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Le plus célèbre touriste sexuel au monde lutte pour sa libération au Costa Rica

Maintenant, ce citoyen de la Floride qui racontait dans un blogue ses exploits sexuels à l'étranger, surtout en République dominicaine, à Cuba et au Costa Rica, où la prostitution est légale, sera le premier touriste sexuel traduit en justice de l...
David Strecker, alias Cuba Dave, posant avec deux travailleuses du sexe. Toutes les photos : David Strecker

Quand les policiers ont passé les menottes à David Strecker dans un aéroport du Costa Rica le 4 septembre 2015, l'Américain de 66 ans se souvient de s'être dit qu'il n'aurait sûrement qu'à répondre à quelques questions avant d'attraper son vol et de rentrer à la maison. Mais il n'est jamais monté à bord.

Depuis, il est derrière les barreaux. Le seul Américain de la prison La Reforma. On l'accuse d'avoir fait la promotion de la prostitution au Costa Rica, ce qui contrevient à la loi costaricaine. Maintenant, ce citoyen de la Floride qui racontait dans un blogue ses exploits sexuels à l'étranger, surtout en République dominicaine, à Cuba et au Costa Rica, où la prostitution est légale, sera le premier touriste sexuel traduit en justice de l'histoire du pays.

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Le règlement en vertu duquel on l'accuse est tiré de la loi sur le trafic humain, qui, entre autres, interdit l'utilisation de tout média dans le but de promouvoir le pays en tant que « destination touristique pour l'exploitation sexuelle ou pour la prostitution de personnes de tout sexe et tout âge ».

Fernando Ferraro, un ancien ministre de la Justice du Costa Rica qui a parrainé cette loi, affirme qu'elle a pour but de prévenir le trafic d'esclaves sexuels et la prostitution juvénile. Dans un rapport publié cette année, le département d'État des États-Unis écrit que le tourisme sexuel impliquant des enfants est un « problème sérieux » dans ce pays, qui demeure une destination courante pour le trafic d'êtres humains. « Bien sûr que le pays doit protéger son image de destination touristique, dit Ferraro. Mais ce n'est pas qu'une question d'image. Il y a des organisations criminelles et des trafiquants qui s'associent à l'industrie de la prostitution. »

David Strecker participait sans honte aucune à l'industrie de la prostitution, mais il prétend que son blogue n'avait que pour but de conseiller les touristes sexuels comme lui, pas d'encourager les gens à devenir des touristes sexuels. Sans doute l'adepte de prostitution le plus célèbre au monde, l'homme est très bronzé, a les cheveux grisonnants, des bras autrefois définis qui commencent à être flasques. C'est un ancien joueur de balle molle, partisan fini des Yankees qui porte un tatouage de l'équipe à l'épaule droite et cite allègrement l'ex-propriétaire George Steinbrenner. Il porte des t-shirts sans manches et de sandales. En fait de gringo, on ne trouve pas mieux.

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Il s'était d'abord fait connaître dans des forums et des communautés en ligne consacrés au tourisme sexuel, où il racontait ses aventures dans des bordels et bars de Cuba et de la République dominicaine. Plus tard, il a corédigé un livre intitulé Cuba Dave's Guide to Sosua, Dominican Republic, qui a depuis été banni d'Amazon.

Quand il a vu l'intérêt pour Cuba Dave, David Strecker a commencé à faire le récit de ses voyages sexuels au Costa Rica dans un blogue suggestif avec des reportages vidéo et des photos de lui avec ses filles. (Il assure que toutes étaient vêtues et consentantes quand il les photographiait.) Rapidement, il s'est constitué un fan-club de vacanciers mâles excités, avides de ses histoires de prostitution légale et de ses conseils pour « ne pas tomber amoureux ». Au total, il aura fait plus de quarante voyages au Costa Rica.

« Pendant ces années, j'en suis venu à me dire que ce n'était pas vrai, nous a-t-il dit en entrevue téléphonique. C'était de la fantaisie. C'était du divertissement. Un homme de 60 ans qui couche avec des filles de 20 ans et croit qu'elles l'aiment est fou. La majorité des récits et des vidéos servaient à expliquer ça. »

Au Costa Rica, il a concentré ses activités dans une zone de bars et d'hôtels du centre-ville de San Jose que fréquentent les prostitués, appelé le « Gringo Gulch » (le ravin des gringos). Dans un billet de 2010 publié sur son blogue, fermé après son arrestation, il écrit : « Miriam aime s'amuser, c'est ma copine tous les jours pendant une heure quand je suis à San Jose. Elle sait ce que j'aime et comprend ce qu'elle fait. Mon conseil, c'est de vous rappeler ce pour quoi vous êtes au Costa Rica et de ne pas trop questionner vos copines (costaricaines). »

