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J’ai rejoint plein de groupes de conversion de gays

Ces derniers mois n'ont pas été très porteurs pour le business de la conversion de gays. Le porte-parole le plus bruyant de cette niche, Exodus International, a fermé après que l'ancien président de l'organisation, Alan Chambers, un ex-gay, a publié...

Ces derniers mois n'ont pas été très porteurs pour le business de la conversion de gays. Le porte-parole le plus bruyant de cette niche, Exodus International, a fermé après que l'ancien président de l'organisation, Alan Chambers, un ex-gay, a publié une lettre d'excuses pour la « honte », les « faux espoirs » et les « traumatismes » causés par Exodus, et a admis que la « thérapie réparatrice » ne marchait pas. En plus de ça, l'État de Californie a banni la conversion pour les mineurs et le gouvernement fédéral a indirectement reconnu le mariage homosexuel avec l'abrogation de la loi de Défense du mariage.

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Pour en savoir plus sur l'état de ce business avant qu'il ne décline, j'ai décidé de m'inscrire à plusieurs groupes de conversion. Je suis un mâle hétéro mais, dans l'intérêt de cet article, je me suis présenté en tant que jeune homme influençable avec un passé homosexuel qui cherche à ressentir de l'attirance pour les organes génitaux féminins.

Les groupes de conversion diffèrent selon leurs méthodes et les « causes » qu'ils attribuent à l'homosexualité, mais ils sont tous d'accord pour dire que deux mecs qui couchent ensemble, c'est dégueu.

SETTING CAPTIVES FREE

Le premier groupe auquel je me suis inscrit s'appelle Setting Captives Free.

Il était autour de 2 heures du matin lorsque j'ai créé mon compte. J'étais fatigué et éméché.

Setting Captives Free [Libérer les otages] est un séminaire chrétien de 60 jours qui consiste à lire des passages de la Bible et à répondre à des questions personnelles et religieuses. Pour guider les membres tout au long du processus, on leur assigne un mentor chargé d'envoyer quotidiennement des mails pleins d'espoir qui mèneront au salut - celui-ci se doit d'être disponible 24h/24, 7j/7 pour répondre aux éventuelles questions et rassurer en cas de doutes.

La première journée a démarré avec une belle introduction du fondateur Mike Cleveland et de l'écrivain Shon Bruellman. Ils m'ont informé que, malgré ce qu'on a pu me dire, je n'ai pas de « gène homosexuel ». En fait, je peux être libéré « en suivant la voie de Jésus Christ et de la croix ». On m'a encouragé à parler de mon passé sexuel avec mon mentor, mais de lui épargner les détails parce que « Satan a été suffisamment glorifié et présent dans nos vies ».

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Ensuite, on a discuté de ce qu'ils attendaient de moi pendant ces soixante jours. Tout d'abord, je devais m'abstenir de toute activité homosexuelle. Ensuite, je devais immédiatement cesser de fréquenter des lieux où « se déroule de l'activité homosexuelle », et aussi arrêter d'aller sur des « sites porno et de discussion », et ne plus appeler de « téléphone rose » (apparemment, ça existe encore).

Pour prouver que je ne me laissais pas aller à la tentation, je devais installer un logiciel qui enverrait quotidiennement des copies des sites que j'avais visités à mon mentor. J'ai réussi à éviter cette condition orwellienne en leur expliquant que j'étais sur un ordinateur public. Enfin, et ce dernier point m'a terrifié, je devais m'abstenir de toute masturbation (ils étaient apparemment trop occupés à écrire des séminaires thérapeutiques pourris pour regarder Seinfeld).

Quelques heures plus tard, j'ai reçu mon premier email de Jim Houser, mon mentor. Jim m'a envoyé des e-mails tous les jours au cours du mois suivant. Ceux-ci comprenaient des témoignages et des passages de la Bible censés m'aider à travers les étapes du séminaire. Jim lisait mes réponses alors que j'avançais dans le programme et me faisait part de ses avis. Durant le processus, on a appris à se connaître. Il « était » gay, « avant », et était parvenu au bout du programme de Setting Captives Free, ainsi qu'un autre de 150 jours pour devenir mentor. Aujourd'hui, il est marié et a quatre enfants. Au bout d'un mois, il m'a quand même avoué : « Je me bats encore contre la tentation, mais j'ai choisi de ne plus vivre dans le péché. »

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Alors que je croyais que les choses ne pouvaient pas devenir plus bizarres, les deux semaines du séminaire qui ont suivi m'ont convaincu du contraire. Je devais lire des passages de la Bible et en proposer mon interprétation. Un de mes cours préférés a été celui sur le chapitre 19 de la Genèse où j'ai appris que, selon Dieu, un homme qui viole sa fille - qui en tombe alors enceinte -, c'est moins peccamineux que Steve qui taille une pipe à Adam.

