Music Reviews

HOAX

FAKE BLOOD

Videos by VICE

SOLANGE

BIG BOI


BIG BOI
Vicious Lies and Dangerous Rumors

Def Jam

Les mecs d’Outkast ont atteint un tel degré de divinité (ils sont actuellement au 8e seuil, soit juste derrière Chris Isaak qui est lui-même juste derrière Dieu) qu’ils ont décidé de ruiner chacun de leurs derniers albums solo en s’infligeant des handicaps ; là par exemple, Big Boi a convoqué sur plusieurs morceaux ce groupe merdique qu’est Phantogram et a choisi de prendre les prods les moins réussies qu’il avait à sa disposition. La pochette est d’une laideur à toute épreuve. Il en a tellement rien à foutre qu’il a même invité Wavves sur un morceau. Il a pourtant une nouvelle fois raté son coup et sans surprise, cet album est un classique instantané. « In the A » avec Luda et T.I déploie plus de gangster que les 26 dernières tapes de Gucci Mane compilées.

JIMMY MORE HELL


CHIEF KEEF
Finally Rich

Interscope

SOLANGE
True EP
Terrible Reccords BOOBA
Futur
Tallac

Booba est devenu de son vivant ce que 2pac a accompli depuis la mort : il est le souvenir d’un mec qui se fout torse nu à la première occasion, un poster humain sur lequel tout le monde a un avis, même Konbini. Tant et si bien que personne n’a vu que depuis quatre ans, Booba sortait des albums relou dans lesquels pour un morceau bien, on en comptait cinq autres qui ressemblent à des feux d’artifices, des trains fantômes, ou à l’un de ces petits plats italiens snobs à base de mollusques vendus sous vide dans l’élégante gamme Joël Robuchon. Ce n’est aujourd’hui que pour faire chier et contredire les petites fiottes prétentieuses dans mon genre que Booba, tout débardeur dehors, sort une fois de temps en temps des morceaux aussi géniaux que « Kalash ».

KELLY SLAUGHTER


KING LOUIE
Drilluminati

Lawless Inc.

Interview Show Hartley, cœurs à vif WU-BLOCK
S/T
E1


CASHMERE CAT
Mirror Maru EP
Pelican Fly

Le long tunnel de sweetness assistée par ordinateur qu’a été l’an 2012 s’est achevé par cet EP d’un Norvégien qui a décidé sur un coup de tête de convertir son patrimoine 8bit résiduel en matière vivante et humide, sorte de muqueuse digitale hyper accueillante. Tantôt kawaï, tantôt surdramatisant, le truc sonne comme un girl group prog’n’b mené par Harmanoïde, la pote robot de Cobra. Impossible d’avoir un morceau préféré, chaque fois on tombe dans de nouveaux petits pièges trop mignons qu’on n’avait pas vus avant, on chante les non-paroles comme si on les avait dans son cœur depuis 1989, et le final au clavinova sonne exactement comme une pub de Sakamoto.

ZARMAGEDDON


LE1F & BOODY
Liquid EP
Boysnoize

Chelou de signer un EP pour Boysnoize sans y placer une seule turbine familiale et d’y mettre quatre morceaux pas très engagés physiquement quand on attend de vous, en tant que jeune gay noir qui rappe et qui s’affirme, que vous payiez au moins votre refrain « bitchaaayyy » au lieu de vous noyer dans une piscine de sound design certes pas vraiment nulle mais en tout cas un peu mal placée. Mais du coup ça donne une sorte de ballroom/kwaito d’auteur, qui pourrait presque servir de maquette au prochain album d’un chanteur français dandy de plus de 50 ans se déclarant « contre toute attente fana d’electro ».

AUGUSTE BLANQUETTE


FALTYDL
Hardcourage
Ninja Tune

Si j’avais envie de rester coincée dans un ascenseur de verre pendant 50 minutes et 11 secondes, je pense que je ferais mieux d’habiter au dernier étage d’un gratte-ciel vertigineux dans la ville de Dubaï. J’aurais au moins la consolation de pouvoir faire des trucs aussi cons que payer mes baguettes de pain avec des liasses de billets ou de skier dans un centre commercial, plutôt que d’avoir le maigre sentiment de me diriger tout droit vers la planète Chiante.

LE PEUPLE DE LERNE


XXYYXX
S/T
Bandcamp

J’ai l’impression qu’entre XXYYXX, oOoOO et autres conneries onomastiques de type Knxwledge, de plus en plus de mecs qui font de la musique sont tellement enracinés dans Internet que leur nom n’est même plus destiné à être prononcé, et je m’inscris en faux contre cette récusation grammatologique de l’oralité, parce qu’il est pas question que je laisse des adolescents se fourvoyer et que dans ce genre de situation, il est de mon devoir de contribuable de prendre cinq minutes pour expliquer à la chillwave qu’elle se trompe quand elle essaie d’inciter l’Internet à avoir du recul sur lui-même et des idées, et qu’elle se ferait moins chier si elle admettait avec le reste du monde que l’Internet c’est bien seulement aussi longtemps qu’il ne pense à rien et qu’il ne dépasse pas le premier degré.

