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Moi, Français de 42 ans accro aux stickers de skate

Cet article a initialement été publié sur VICE.

Depuis à peu près que le skateboard existe, les marques de skate utilisent des autocollants à l’effigie de leurs plus beaux graphismes de planches afin de s’assurer une clientèle sur le long terme, voire, à vie. Mickaël « Jason » Plasse, légende du skate français d’époque, en a fait les frais. Il collectionne lesdits stickers depuis 1988 et n’a jamais cessé, ce qui implique que près de trois décennies plus tard, ce Lyonnais possède quelque 5 000 stickers de skateboard dans sa maison. Tous sont soigneusement rangés parmi plusieurs tas de boîtes de chaussures fleurant bon la colle néoprène, tandis que les plus beaux, rares ou prestigieux, sont disposés à la vue de tous dans une vingtaine de cadres.

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Objet promotionnel gratuit que l’on s’applique à coller pendant des heures avant de le réduire en poussière trois minutes après sur quelque bordure de trottoir, le sticker – surtout lorsqu’il provient de l’âge d’or du graphisme skate : du milieu des années 1980 à 1995 – est peu à peu devenu un objet de culte pour la plupart des skateurs. Il l’a toujours été, en fait. Rares sont les mags de skate d’aujourd’hui qui ne basent pas leur attrait sur une note de type « Free stickers inside » en couverture, tandis qu’une poignée de vieux gâteux se souvient encore des trois numéros de l’infâme mag tout en autocollants Stickers Skatede 1990, lancé par une boîte d’édition opportuniste ayant embauché un bataillon de manchots daltoniens sous PCP en guise de graphistes.

Mais du coup, un Santa Cruz vaut-il deux World Industries ? Comment, pourquoi, et au prix de quelles folies ? J’ai demandé à Jason de m’en dire au sujet de sa passion, et en réalité, ce n’est pas si compliqué.

VICE Sports : Salut Jason. Depuis quand collectionnes-tu les stickers de skateboard ?
Mickaël “Jason” Plasse
: J’ai commencé à travailler dans le premier skate-shop lyonnais, le Surplus Ainay, en 1988 – avant de le reprendre en 1992. J’ai toujours bossé dans des skate-shops jusqu’à aujourd’hui. Et le truc des skate-shops, c’est qu’à l’époque, on te filait des stickers gratos lorsque tu achetais du matos. Du coup, très vite, on s’est mis à en gratter tout le temps à notre boss. Je ne me souviens pas du premier sticker que j’ai voulu conserver, mais ça devait sûrement être un Santa Cruz.Quand j’ai commencé à bosser au Surplus, personne n’avait le droit d’ouvrir les sachets de stickers avant moi. Pendant longtemps, ma devise fut donc : ne jamais en acheter.

Et puis tu as craqué. Quel est le premier que tu as acheté, alors ?
C’était aux États-Unis. Car de fait, ces radins, ils te les vendent les stickers. J’étais à Venice et il y avait ce skate-shop dont la porte était farcie de stickers Santa Cruz, des vieux. Ils en avaient encore pas mal d’époque donc j’en ai achetés plusieurs ce jour-là, deux dollars pièce – ça devait être en 1992.

Ça intéressait d’autres personnes à l’époque ?
En fait à cette époque tout le monde s’en foutait un peu, mais des bouquins comme The Disposable Skateboard Bible de Sean Cliver ont vraiment lancé ce truc de nostalgie. Vers 2003 ou 2004, avec toutes ces discussions autour du old school, j’ai rouvert mes boîtes. J’avais longtemps laissé tomber. J’ai mis une affiche au shop, qui disait : « Recherche tout vieux sticker années 1990 », dans le but de faire du troc avec d’autres mecs.

Et ça a marché ?
Eh bien, ça m’a ramené pas mal de stickers Vision – plein de mecs étaient sponsorisés par cette marque à l’époque. Mais surtout, j’ai commencé à acheter sur eBay afin de compléter ma collection, et pour en revendre un peu aussi. Bizarrement, je vendais pas mal de vieux stickers Burton Snowboards, ce qui tombait bien car le snow n’a jamais été mon truc.

