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Peut-on gérer les catastrophes naturelles grâce aux réseaux sociaux ?

Une étude montre que les réseaux sociaux sont parfois plus efficaces que les agences gouvernementales pour cartographier les dégâts consécutifs à une catastrophe d’origine naturelle ou humaine.
Image: Wikimedia

Dans les semaines qui ont suivi la dévastation de la Nouvelle-Orléans par l'ouragan Katrina, en 2005, l'Agence fédérale des situations d'urgence américaine (FEMA) a subi des contrôles minutieux : ses opérations de secours avortées ont laissé des milliers de personnes en détresse, les privant d'un accès aux premiers secours, d'un abri et d'un ravitaillement. Or, tout cela, la FEMA était chargée de leur fournir.

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Évidemment, la FEMA a avancé de multiples excuses pour justifier son incapacité à fournir une assistance convenable aux habitants de la Nouvelle-Orléans. Cependant, on ne peut s'empêcher de se demander si elle aurait sayvé davantage de vies en exploitant les réseaux sociaux, qui peuvent constituer un outil inestimable à la fois pour les victimes et pour les secours.

Ces dernières années, les réseaux sociaux sont devenu un outil puissant et polyvalent pour les populations. Des révolutions égyptiennes aux manifestations newyorkaises en passant par la crise provoquée par l'ouragan Sandy, Facebook, Twitter et consorts ont régulièrement été mis à contribution. Ils permettent de rechercher des personnes disparues ou de répartir la distribution de produits de première nécessité, par exemple. Quand Katrina a frappé la Nouvelle-Orléans, Facebook était en ligne depuis un an seulement et Twitter n'émergerait pas avant sept mois. Auraient-ils pu contribuer à atténuer les conséquences de la catastrophe Katrina ? Il est très difficile de se prononcer avec certitude, mais selon une étude publiée vendredi dans Science Advances, la réponse est probablement oui.

Dans l'éventualité d'une nouvelle catastrophe, la FEMA a réalisé des modélisations complexes qui prennent en compte la géographie, les infrastructures d'un territoire donné, et les conséquences possibles de différents types de catastrophes. Le but est de déterminer où et à quel niveau porteraient les dégâts les plus sévères. Cela permet à l'organisation de coordonner les opérations de secours et de gestion de catastrophes de la manière la plus efficace possible. En théorie. Comme les Etats-Unis ont pu l'observer à la suite de l'ouragan Sandy en 2012, puis à la suite de Katrina, une mauvaise cartographie de la catastrophe peut ralentir l'intervention des secours de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. Pour sauver davantage de vies, les secours ont besoin de meilleures cartes.

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Selon une équipe de chercheurs menée par Yury Kryvasheyeu du Centre de recherche d'excellence en information et communication australien, l'une des meilleures façons de cartographier un territoire à la suite d'une catastrophe naturelle est d'analyser les tweets qui évoquent l'événement. En fait, utiliser des tweets pour prédire quelle forme qu'emprunteront les dégâts est susceptible de donner des résultats plus précis que la modélisation de données complexe utilisée par la FEMA.

Pour arriver à cette conclusion, l'équipe a examiné tous les tweets postés entre le 15 octobre et le 12 novembre 2012 en référence à l'ouragan Sandy au moyen des mots-clés suivants : « ouragan », « Sandy », « Frankenstorm », « inondation. » Si certains de ces tweets étaient déjà géolocalisés, d'autres ne l'étaient pas. Les chercheurs ont dû analyser les comptes de leurs auteurs pour déterminer où ils avaient été émis. Une fois la collecte de données achevées, l'équipe disposait de près de 10 millions de tweets provenant de plus de 2 millions de comptes Twitter.

De fait, l'analyse de ces données a montré que les personnes les plus touchées par l'ouragan étaient les plus susceptibles d'en parler sur Twitter. Afin d'éviter les biais et les variables externes qui pourraient fausser les données en question (les annonces des médias peuvent susciter des peurs irrationnelles chez les personnes qui ne sont pas ni directement ni gravement touchées par la tempête, par exemple), l'équipe a comparé sa carte de tweets avec les données sur les dégâts de l'ouragan Sandy recueillies par la FEMA et par les États de New York et du New Jersey.

C'est en effectuant cette comparaison qu'ils ont découvert que Twitter était plus efficaces que les modèles de la FEMA pour prédire la localisation et la sévérité des dégâts occasionnés par l'ouragan.

Ces résultats encouragent à utiliser les réseaux sociaux lors des catastrophes d'origine naturelle ou anthropique. Mais avant que la FEMA, et d'autres organisations similaires, n'abandonnent leurs propres modèles en faveur de la modélisation via réseaux sociaux, il faudra poursuivre les recherches pour éliminer toutes les variables qui pourraient biaiser les résultats (les bots Twitter, par exemple). Il ne faut pas non plus oublier que seule une partie des citoyens utilise activement les réseaux sociaux. En outre, si des études similaires sont effectuées avec Facebook, qui dispose d'une base d'utilisateurs plus large, les informations que l'on pourrait en tirer seront sans doute plus précises et plus utiles pour faciliter le secours aux sinistrés.

« La corrélation que nous avons observée n'est pas uniforme ; sa force dépend des événements étudiés. Aussi, nous devrons prendre de nombreuses précautions avant d'envisager une application systématique de ce genre de méthode, » écrivent les chercheurs. « Cependant, nous pensons qu'elle peut être affinée et renforcée par la combinaison de plusieurs approches traditionnelles. Nos résultats suggèrent que, lors d'une catastrophe, il faut prêter attention aux niveaux d'activité normalisés sur les réseaux sociaux, au taux de création de contenu original, et au taux de rediffusion de contenu afin d'identifier les zones les plus touchées en temps réel. »