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Mondkopf vise plus que jamais l’imperfection


Photo – Grégoire Orio



Appartenant à la génération de l’après-French Touch, Mondkopf a surgi dans le paysage électronique en 2006 et, propulsé par son deuxième album (Galaxy of Nowhere, 2009), a rapidement décroché les étoiles – pas étonnant avec un pseudo signifiant « Tête de lune » dans la langue de Kraftwerk. Fermement positionné sur le versant le plus noir et expérimental de la force, il apparaît aujourd’hui comme l’un des fers de lance de l’électro made in France.

Sous le masque Mondkopf se cache Paul Régimbeau, Toulousain d’origine et Parisien d’adoption, qui entre dans la trentaine (il est né en 1986) sans donner le moindre signe d’essoufflement – bien au contraire. En mode hyperactif depuis 3 ou 4 ans, il mène plusieurs projets en parallèle de Mondkopf, partageant son temps et son énergie entre Extreme Precautions, Oiseaux-Tempête, Foudre !, Autrenoir et Violent Magic Orchestra (dernier projet en date, initié avec l’Américain Pete Swanson et les Japonais Vampilia).

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Quelques jours après le nouvel album de Foudre ! et quelques semaines avant celui d’Oiseaux-Tempête (à paraître le 14 avril chez Sub Rosa), se dresse dans l’actualité They Fall But You Don’t, splendide nouvel album de Mondkopf qui sort aujourd’hui 27 février. Divisé en six plages sombrement ardentes aux ondoiements magnétiques, il confirme l’orientation ambient prise sur le disque précédent (Hadès, 2014) et arrive pile pour les 5 ans d’In Paradisum, l’impeccable label que Paul Régimbeau dirige avec Guillaume Heuguet. 


Noisey : Tu as commencé à travailler sur ce nouvel album de Mondkopf au lendemain du 13 novembre 2015… Que s’est-il passé exactement ?
Paul Regimbeau : Ce jour-là, je me suis retrouvé seul chez moi, à Paris, en proie à plein de questionnements… Me mettre alors à faire de la musique, c’était vraiment un moyen de réagir, de me reconcentrer (car l’esprit a tendance à s’éparpiller dans ce genre de situations), de revenir vers ce qui est important pour moi. La musique a toujours été un moyen d’exorciser. J’ai allumé mes machines avec l’envie de jouer le plus naturellement possible, sans me prendre la tête comme je pouvais faire auparavant, en cherchant des sons ou des mélodies pendant des heures. J’ai commencé à enregistrer des morceaux simplement en appuyant sur Play et Pause, sans rien éditer après. C’est un processus créatif que je n’avais encore jamais expérimenté. Dans les différents projets auxquels je participe en parallèle, il existe une forte dynamique de groupe, qui a évidemment influé sur ma manière de concevoir cet album. Par ailleurs, depuis plusieurs années j’écoute énormément de musiques qui sonnent et sont conçues de manière très brute. Ça m’a nourri et aussi donné confiance pour tenter de faire la même chose.

Combien de temps t’a-t-il fallu pour finaliser l’album ?
Ça s’est fait en plusieurs mois, au gré de mes envies. Comme je n’avais pas de pression pour réaliser un nouvel album, je m’y mettais quand j’en ressentais vraiment le besoin – sans retoucher la matière générée. C’est arrivé à une période où je m’achetais pas mal de nouveau matériel – j’ai un peu la folie du hardware ces dernières années – et où je commençais à jouer dans Foudre ! J’ai éprouvé le désir de tester ce que je pouvais faire avec ces nouvelles machines – essentiellement des pédales d’effet et des synthés Moog – dans un rapport très instinctif. Ma musique a toujours été instinctive mais, même si je n’avais pas l’impression de tout maîtriser, le résultat final se révélait toujours très réfléchi, peaufiné. Avec ce nouvel album, c’est complètement différent. J’ai laissé les morceaux tels quels ou presque, en passant très peu de temps sur la production.

Qu’est-ce qui t’a convaincu de sortir ces morceaux ?
À la base, je ne pensais pas en faire un album. Je voyais ces morceaux plutôt comme des esquisses ou des expériences mais plusieurs personnes m’ont dit qu’ils valaient vraiment le coup et m’ont encouragé à les faire connaître. Selon moi, une musique avec des imperfections a quelque chose de plus organique, de plus vivant et s’écoute plus longtemps qu’une musique a priori sans défauts. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que ma musique atteint quelque chose de plus profond en moi.

De quelle manière envisages-tu de transcrire la musique de cet album en live ?
Je vais essayer de garder le même état d’esprit, de me laisser aller au maximum, de ne pas trop prévoir ce qui va se passer… en espérant qu’il se passe des choses intéressantes [Rires]. Cela va prendre une forme très contemplative, avec des morceaux plus longs – ce qui suppose de bonnes conditions techniques/acoustiques et une attention certaine du public. Quand je fais de la musique, je cherche à être dans une énergie particulière, j’ai besoin que la musique me transporte. L’improvisation permet de créer et de partager ce qui est créé sur le moment. Quand ça marche, ça permet de partir encore plus loin. J’ai vraiment envie de vivre davantage de moments comme ça en live, d’avoir une interaction très forte avec le public.

En dehors de Mondkopf, tu es désormais impliqué dans plusieurs projets, notamment Autrenoir.
Greg Buffier, qui forme le duo Saåad avec Romain Barbot, a d’abord joué avec moi en live. Vu que nous avions envie de créer de la musique ensemble, en marge de Mondkopf, nous avons monté Autrenoir, plutôt pensé comme un projet live. De temps en temps, nous enregistrons ce que nous faisons en live et nous sortons les morceaux directement sur internet via des clips réalisés par le vidéaste Grégoire Orio (alias As Human Pattern), qui contribue à part entière au projet. Pour le moment, nous n’envisageons pas de sortir d’album, nous voulons plutôt explorer d’autres modes de diffusion. Musicalement, le projet a déjà pas mal évolué, chaque live nous emmène potentiellement ailleurs. Nous allons aussi bientôt travailler avec une danseuse contemporaine, Hélène Rocheteau, sur une forme scénique, un peu improvisée, liant étroitement danse, vidéo et musique. A côté de ça, je m’investis de plus en plus dans  Oiseaux-Tempête. J’ai participé à l’enregistrement du nouvel album et je vais les accompagner sur la prochaine tournée, pour laquelle nous allons partir – dans une formation à quatre – avec des musiciens libanais.

They Fall But You Don’t sort aujourd’hui sur In Paradisum.