FYI.

This story is over 5 years old.

Tech

Les premières images d'un putain de ver d'un mètre de long

Sérieusement, matez ce truc. Et reculez loin, très loin.

Des coquilles de vers géants - des tarets - de plus d'un mètre de long ont été recensées dès la fin du 18ème siècle, mais ces vers d'un genre très particulier ont jusqu'ici réussi à passer plus ou moins inaperçus et à échapper aux chercheurs. Mais désormais, des scientifiques sont parvenus à mettre la main sur l'un de ces tarets - qui s'était caché aux Philippines - et à l'étudier de près.

"Cela fait longtemps que nous savons que ces créatures existent", m'a expliqué par téléphone Daniel Distel, directeur de l'Ocean Genome Legacy, une organisation de recherche marine rattachée à l'université Northeastern de Boston. Il est le co-auteur d'un nouvel article décrivant en détails le taret, publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. "Cela fait vingt ans que je les traque. J'étais comme fou la première fois qu'on en a vu."

Publicité

Le Kuphus polythalamia que Distel et ses collègues chercheurs ont trouvé et étudié passe actuellement ses journées dans un petit bassin artificiel à Mindanao, entouré d'une forte odeur d'oeufs pourris. Mais ce n'est pas pour le torturer : la boue riches en matières organiques dans laquelle il vit dégage du sulfure d'hydrogène, que le taret (une espèce de mollusque bivalve vivant dans l'eau salée) consomme pour survivre - contrairement à d'autres vers du même type, qui se nourrissent de bois.

Margo Haygood discute de tarets avec Rande Dechavez et Julie Albano de la Sultan Kudarat State University. Image: Marvin Altamia

Distel et ses collaborateurs se sont lancés à la poursuite de cette espèce étonnante après la diffusion d'un documentaire montrant des coquilles de K. polythalamia à la télévision philippine, qui leur avait donné de précieux indices sur la localisation des vers.

L'une des auteurs de l'article, Margo HaygoodMargo Haygood, était présente la première fois qu'un K. polythalamia vivant, en excellente condition, a été disséqué en laboratoire en 2011 (ce spécimen, et d'autres comme lui, sont toujours étudiés depuis). Elle a tout filmé.

"C'était incroyable de voir à quel point ils sont puissants et pleins de vie, raconte Haygood, professeure à l'université de l'Utah. On peut voir Dan Distel sortir ce qui ressemble à un long tube, qui ne s'arrête jamais ; ce sont des animaux gigantesques."

Elle raconte également que les chercheurs ont d'abord été très étonnés par la méthode d'alimentation de cet étrange animal. L'extrémité de la coquille, où se trouve sa bouche, est fermée - ce qui indique que l'animal n'utilise pas sa bouche pour manger.

Publicité

La bouche d'un taret géant. Image: Marvin Altamia

"La solution à ce mystère nous est apparue après des années de travail et d'étude : ces vers ( K. polythalamia) possèdent des bactéries qui vivent à l'intérieur de leur corps et produisent leur nourriture, explique-t-elle. Mais nous ne savons pas comment le sulfure, le gaz qui se dissout dans l'eau de mer, est ingéré par l'animal."

Les chercheurs ont découvert que ce taret se nourrit de sulfure d'hydrogène et de dioxyde de carbone, explique Distel. Pour ce faire, le K. polythalamia a besoin de posséder des bactéries chimioautotrophes (produisant de l'énergie à partir de substances inorganiques) dans ses branchies.

Pour l'heure, les chercheurs n'ont étudié que cette population précise de K. polythalamia, mais Haygood explique que les coquilles ont été ramassées dans différentes régions des Philippines et ailleurs dans le bassin Indo-Pacifique, ce qui laisse penser qu'il y en a d'autres à trouver dans ces zones. Et qu'il reste beaucoup de questions sans réponses.

Un chercheur extrait le ver de sa coquille. Image: Marvin Altamia

"Vivent-ils dans la boue dès leur plus jeune âge, ou grandissent-ils dans le bois avant de migrer vers la boue ? À quelle vitesse grandissent-ils ? Quand nous récupérons l'un de ces animaux qui mesure plus d'un mètre de long, a-t-il cinq ans, ou 100 ans ?"

Les chercheurs souhaitent aussi en apprendre davantage sur l'habitat du K. polythalamia. La plupart des animaux qui vivent dans un environnement comparable sont très petits, selon Distel, contrairement au K. polythalamia, dont la taille moyenne est à peu près équivalente à celle d'une batte de base-ball mais dont certains spécimens sont nettement plus gros. "Je fais 1,62m et j'ai déjà vu des spécimens plus grands que moi", raconte Haygood.

Selon elle, cette découverte ouvre des décennies de recherches pour les scientifiques.

En attendant, bonne baignade à tous !