de l'allumer s’ils sont dans une situation d’urgence, pendant laquelle ils doivent donner la priorité à l’intervention.

Selon les policiers, la caméra contribuerait également à instaurer une distance avec les citoyens, en rendant la relation plus impersonnelle. Le policier est tenu de prévenir le citoyen qu’il est filmé, et plusieurs policiers ont trouvé que les gens étaient plus réticents à parler librement ou à transmettre de l’information sachant qu’ils étaient filmés. Le rapport précise pourtant que la plupart des citoyens se sont dits indifférents au fait d’être filmés.

Ils trouvent que la caméra rend les interventions plus procédurales, le niveau de langage moins familier et qu’elle réduit leur capacité à personnifier une police de quartier et de proximité.

Une autre conclusion du rapport stipule que 89 % des policiers déclarent avoir le sentiment d’être surveillés avec l’arrivée de cette caméra portative. « Ce sentiment modifie leur pratique et certains vivent la mise en place de cet outil comme une intrusion, un manque de confiance à leur égard et une atteinte à leur vie privée au travail, dit le rapport. Plusieurs craignent que les enregistrements vidéo ne soient utilisés contre eux. »

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Près de la moitié des policiers qui ont utilisé la caméra considère aussi qu’elle réduit leur recours au pouvoir discrétionnaire, cette liberté qu’ont les policiers de choisir entre plusieurs décisions, selon ce qu’ils estiment être le plus juste en fonction de la situation.

La SPVM estime qu’un déploiement des caméras portatives coûterait 24 millions de dollars par an, un montant qui représenterait près de 4 % du budget de fonctionnement du SPVM en 2018.

Si certains rapports sur les caméras portatives dans la police prouvent que la caméra fait retomber la pression et la tension entre policiers et citoyens, le principal problème demeure que les caméras ne peuvent être allumées qu’à l’initiative des policiers.

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En 2017, une enquête du LA Times montrait que les interventions les plus controversées au cours desquelles des policiers de Los Angeles ont eu recours aux armes à feu n’avaient pas été filmées. Plus récemment, des policiers de Sacramento ont fait feu à 20 reprises sur Stephon Clark, un jeune homme noir de 22 ans, parce qu’ils pensaient qu’il tenait une arme dans sa main. Les enquêteurs n’ont trouvé qu’un téléphone portable près de son corps. Sur les deux vidéos des caméras portatives des policiers, on entend un d’entre eux dire aux autres « Hey, coupe le son ». La vidéo devient alors silencieuse, et les policiers commencent alors à discuter entre eux.

Le SPVM présentera les conclusions de ce projet-pilote vendredi à l’hôtel de ville de Montréal.