Jim m'envoyait aussi plein de super conseils pour rester pur. Quand le nouveau Superman est sorti, il m'a envoyé un email disant : « Nous sommes allés voir [Man of Steel] ce week-end et pour ceux d'entre vous dont la tentation peut être déclenchée visuellement, sachez qu'il y a plusieurs scènes où il est torse nu et montre bien son corps athlétique, avec un torse non-rasé. » Il m'a aussi conseillé de ne pas m'approcher de lieux où je pourrais être tenté, tels que « les piscines, la plage, les parcs d'attraction, les centres commerciaux, les lycées ou les campus d'université ».

La femme de Jim, comme la plupart des gens qui participent au séminaire, était au courant de ses « tendances homosexuelles ». Un des anciens élèves a écrit un témoignage que Jim m'a transféré : « Dans les restaurants, ma femme s'assure que ce qui est dans mon champ de vision est OK. Elle prend encore la place qui a "la vue" et me laisse voir des gens non-tentants. » Un autre homme a énuméré les deux raisons pour lesquelles il restait pur : « Ma femme est au courant de tout ce que je fais » et « Je ne vais jamais quelque part tout seul ».

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NARTH

Le cabinet du Dr Gerald Schoenewolf. Photo via Google.

L'Association nationale pour la recherche et la thérapie sur l'homosexualité (NARTH) est un groupe non-religieux consacré à la promotion de traitements de conversion des gays. NARTH est composé de psychologues et de gens qui rejettent le consensus (ou le bon sens) scientifique en affirmant que l'homosexualité peut être guérie par la thérapie. Ils pensent que l'homosexualité est le résultat d'une combinaison qui comprend l'absence de figure paternelle, l'abus sexuel et/ou le rejet par un groupe de pairs masculins. Apparemment, une fois ces problèmes surmontés, on devient hétéro.

Le Dr Gerald Schoenewolf est le membre le plus éminent et le plus actif de NARTH. Il a publié un essai appelé Gay Rights and Political Correctness: A Brief History [Les droits des homosexuels et le politiquement correct : un bref historique », en français] qui, évidemment, n'est pas très aimable envers la communauté gay. En outre, bien qu'il en soit membre, il a dit que la Société américaine de psychologie « a été envahie par des gays extrémistes ». En termes de mentalité antigay, je pouvais difficilement trouver mieux, alors je l'ai appelé. Après une courte conversation, il s'est avéré que j'avais de la chance : non seulement il voulait bien me voir, mais mon assurance maladie couvrirait les frais pour devenir hétéro. Et ma mère qui me dit toujours que je ne sais pas gérer mon argent.

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J'ai tout de suite été impressionné par le confort de son bureau. Des tableaux ornaient les murs et un perroquet (ou une sorte d'oiseau en tout cas) volait dans la pièce. J'ai fait un brin de causette avec le Dr Schoenewolf, notamment sur son perroquet. Il a fini par le mettre dans sa cage parce qu'il « semblait me distraire ».

Une fois le perroquet en cage, il était temps de passer aux choses sérieuses. On a parlé de mon passé familial et du fait que ma mère m'a élevé seule les douze premières années de ma vie (ce qui est vrai). C'est devenu intéressant lorsqu'on s'est mis à parler de mon passé sexuel. Je m'étais entraîné à parler de ma sexualité passée avec les hommes : « Vous avez déjà eu une relation avec une femme ? » m'a-t-il interrompu. Quand je lui ai dit que non, il a répondu : « Pouvez-vous vous imaginer coucher avec une femme ? ». Je me suis gratté la tête et je lui ai dit : « Eh bien, au bout d'un moment. C'est ça le but. »

J'ai été de nouveau distrait par le perroquet pendant quelques minutes avant d'être informé que l'homosexualité n'était pas chose innée. Selon NARTH, c'est de l'acquis, une fâcheuse situation causée par des expériences telles qu'être élevé par une mère célibataire. Génial, on a diagnostiqué le problème, mais comment le soigner ? Il m'a dit que j'allais devoir venir le voir une fois par semaine pour ça. Lors de nos séances hebdomadaires, il allait me donner des devoirs à faire à la maison pour devenir hétéro. Les premiers n'étaient pas bien compliqués. Tout ce que j'avais à faire, c'était d'« établir un contact visuel avec au moins trois femmes » et ensuite : « Une fois que vous avez échangé un regard avec l'une d'elles et qu'elle vous a souri, approchez-vous d'elle et dites "comment ça va ?" ». Après tant d'efforts, j'étais sûr de pouvoir insérer mon P dans un V.

