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Gaël Robin : Je vais reprendre ce que j'ai déjà dit dans mon bouquin à ce sujet [N.D.L.R. :« Le ZHBécédaire, lexique politique radical de Bretagne », publié aux éditions Goater]. Beaucoup de Bretons ont par le passé, pratiqué l'action violente organisée. Une pratique qualifiée de terroriste par le pouvoir et définie comme légitime par les membres de l'Armée Révolutionnaire Bretonne. Deux de ses membres Yann-Kel Kernaleguen et Kristian Le Bihan sont morts au combat, et quelques autres ont été blessés. J'ai moi-même été condamné à l'issue de quatre ans de détention préventive, à trois ans fermes, pour association de malfaiteurs en liaisons avec une entreprise terroriste pour avoir prétendument dirigé l'ARB entre le 27 avril et le 3 mai 2000.Je reconnais m'être mis en porte à faux avec la légalité en ayant servi d'intermédiaire entre les militants clandestins et la presse. Mais je n'accorde à cette condamnation aucune forme de véracité historique tellement elle est ridicule. Il ne faut à mon sens, n'avoir ni regard condescendant ni regard nostalgique sur cette période qui est un moment de l'histoire bretonne – commencé en 1966 et qui semble avoir marqué le pas à compter des années 2000. La baisse récente de l'intensité des conflits armés corses, basques ou irlandais, qui ont beaucoup influencé l'imaginaire des clandestins bretons, a sans doute joué.
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La Bretagne compte 4,5 millions d'habitants, en intégrant la Loire-Atlantique. On n'a aucun espace décisionnel local alors que Malte, avec 250 000 habitants, si. On exporte beaucoup de choses de Bretagne. En termes de PIB, si la Bretagne était indépendante, on serait plutôt dans le haut du panier des pays d'Europe. On produit énormément. La richesse est là – il faut juste la répartir autrement. Tout l'argent provenant des impôts doit être géré par les Bretons eux-mêmes et ce sont eux qui doivent décider de la façon dont on le réinjecte dans notre économie locale. On sent bien qu'aujourd'hui les gens sont prêts à défendre des positions plus radicales sur ces sujets-là.Pourquoi présenter une liste gauche indépendantiste aux élections régionales de Bretagne, dans un État que vous ne reconnaissez pas ?
Nous voulons faire une campagne très ancrée localement autour de la question des luttes sociales, de l'écologie et de l'indépendance de la Bretagne. L'actualité nous montre que ces trois points sont indissociables. Je vais te donner un exemple très concret : une société nommée Variscan prospecte actuellement pour rouvrir une concession minière en Bretagne. Nous pensons que ce projet peut avoir de graves conséquences sur l'environnement et la santé des gens. Dans la majorité des zones concernées, les élus locaux s'y opposent également. Pourtant, le ministre de l'Économie Emmanuel Macron a signé le décret permettant les premiers carottages qui vont servir à sonder les terrains. Au final, l'avis qui l'emporte est celui des politiques qui sont dans leurs ministères, à Paris. Cela démontre l'absence totale de démocratie locale !
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Vous pensez obtenir plus de pouvoir en siégeant au Conseil régional ?Le Front National n'offre aucune solution. Pour eux, les zadistes sont des punks à chiens et les choses s'arrêtent là.
Gérer la région en tant qu'entité administrative de l'État français ne nous intéresse pas. Elle n'a aucun pouvoir décisionnel. Par exemple, elle ne peut pas décider d'octroyer plus d'argent aux écoles ou au Foncier de Bretagne, qui est un organisme permettant de réguler les prix du marché de l'immobilier. Là encore, il faut l'aval du Conseil d'État. En revanche, lorsqu'il s'agit de donner 29 millions d'euros à Vinci pour le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes que tout le monde conteste, là il n'y a pas de problème. Les régions sont juste des pompes à fric pour le secteur privé. Il faut dépasser ces institutions. Nous pensons que le seul moyen de se protéger de ce genre de dérives autoritaires, c'est d'être indépendant.
Notre ambition est double. D'une part, nous voulons amener les autres partis à se positionner sur nos problématiques : les luttes sociales et environnementales, ainsi que la question d'un référendum autour de l'indépendance. La plupart des candidats se présentent avec le discours « Votez pour moi et tout ira mieux ». Il y a zéro débat et nous refusons cela. Si les autres en viennent à se déclarer pour ou contre la tenue d'un référendum, ce sera une victoire.
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Nous ne nous allierons avec personne. Même si certains considèrent qu'il faut plus de pouvoir pour la Bretagne, ils s'en remettent au Parlement. Alors qu'il faut que ce référendum soit organisé par les Bretons eux-mêmes, avec ou sans l'autorisation de Paris. C'est ce qui nous différencie des autres partis dans cette élection. Si nous sommes élus, nous serons les chevaux de Troie sociaux et environnementaux dans l'institution.Comme vous, d'autres partis défendant des idées plus radicales se présentent aux élections régionales. Pourtant, cette technique ne semble réussir qu'au Front National pour le moment.
Il est clair que l'extrême droite est devenue une grosse machine médiatique, qui table sur le mécontentement populaire. Ses thématiques sont imposées aux gens. Mais le Front National n'offre aucune solution. Sur les projets miniers, il ne dit rien. Idem sur Notre-Dame-des-Landes. Pour eux, les zadistes sont des punks à chiens et les choses s'arrêtent là. Ils font campagne à propos des réfugiés syriens, ce qui n'a aucun rapport avec les régionales ! Mais ce n'est pas une raison pour déserter. Au contraire, il faut faire entendre un point de vue radicalement antiraciste et défendre une vision inclusive de l'identité bretonne. Si nous ne nous présentons pas, toutes les thématiques que j'ai évoquées seront absentes de la campagne.Les thématiques du FN ne mènent qu'à une chose : la guerre et la haine. Et puis le FN en Bretagne a une position extrêmement centraliste, française, opposée à la langue bretonne.Justement, quelle est votre position par rapport à l'utilisation du breton ?
On veut qu'elle ait un statut de co-officialité. On ne veut l'imposer à personne. Juste qu'elle puisse être utilisée dans tous les aspects de la vie publique. Par exemple, que des élus puissent l'employer dans l'exercice de leur fonction. La loi française l'interdit. Il n'y a pas longtemps, le conseil municipal d'un village non loin de Guingamp a délibéré en breton pour faire plaisir à une chaîne de télévision allemande qui était présente. Peu de temps après, ils ont reçu un rappel à l'ordre du préfet !Merci Gaël, et bon courage pour dimanche.