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David Strecker soutient que son site web n'était rien de plus qu'un blogue de voyage créé pour conseiller les touristes masculins. Mais les procureurs affirment qu'il faisait intentionnellement la promotion du pays auprès d'autres gringos pour les encourager à venir et à profiter de l'industrie légale de la prostitution. « On a trouvé des publications du prévenu sur internet dans lesquels il invitait apparemment d'autres Nord-Américains à visiter le Costa Rica, en mentionnant que les prostituées y étaient faciles à trouver », nous a répondu par courriel un porte-parole du bureau du procureur.

Le Costa Rica — où la prostitution est légale, mais pas le proxénétisme ni la sollicitation — a longtemps été considéré comme l'une des destinations les plus populaires d'Amérique latine pour les touristes sexuels. Dans son livre Love and Lust : American Men in Costa Rica, l'auteur et chercheur Jacobo Schifter a estimé que jusqu'à 10 % des touristes visitaient le pays pour avoir des relations sexuelles avec des prostituées, ce qui représente 80 000 touristes par année.

Bien au courant de la réputation du pays, le gouvernement travaille à laver son image et celle de son importante industrie du tourisme, pour qu'elle se rapproche de Disneyland et s'éloigne de la Thaïlande. Dans les dernières années, la police costaricaine a tenté de démanteler les groupes de trafiquants et de proxénètes qui exploitent des migrants et des enfants. Dans son rapport annuel, le département d'État des États-Unis mentionne que les autorités ont effectué 25 rafles dans la dernière année. On note aussi que le gouvernement fait des efforts considérables pour changer sa réputation peu enviable en matière de lutte contre ce trafic.

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Bien qu'on ne sache pas si David Strecker était directement impliqué dans ces activités, les procureurs réclament une sentence de 12 ans de prison pour trois chefs d'accusation de promotion de la prostitution, soit un chef chacun pour son site web cubadave.com, sa page Facebook et une vidéo YouTube.

La poursuite se concentrerait en particulier sur des photos et des passages de billets publiés sur son blogue. Dans un de ces passages, sur lequel les procureurs se sont acharnés avec zèle au cours des audiences préliminaires, il dit : « Vos plaisirs ne sont dictés que par la grosseur de votre portefeuille. »

Son avocat, Luis Diego Chacón, croit que la poursuite sera abandonnée au procès, qui doit commencer en novembre, car la loi portant sur le tourisme sexuel vise à combattre les groupes organisés de trafic de personnes, pas les blogueurs. « Cette loi ne vise pas les personnes qui ont un site sur le voyage. Si vous regardez son site, vous ne verrez pas de propos jugés inapproprié dans son pays, aux États-Unis », estime-t-il. Si le procès s'étire, l'avocat pourrait essayer de convaincre les juges (dans les procès au Costa Rica, il y a trois juges plutôt qu'un jury) que c'est la loi américaine qui doit s'appliquer parce que les serveurs du domaine sont situés aux États-Unis.

Comme la loi costaricaine interdit la promotion, la défense tentera aussi de plaider qu'il essayait seulement d'informer les lecteurs au sujet de la prostitution au pays, et non de la publiciser. David Strecker affirme qu'avant de lancer son blogue, des centaines de voyageurs lui ont demandé des conseils par courriel au sujet des meilleurs hôtels pour les touristes sexuels et les quartiers les plus sûrs pour les gringos. Plutôt que de répondre à chacun, il a regroupé ses conseils sur un site web.

« Toutes les choses dont on m'accuse sont légales, clame-t-il. On devrait plutôt me donner une tape dans le dos pour avoir informé les gars à propos de tout ça. » Toutefois, il est sur le point de subir un procès au terme duquel on pourrait le condamner à plus d'une décennie en prison. Une chute dramatique pour cette pseudo-célébrité, qui dit qu'un an de détention préventive l'a forcé à penser aux raisons pour lesquelles il a été ciblé.

Sa conclusion, c'est qu'il est un pion au centre du stratagème du gouvernement pour envoyer un message aux touristes sexuels comme lui. « Dans ce pays, si tu dis ce qu'il ne faut pas dire, on va te le faire payer, assure-t-il. Je crois vraiment qu'on veut simplement faire de moi un exemple. »

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