HUBERT MENSCH

FAKE BLOOD Cells Different


HEAVY TIMES
I’m Single 7″
HoZac

HOAX
3rd EP
Painkillers

L’un des meilleurs trucs créé des mains de l’homme ces mille dernières années, à égalité avec le pain. J’ai fait écouter ça à mon collègue Loïg, et bien qu’il soit en ce moment même pris par la rédaction d’un communiqué de presse pour une célèbre marque de vodka, il m’a dit qu’il avait simultanément envie de se masturber et de frapper un inconnu, ce qui est vraisemblable dans la mesure où Hoax ressemble à un plunderphonics de Motörhead, Burzum et Integrity. L’écouter en MP3 avec des écouteurs de walkman est encore mieux, vous avez l’impression d’entendre un sifflement quand la musique s’arrête.

MOB MARLEY

BASEMENT Colourmeinkindness Run For Cover VIOLENT REACTION
S/T 7″
Static Shock

J’ai jamais trop compris le délire straight-edge. S’interdire volontairement de boire, fumer et piner est un geste qui m’a toujours paru louche. Mais comme ça fait maintenant trois semaines que je suis cloîtré dans ma chambre à bosser sur mon mémoire à la con en cliquant sur Not Attending à chaque invitation Facebook, je commence à intégrer d’où ces mecs tirent leur dégoût de l’humanité. Pressé par l’envie et contré par le système, je suis moi aussi à deux doigts de porter des bermudas kaki pour partir en guerre contre tous ceux qui auront l’impudence de s’amuser devant moi.

JOHN & SARAH CONNARD

CORROSION OF CONFORMITY
Megalodon
Scion A/V


BIKINI KILL
Bikini Kill EP
[réédition/20e anniversaire]

Dischord

Un jour, je me suis pointé à une partouze dans une banlieue blanche parisienne un peu glauque. Le grenier géant de la baraque était investi de gens à poil plus ou moins beaux mais sans réel intérêt. J’avais beau avoir à côté de moi une meuf vraiment très jolie qui portait un diadème et se prenait les doigts d’un inconnu dans la chatte en roucoulant, je n’arrivais pas à décrocher mon regard de cette espèce de meuf informe au corps à la fois fort et mou et cheveux rouges à la coupe dégueulasse qui ressemblait à une version réaliste de Tank Girl. Cette meuf hurlait de plaisir ou de rage en se faisant fister debout et en éjaculant tout ce qu’elle pouvait à la gueule du responsable. Ce jour-là, j’ai arrêté de fantasmer sur Bikini Kill et j’ai préféré ne garder que le souvenir de leur musique que toutes les jeunes meufs devraient écouter au moins une fois comme on lit un jour Beauvoir et comme tous les jeunes mecs devraient écouter au moins une fois Minor Threat et lire, je sais pas moi… Stephen King.

IAN McLANE


DIGNAN PORCH
Nothing Bad Will
Ever Happen

Captured Tracks

Si j’avais été encore ado et amoureux d’une fille au pair suédoise, j’aurais sûrement adoré cet album que j’aurais acheté rien qu’en voyant la pochette sur le présentoir des disques en écoute chez Gibert avant d’aller retrouver ma meuf qui sortait de ses cours de français à la Sorbonne. Mais on est en 2013, je sors d’un mois de trithérapie d’urgence parce que j’ai baisé sans capote une meuf qui revendiquait être une ancienne maîtresse de DSK et après que je lui ai joui sur le cul, elle m’a regardé dans les yeux en me disant que je ne l’oublierais jamais. Je suis déjà surpris de l’avoir encore en tête tant ce rapport manquait d’ivresse érotique, mais cette histoire m’empêche de croire au titre plein d’espoir de l’album de Dignan Porch. Je ne partage pas votre goût de l’avenir les gars et j’aimerais être aussi sûr d’oublier cette meuf que je sais que j’oublierai votre musique plutôt sympa quand je l’aurai virée de mon disque dur.

HARDCOREY FELDMAN

MOGWAI
A Wrenched Virile Lore Sub Pop

C’est chiant de devoir chroniquer un album de Mogwai, surtout que la politique de la maison nous force à avoir un avis en choisissant entre un visage heureux qui tend à faire croire que cet album peut illuminer une journée ou un vomi qui est la traduction graphique de l’expression « je préfère être sourd que d’entendre ça ». C’est encore plus chiant quand il s’agit d’un album de remixes parce que la magie de la « cohérence » cède poliment sa place à des « influences diverses », ce qui donne un fourre-tout auditif qui ne m’inspire pas grand-chose. En définitive, cet album pourrait très probablement servir de bande originale à ma propre vie : de longues périodes d’ennui, des échecs flagrants et quelques bons moments qui font penser qu’après tout, autant attendre que ça finisse tout seul plutôt que d’y mettre un terme soi-même. On sait jamais, on pourrait rater quelque chose d’intéressant.