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EXODUS INTERNATIONAL

Avant qu'Exodus ne ferme ses portes, je les avais appelés pour leur demander s'ils pouvaient me conseiller un pasteur dans la région de New York qui pourrait me faire apprécier les concerts de rock, le foot et les lèvres féminines. Ils m'ont conseillé Robert Ramirez, de Farmingdale, dans l'État de New York.

J'ai parlé avec la femme qui a répondu au numéro que m'avait fourni Exodus. Elle m'a appris que le pasteur Ramirez n'était pas là mais qu'il le serait le lendemain matin.

Je me suis levé à une heure pas possible afin de prendre le train jusqu'à Farmingdale pour découvrir une fois sur place qu'il n'y avait aucune église à l'adresse qu'on m'avait indiquée. Au lieu de ça, un bureau vide avec un panneau « à louer » à la fenêtre. J'ai appelé le numéro que j'avais pour joindre le pasteur Ramirez et la personne à l'autre bout de la ligne ne parlait pas très bien la langue : « Non… non, Ramirez est pas là. » Ça m'a demandé beaucoup d'efforts pour ne pas crier « putain c'est quoi ce bordel ?! » dans mon téléphone. Il s'avère que Ramirez est pasteur pour une station de radio espagnole et que l'adresse et la ville qu'Exodus m'avait fournies étaient fausses. Allez vous faire enculer (de manière complètement hétéro, évidemment).

J'ai continué à appeler le même numéro dans les semaines qui ont suivi afin de mettre la main sur le pasteur Ramirez. J'ai parlé à de nombreuses personnes, sans succès. Tout le monde semblait connaître l'insaisissable Ramirez, mais personne ne pouvait me mettre en contact avec lui. J'ai finalement obtenu une adresse email. Je me suis appliqué pour rédiger un gentil message mais l'adresse s'est révélée incorrecte.

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Puis Exodus a cessé toute activité. Aujourd'hui, leur site n'est rien de plus qu'une lettre de l'ancien P.-D.G., Alan Chambers, s'excusant pour avoir causé tant de peine au fil des années. Dans un ultime effort pour me faire soigner mon homosexualité grâce à Exodus, j'ai acheté un des discours disponibles sur le site - le moins cher.

J'ai téléchargé un truc appelé Enjoying the Gift of Being Single (« Apprécier le cadeau du célibat », en français) par Jonathan Barry, pour 5 dollars. J'ai ouvert le mp3 et, à ma grande surprise, j'ai appris que je ne pouvais pas devenir hétéro : il suffisait donc que je reste célibataire pour le restant de mes jours. Il s'avère que Jonathan Barry fait partie d'un groupe dissident d'Exodus International appelé True Freedom Trust. Ce groupe pense que la thérapie réparatrice ne fonctionne pas, mais vu que si quelqu'un qui a un pénis embrasse quelqu'un d'autre qui a un pénis commet une abomination aux yeux de Dieu, ils prêchent l'abstinence, un peu comme la réponse des papes catholiques à l'épidémie de sida.

Exodus International était de loin le pire groupe thérapeutique de conversion auquel je me suis inscrit. Je ne suis pas surpris qu'ils aient fini par fermer.

JEWS OFFERING NEW ALTERNATIVES FOR HEALING

Jews Offering New Alternatives For Healing [Des juifs proposant de nouvelles alternatives pour guérir, en français] est un groupe fondé par un type du nom d'Arthur Goldberg. Arthur est un ancien cadre et avocat de Wall Street qui a été reconnu coupable de trois accusations de fraude et d'une accusation de complot visant à escroquer le gouvernement des États-Unis, avant d'être radié de l'ordre des avocats. Il est aujourd'hui à plein temps dans le business de la conversion des gays.

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Arthur est également mentionné à plusieurs reprises dans un procès intenté par le Southern Poverty Law Center. JONAH est accusé d'avoir violé la loi sur la fraude contre les consommateurs du New Jersey parce que « la thérapie de conversion gay a été rejetée par toutes les spécialistes de la santé mentale ».

Comme JONAH encourage ses membres à s'infliger des douleurs physiques à chaque pensée homosexuelle, je voyais mal comment ils tiendraient jusqu'à la fin de l'année sans se faire expulser de l'État. Je devais les rejoindre maintenant ou jamais.

Après avoir échangé quelques mails, j'ai discuté avec Arthur au téléphone. Étonnamment, il était assez ouvert sur leurs ennuis judiciaires. À tel point que c'est lui qui a évoqué le sujet le premier : « Ils prétendent qu'en disant aux gens qu'ils peuvent changer, nous fraudons contre les consommateurs. C'est des conneries. Des conneries. » Il a utilisé sa propre conversion en tant que preuve que la conversion fonctionne. À l'en croire, il voulait réfuter la « pensée conventionnelle ».

