Voici ce qu’il se passe quand on met des gamins dans une expo d’art contemporain

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Culture

Voici ce qu’il se passe quand on met des gamins dans une expo d’art contemporain

150 enfants de 5 à 11 ans avec des pinceaux, pendant deux heures face à 12 œuvres. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?

À l'occasion de l'exposition « Une inconnue d'avance » à la Villa Emerige, 150 enfants sont invités à découvrir les œuvres des 12 artistes présentés et à participer à des ateliers de création, pinceaux à la main.

Il fait froid et les enfants ont le nez qui coule. Un goûter les attend. Ils sont un peu perdus mais la visite guidée commence. Ils tentent de prendre leurs marques. Ils se toisent. Ils ne se connaissent pas, mais bon, ça se fait vite à cet âge-là. Quelques fraises Tagada et un jus d'orange plus tard, le groupe est invité à rentrer dans la première salle du parcours. C'est face aux sculptures de l'artiste Ugo Schiavi que la médiatrice commence. « Qu'est ce que vous voyez ? » Au début, ils sont timides et personne ne se risquera à prendre la parole.

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Elle poursuit. « À quoi vous font penser ces fragments accrochés au mur ? » « À des fouilles archéologiques ! » lance Marine, 8 ans. Ils voient tout si on les guide. Il faut les mettre sur une piste, puis ils la dévalent avec leur imagination. Arthur, 4 ans se mouille : « Ils sont tout nus ». Une petite fille de 5 ans se demande si les statues n'ont pas froid, elles aussi. Ils sont nus oui, « c'est un motif de la statuaire grecque, la nudité ». « Mais ils sont vivants ? » Non ce sont des représentations de l'homme. Ils ont entre 5 et 11 ans et pour les plus jeunes, les œuvres d'art pourraient se mettre à bouger devant eux, cela ne les étonnerait pas plus que ça.

Plus loin, la série de Johanna Benaïnous et Elsa Parra déstabilise leurs perceptions. Personne, pas même les plus grands d'entre eux, ne croit au fait qu'il ne s'agisse que de deux femmes qui se griment. « Ce sont des personnes différentes à chaque fois ! La preuve, là c'est un garçon » affirme l'un face à Elsa, coupe garçonne, quand l'autre s'approche des photographies pour vérifier qu'on ne lui raconte pas des sornettes. « Ah oui, regarde Alban, c'est les mêmes avec parfois des perruques. Elles aiment se déguiser comme moi en fait. » Un peu honteuse, main sur la bouche, une petite fille avoue en marmonnant qu'elle met les escarpins de sa maman, en douce.

Oui, précisément, les deux jeunes artistes de ce duo exposé au Salon de Montrouge et félicitées des Beaux Arts, se fondent dans des personnages, ici en banlieusarde white trash, là en ménagère esseulée dans une cuisine. « Vous aussi, vous pouvez vous déguiser chez vous si vous voulez, dans votre chambre », commente la médiatrice. « Pas que dans notre chambre, dans le salon aussi ! »

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A l'étage les attend l'installation du lauréat, Edgar Sarin. C'est une pièce plongée dans le noir qui les accueille. La bougie là d'ordinaire pour éclairer l'installation a fondu comme neige au soleil. Alors les enfants en profitent pour jouer à se faire peur dans cette douce obscurité. Un briquet apporte une lueur et les ombres chinoises commencent à flotter sur les murs. « Regardez les bris de verre noir sous le cadre, avant on ne pouvait pas discerner le message écrit derrière. » Arthur brise le silence : « Moi je pense que l'artiste a fait exprès de tout casser pour se faire remarquer ou alors il était vraiment très en colère. » La scène offerte à leurs yeux est digne d'un tableau de Magritte. Le surréalisme à leur portée. « Vous connaissez la phrase "Ceci n'est pas une pipe ?" » « Oui, c'est parce qu'il y a l'image et la réalité », s'aventure Mona. La vérité sort de la bouche des enfants.

Certaines fulgurances sont plus conceptuelles que les œuvres présentées. La visite débouche sur un atelier pédagogique et créatif. Allez, tout le monde en cercle par terre autour de l'artiste Sophie Kitching pour coller, selon une technique japonaise, de la feuille d'or sur leurs jouets. Chacun a apporté son camion, sa poupée, son doudou. « Je peux mettre de la feuille d'or sur la bouche de mon lapin ? » Le sol ressemble de plus en plus à une exposition d'Annette Messager. Avec leurs pinceaux, ils enduisent de colle leur lego fétiche, sérieux et appliqués. « C'est beau, elle ne sera plus jamais comme avant ma poupée. »

Pour en savoir plus sur ce genre de programmes pour enfant, rendez-vous sur Art Kids Paris. Et allez faire un tour à la Villa Emerige, à Paris, voir l'expo « Une inconnue d'avance ».

Léa est sur Twitter.