Quelles sont les pièces dont tu demeures le plus fier aujourd’hui ?
Difficile à dire. Il y aurait la série des trois Powell Peralta de 1986 : Tony Hawk,Steve Caballero, Lance Mountain. Pour l’artwork de VCJ, plus le fait que j’ai toujours vu ces mecs depuis mes débuts et qu’ils sont encore au top trente ans plus tard.Puis je ne sais pas, j’ai toujours eu un faible pour Santa Cruz. C’est pourquoi je dirais aussi le sticker de la planche de Jason Jesse, de 1988.

D’une manière pragmatique, qu’est-ce qui fait objectivement la valeur d’un sticker ?
Premièrement :l’artiste qui le crée. Puis, la marque – surtout si c’est la marque culte d’une époque. Et enfin, le nom du skateur associé à cette déco. Par exemple, tous les trucs de Jim Phillips pour Santa Cruz. Ou tous les trucs de chez World Industries datant du début des années 1990. Des marques comme Zorlac aussi [graphismes par Pushead, connu aussi pour ses pochettes de Metallica, N.D.L.R.], ou Sims. Sur Sims, la pièce à avoir c’est celle de Christian Hosoi : ayant ridé chez eux très peu de temps, il existe peu de stickers de lui.

Et puis il y a la série des canards pour Mike Vallely, sortie en 1991 : ce sont ceux que j’ai payés le plus cher sur eBay. J’avais mis une enchère de 400 euros à la dernière minute, pour être sûr de l’avoir.

Quels sont tes plus gros coups, selon toi ?
Le plus rare, je dirais que c’est celui de Kevin Ancell pour la déco d’une board de Natas Kaupas datant de 1985. J’ai dû le choper à moins de 20 dollars. Et puis il y a la série des canards pour Mike Vallely, sortie en 1991 : ce sont ceux que j’ai payés le plus cher sur eBay. J’avais mis une enchère de 400 euros à la dernière minute, pour être sûr de l’avoir mais quelqu’un d’autre a dû faire pareil et je l’ai perdu ; au final je l’ai payé, plus tard, 150 euros – au lieu de 30. Sur le coup j’étais dégoûté. Mais je ne regrette pas, au moins j’ai la série complète.

Tu as souvent fait ça, renchérir au dernier moment pour choper une pièce rare ?
À un moment, il m’arrivait de mettre mon réveil au milieu de la nuit juste pour gagner une enchère. Au début, un sticker culte coûtait en moyenne 10 dollars sur eBay. Aujourd’hui la moyenne tourne plutôt autour de 20. Là, je viens de voir un très rare passer : un Santa Cruz de Jason Jesse en Elvis à 30 dollars en début d’enchère ! Après tout n’a pas besoin d’être méga rare non plus : le groslogo Spitfire avec la tête enflammée demeure l’une de mes pièces cultes alors qu’on le trouve partout. Je l’ai toujours utilisé, collé partout. Je l’ai même fait peindre sur des casques de moto.

Y a-t-il un Graal qui t’échappe toujours ?
Quelques-uns, oui. En 1992, la marque Plan B avait fait une série de planches avec les personnages de Star Wars, super-bien faits. Trouver les stickers tirés de cette série ce serait génial, mais en fait, je ne sais même pas s’ils existent.

Tu ne fais pas comme les diggers de disques, à la recherche de disques ayant été commercialisés dans des shops ayant fermé ?
Non, je me suis un peu calmé ces dernières années. D’autant plus que parfois, les trésors sont sous ton nez : un de mes plus beaux coups est venu de ma sœur, qui travaillait avec moi à une époque. Il y a quelques années donc, je vais chez elle et je lui dis : « Tiens, je ressors mes vieux stickers. » Elle me répond qu’elle a encore une boîte qui traîne chez elle. Elle me la donne, et dedans il y avait le vieux Tony Hawk original. J’étais refait. Ma sœur, quoi !

Seb n’est pas sur Twitter, mais il a un Facebook. Pour contacter le collectionneur Jason, c’est ici.