On m'a servi le classique « vous êtes homosexuel à cause de votre mère », mais avec un nouveau rebondissement. J'avais désormais un « désir sexualisé ». J'étais attiré par les hommes qui avaient une « caractéristique physique… ou une caractéristique dans leur personnalité qui me fai[sai]t envie ». Mais malheureusement, comme je ne suis pas juif, Arthur m'a dit que je ne pouvais pas participer au programme.

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Mais il m'a envoyé un email, plus tard dans la journée, me disant : « Si, par hasard, vous entendez qu'un bienfaiteur serait prêt à nous aider financièrement, merci de nous en faire part. Nous acceptons volontiers toute assistance financière. »

PEOPLE CAN CHANGE

Je suis complètement fan du concept du « Voyage vers la virilité ». L'idée, c'est qu'un groupe d'hommes gay partent ensemble en week-end dans la forêt et deviennent mystérieusement hétéro. Leurs vidéos sont les trucs les plus flippants de la planète.

Malheureusement pour moi, les prochains séminaires allaient se dérouler sur la côte Ouest. Mais People Can Change a un bureau à Jersey City, dans le même immeuble que celui de JONAH, tenu par un « coach de vie » appelé Alan Downing.

Alan fait aussi face à des poursuites judiciaires de la part du Southern Povery Law Center, après que deux de ses anciens élèves ont affirmé qu'il les avait forcés à se déshabiller et se toucher devant un miroir. People Can Change semble être sur le point de se faire écraser par la justice.

J'ai rendu visite à Alan dans son bureau spacieux et il m'a immédiatement fait signer quelques papiers. Après quelques excuses futiles accompagnées de « la prochaine fois ? », je lui ai donné ma signature à contrecœur. J'en flippe encore aujourd'hui. Avec un peu de chance, ces papiers ne lui permettront pas de me poursuivre en justice pour avoir écrit cet article.

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Comme j'ai grandi à Jersey City, on a eu une chouette conversation à propos de l'embourgeoisement de la région. On est ensuite passés à mes autres expériences avec des groupes tels que NARTH ou Setting Captives Free, avant qu'Alan ne me montre un panneau circulaire où le mot « honte » était barré. C'était une zone où la honte n'avait pas sa place.

Alan Downing, un mormon - comme la plupart des personnes qui font leur beurre dans ce business -, a dû faire face à ses propres problèmes d'homosexualité par le passé. Heureusement pour lui, il a pris part au séjour inaugural de People Can Change. Il est désormais marié et a des enfants. Le simple fait de traîner dans les bois avec quelques mecs peut apparemment vous changer à jamais.

Bref, j'ai à nouveau incarné l'idée qu'on pouvait devenir gay parce qu'une mère célibataire vous avait élevé. On m'a répété encore une fois que les relations sexuelles servaient à générer des bébés et non des orgasmes. J'avais des problèmes de confiance en moi, je me voyais plus comme un « garçon » qu'un « homme ». Il était passionné par l'idée de « devenir un homme » et du « voyage vers la virilité » de chacun. D'une certaine manière, le voyage devait commencer dans son bureau.

Pile quand je le poussais devant un bus en marche dans mon imagination, il a sorti de nulle part : « Si coucher avec des hommes vous semble approprié, c'est bon, vous avez le choix. » Je n'arrivais pas à le croire. Ça allait à l'encontre de tout ce que j'avais appris dans ma quête pour devenir hétéro. Je me suis redressé dans le fauteuil volumineux où je m'étais affalé : « Vraiment ? Donc l'homosexualité est OK pour certaines personnes ? - Ce n'est pas à moi de juger, si quelqu'un trouve le bonheur en s'exprimant en tant que gay, je ne vais pas essayer de le changer. » Quelle bonne nouvelle ! Je n'avais plus besoin d'être hétéro. Il m'a même dit que la masturbation n'était pas un péché !

C'est peut-être parce que j'avais rencontré et parlé avec tout un tas de tarés au cours de mon enquête, mais j'ai trouvé ses propos extrêmement rafraîchissants. Est-ce qu'il se foutait quelquefois à poil avec ses élèves ? Bien sûr. Mais au moins, il ne pensait pas que je finirais en enfer. People Can Change était de loin mon groupe de conversion de gays préféré (alors sérieux, les gars, ça serait cool de pas me poursuivre en justice).

Ryan est sur Twitter : @Ryan_PMcCarthy

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