JAY DU REATARD

FIDLAR
S/T
Wichita

À l’image de nombreux groupes de garage-rock dont les morceaux de 79 secondes sont dédiés aux space cakes, les mecs de FIDLAR consacrent la majeure partie de leurs journées à des activités inutiles, comme fabriquer des planches de surf et réaliser des clips granuleux qui mettent en scène La Faucheuse en train de skater dans des déserts du Moyen-Orient. Malgré leurs efforts pour prôner la procrastination avec la ferveur d’un groupe de fanatiques religieux, ils se situent dans une étrange zone grise de colère modérée qui me pousse quand même à leur attribuer un Smile – principalement parce qu’ils semblent être restés au stade d’enfants attachants et que je n’ai aucune envie qu’ils viennent gonfler les rangs de ces pigneurs d’adolescents à problèmes.

BLACK SHABBAT

SURAHN
Surahn EP
DFA

Eh c’est bon là, j’ai pas arrêté d’écouter Radio Nova il y a dix ans pour me retrouver avec cette merde à chroniquer !

ÉDOUARD BLAER

EX-CULT
S/T
Goner

J’aime bien ce genre de musique mal enregistrée qui a l’air de sortir d’un blogspot qui répertorierait les groupes les plus obscurs ayant enregistré des cassettes éditées à cinq exemplaires entre 1980 et 1981. J’aimerais bien qu’un jour mon fils arrive en me disant qu’il a découvert un groupe comme ça et qu’il a trouvé ça extraordinaire. Qu’au concert où il les a entendus dans une petite salle du 13e arrondissement, il a rencontré la femme avec laquelle il sait qu’il mourra, non sans avoir fondé au préalable une famille dans un coin reculé des États-Unis, celui-ci découvert lors d’un road-trip improvisé quelques mois plus tôt. À cause de l’éloignement, on ne communiquerait plus que par cartes postales, envoyées depuis les endroits merveilleux qu’il découvrirait en écrivant son blog sur les scènes locales de l’ère post-apocalyptique. Mais comme aujourd’hui il trippe en apprenant qu’Afrojack va faire un remix de « Gangnam Style », j’ai du mal à visualiser cet avenir.

HARDCOREY HAIM

SCHNEIDER TM
Construction Sounds Bureau B

Il est pas mal ce film sur la désindustrialisation dans lequel une grande vague métallique se lève à l’occasion d’une colère froide promettant pendant treize minutes des catastrophes d’acier et des orages de haut-fourneau pour finir par s’abattre sur Berlin en substituant au fracas promis le bruit déceptif, anonyme et sans intention de la trieuse à papier mécanique qui apparaît à l’écran pour faire office de transition entre les scènes dans les épisodes de The Office. Enfin ça nous change de Ken Loach, quoi.

SLAVOJ ZIZOU

JAMES FERRARO
Sushi
Hippos in Tanks

C’est chelou comme certains tracks de ce disque sonnent presque exactement comme l’EP de Cashmere Cat – je viens de m’en rendre compte. Sinon après Far Side Virtual et Bebetune$, Ferraro pouvait pas vraiment faire mieux dans le genre post-musique post-théorique à vertu chamanique de micro-ondes, donc on n’est pas véritablement amoureux de cet album mais bon ça va quand même bien, ce truc de faire des interludes de jeux vidéo mi-baston mi-heroic fantasy est plus qu’aimable, le côté « l’histoire secrète du rap en Asie – 1999-2028 » fonctionne très correctement et je suis surtout certain que le primesautier « SO N2U » me fera sangloter l’été prochain, un jour de pluie, l’œil fixé sur les toits du 8e arrondissement.

BOULE & BITE

TIM HECKER & DANIEL LOPATIN
Instrumental Tourist Software

On dirait que ce disque a été fait exprès pour un téléfilm québécois dont le héros aurait été un étudiant en transmedia studies « bidouilleur de drones » ou « scientifique décadent ». Sauf que c’est Tim Hecker et Daniel Lopatin, le mec de Oneohtrix et de Games, qui devrait se faire appeler Daniel LOPPETTINE quand il accepte de collaborer avec des baltringues émotionnelles d’un tel calibre.

PENDERIE DE CLAMART

ONO
Albino
Moniker

Les membres d’ONO ont beau avoir commencé à jouer ensemble il y a plus de trente ans, ils ne sont jamais partis en tournée et n’ont pas sorti d’album en vingt-six ans. Vous savez qui d’autre n’a jamais fait de tournée et n’a pas sorti d’album en vingt-six ans ? Tous les gens qui ne font pas de musique, les morts et les trentenaires qui jouent des « standards du rock » dans les bars. Ces gens-là aussi ont sans doute fait un tas de trucs dans leur vie, et même s’ils ne se sont pas fait trimballer à poil dans une cage par leur public au nom de l’art, ils doivent bien mériter le respect d’une manière ou d’une autre. Je respecterai ONO quand ses fans respecteront leur professeur de mathématiques. D’ici là, je me contenterai d’écouter Albino de temps en temps en arborant une mine mi-amusée, mi-contemplative.

JOHN, MON CAFÉ !