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Un groupe d'étudiants juifs s'ouvre à la critique d'Israël

Le 8 décembre dernier, le conseil d'étudiants de Hillel à l'Université des arts de Pennsylvanie a voté à l'unanimité l'adoption d'une résolution rejetant la ligne de conduite fixée par la direction de l'organisation, laquelle interdisait tout...

L'université de Swarthmore. Photo via Wikipédia Commons.

L'Université de Swarthmore pourrait bien avoir tiré les premiers coups de semonce d'une guerre entre l'organisation étudiante juive Hillel International et un nombre toujours grandissant d'étudiants juifs réclamant d'Hillel un relâchement de son incroyable sévérité envers ses partisans.

Le 8 décembre dernier, le conseil d'étudiants de Hillel à l'Université des arts de Pennsylvanie a voté à l'unanimité l'adoption d'une résolution rejetant la ligne de conduite fixée par la direction de l'organisation, laquelle interdisait tout partenariat avec d’autres organisations si elles n’étaient pas pro-israéliennes. Ce faisant, le groupe Hillel de Swarthmore est devenu le premier à mettre en œuvre les idées de la campagne « Open Hillel ». Lancée en fin 2012 par des étudiants membres de l'organisation, cette campagne a pour but de se rapprocher de groupes antisionistes favorables à la campagne Boycott, Désinvestissement, Sanction (BDS) et d'organiser avec eux diverses activités dans le futur.

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Le texte de résolution établit en effet que le groupe Hillel de Swathmore « se déclare être un groupe 'Open Hillel' ». Dans ce texte, l'organisation se définit également comme un groupe « culturel et religieux dont le but n'est pas de militer pour une opinion politique en particulier, mais d'encourager le dialogue et de s'ouvrir aux diverses opinions formant le cœur de l'opinion juive estudiantine. »

Le logo d'Open Hillel : « 12 tribus, 13 opinions ».

D'après Joshua Wolfsun, directeur de communication de Hillel Swathmore, cette décision ne doit pas être envisagée comme une position politique prise par le groupe à propos du conflit israélo-palestinien.

« Nous ne sommes pas une organisation de défense de tel ou tel intérêt, a déclaré Wolfsun. Dans notre volonté de construire une communauté pluraliste, nous nous sommes permis de lancer un débat ouvert à tous les points de vue. Nous estimions que la ligne de conduite fixée par Hillel International nous stoppait dans cette envie. »

Cette décision a valu à la section de Swarthmore une rapide et sévère réprobation de la part du nouveau président de l'organisation, Eric D. Fingerhut, ancien membre du congrès américain dans l'état de l'Ohio. Reçu deux jours après le vote de la résolution, la lettre de Fingerhut, également membre du Parti démocrate, formulait clairement que les « anti-sionistes ne seraient, en toutes circonstances, pas autorisés à faire des déclarations sous le nom – ou dans les locaux – d'Hillel. »

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« Toute section d'Hillel n'aurait aucun intérêt à choisir un autre nom », a écrit Fingerhut. Ainsi, il a précisé qu'une exclusion pourrait être envisagée si l'organisation persistait dans sa nouvelle ligne de conduite. Contacté pour une interview avec VICE, Fingerhut n'a jamais donné suite à nos demandes.

Les racines de la polémique remontent en réalité à 2010, lorsque Hillel International a adopté une politique visant à réguler le type de groupes avec lesquels l'organisation serait en mesure de coopérer. L'organisation a décidé que :

« Hillel n'aura pas de partenariat ni quelque lien que ce soit avec des organisations, associations ou personnes ayant pour politique ou pour pratique : le déni d'existence d'Israël en tant qu'Etat juif et démocratique ; la non-reconnaissance des frontières de l'Etat d'Israël ; la diabolisation ou l'application du double standard envers Israël ; le soutien au boycott, au désinvestissement ou à la sanction envers l'Etat d'Israël ; l'invitation d'éléments perturbateurs ou de conférenciers susceptibles de susciter un climat d'incivilité lors d’événements universitaires. » — Ligne de conduite d'Hillel à propos des activités concernant Israël sur les campus

Suite à ces consignes, Wolfsun a déclaré que les 13 membres du conseil de la section de Swarthmore avaient le sentiment – à raison – que cette politique limitait injustement la liberté de parole concernant toute discussion sur le conflit israélo-palestinien.

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Réunion d'Hillel Swathmore. Photo via Swathmore Hillel

La résolution votée par les étudiants d'Hillel Swarthmore a vite été catalysée par une récente (et controversée) décision de la part de Hillel. En novembre dernier, au grand dam des étudiants organisateurs de l'événement, l'organisation a empêché Avraham Burg, ancien président de la Knesset (le parlement israélien) de s'exprimer dans les locaux de l'université d'Harvard, cela au motif que la conférence était co-sponsorisée par le Comité de solidarité pour la Palestine.

Sandra Korn, étudiante membre de l'Alliance juive progressiste d'Harvard et co-organisatrice de l'événement, a déclaré que travailler avec des pro-Palestiniens et des membres de Hillel était « possible, à condition de ne pas le faire avec les deux à la fois. Cela est évidemment embarrassant et mesquin, particulièrement dans un environnement tel qu’un campus universitaire. » Ainsi, Burg a finalement donné sa conférence dans un dortoir aménagé, caché quelque part sur le campus.

Au cours des dernières années, d'autres étudiants juifs, confrontés à la stricte position pro-israélienne de l'organisation, ont dû faire face à d’autres défis. En 2011, par exemple, la section de l'association Voix Juive pour la Paix de l'université de Brandeis s'était vue refuser le statut de membre d'Hillel, en raison de son soutien à la campagne BDS et à la « Semaine de sensibilisation à l'occupation israélienne » sur le campus. En décembre 2012, un étudiant de la SUNY Binghamton s'est vu prier de démissionner de sa fonction d'agent d'Hillel après avoir organisé une projection du documentaire 5 Caméras Brisées. Nominé aux Oscars, ce film avait comme thème l'activisme palestinien non-violent à plusieurs endroits dans les territoires occupés.

Jusqu'à présent, aucune section universitaire d'Hillel n'avait encore officiellement contesté la politique d'Israël. Selon Wolfsun, celle de Swarthmore se trouvait mieux préparée que les autres universités à s'engager dans ce combat, en raison de son fonctionnement « différent ». En effet, contrairement aux autres sections, la congrégation de Swarthmore est entièrement dirigée par des étudiants et financée indépendamment de l'organisation-mère.

Wolfsun s'est déclaré conscient des conséquences auxquels son groupe pourrait se retrouver confronté suite au passage de la résolution. Néanmoins, il espère que la situation n’empire pas dans le futur. « Au départ, nous avons espéré et cru qu'Hillel International et qu'Hillel Philadelphie préféreraient rencontrer et dialoguer avec des étudiants aux opinions différentes, au lieu de les destituer de leur droit de parole. Aujourd’hui, nous avons l’impression d’être condamné au silence », a-t-il déclaré.