Comment j’ai appris à aimer mon corps dans un hôtel nudiste de Jamaïque

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Comment j’ai appris à aimer mon corps dans un hôtel nudiste de Jamaïque

Au bout d'une semaine dans l'hôtel le plus progressiste d'un des pays les plus homophobes sur Terre, plus rien ne peut m'étonner.

Ma copine Kelsey n'est pas seulement nudiste – c'est une militante nudiste. Elle participe régulièrement à des manifestations pour la libération du corps à San Francisco et a même été retenue à la mairie pour avoir manifesté contre des restrictions récentes sur la nudité. Elle m'a notamment proposé de passer notre premier rencard toute nues (dans le cadre d'un « rassemblement de nudistes »).

J'ai poliment décliné l'offre et opté pour une approche plus traditionnelle – à savoir boire un verre dans un bar. Je ne suis pas nudiste. Je suis même particulièrement prude. Je suis souvent gênée quand je me trouve face à un décolleté un peu trop plongeant et je garde les yeux rivés au sol quand je prends ma douche à la salle de gym – comme si j'appréciais la vue de touffes de cheveux et d'emballages de barres énergétiques flottant tristement vers la bonde. Pour cette raison, quand un représentant d' Hedonism II – un hôtel à tendance nudiste qui se trouve en Jamaïque – m'a invitée à passer cinq jours sur place dans mon plus simple appareil, j'ai sobrement répondu « Non merci ! »

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Ils m'ont recontactée à plusieurs reprises – puis un jour, c'est tombé lors de l'anniversaire de Kelsey. Rien ne peut la rendre plus heureuse que la nudité. Par pur altruisme – et parce qu'il s'agissait après tout d'un séjour tous frais payés dans les Caraïbes –, je me suis dit que j'allais essayer de vivre à poil l'espace d'une semaine.

Je n'avais jamais envisagé d'aller en Jamaïque, principalement parce que je suis lesbienne et que ce pays est « le plus homophobe sur Terre » selon le TIME. Certes, l'article a été publié il y a 10 ans et depuis, de nombreux militants et artistes font tout pour faire avancer les droits des homosexuels en Jamaïque. J'ai donc décidé de me rendre à l'Hedonism II avec Kelsey, psychologiquement préparée à passer un séjour étrange et tout en contrastes.

JOUR 1
À mon arrivée à l'hôtel, j'ai à peine le temps de regarder autour de moi qu'un serveur m'offre déjà un Mimosa. Le personnel nous est entièrement dévoué et se plie littéralement en quatre pour notre bien-être. Notre chambre est parfaite – elle comporte notamment des miroirs au plafond, un jacuzzi privatif et un mini frigo rempli d'alcool. Un vrai paradis pour hédonistes, en somme.

On nous a donné le programme des activités et encouragé à revêtir des tenues fétichistes (un « uniforme scolaire » pour le premier jour, puis « du cuir et de la dentelle » pour le lendemain). Kelsey s'est immédiatement dévêtue. Sous l'influence de la vodka, j'ai également retiré mon haut dans notre patio privé – qui s'est avéré ne pas être si privé que ça car tout le monde passait devant (et ils étaient très nombreux à s'éterniser).

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Le premier jour, je n'ai pas réussi à rester entièrement nue plus de dix minutes – principalement parce que je suis une fille assez complexée et que la quasi intégralité de notre chambre était ornée de miroirs. J'ai eu l'occasion de découvrir à quoi ressemblait mon postérieur imposant sous quatre angles différents – une découverte qui ne m'a pas enchantée plus que ça. Mais comme la plupart des autres clients de l'hôtel semblaient être plutôt à l'aise, j'ai essayé de faire un effort. À ma grande surprise, beaucoup de regards masculins se sont portés sur moi – même si la star de nos vacances était clairement la toison pubienne de Kelsey. Voici un florilège des commentaires qu'elle a reçus de la part de la gent masculine :

« MAIS QUELLE TOISON ! » (en prenant bien soin de pointer du doigt la partie concernée)

« Puis-je vous faire un compliment ? J'adooooore les touffes bien garnies. »

« Vous êtes la première femme que je croise à ne pas être – comment dire – rasée. »

« Est-ce que je peux vous raser ? Non ? Je peux vous lécher alors ? »

Bizarrement, j'ai éprouvé un sentiment oscillant entre la jalousie et l'admiration – pourquoi est-ce que personne ne faisait de remarque désobligeante et sexiste sur mes poils pubiens ? Je dois l'admettre, ceux de Kelsey sont particulièrement beaux – on dirait un nuage touffu composé de fines boucles, dans lequel on pourrait se perdre pendant des heures. La mienne ressemble plutôt à la barbe naissante d'un adolescent de treize ans.

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Une cliente de l'hôtel se masturbe lors d'une soirée réservée aux filles. Illustration : Kelsey Beyer

JOUR 2
L'hôtel avait prévu une leçon de pole dance, où nous avons notamment appris la position dite de la « sauterelle » et à bouger nos fesses « comme si on salait un poulet ». Sans surprise, j'étais particulièrement nulle. Au moins, on a bien rigolé et j'ai saisi cette opportunité pour poster une photo sur Facebook, où on peut me voir une jambe en l'air. « Je suis persuadée qu'il existe de nombreux mouvements de danse plus sexy que celui-là », a commenté ma mère.

Mais à mesure que les heures passaient, je commençais à me sentir plus à l'aise avec mon corps. J'ai su tirer parti des miroirs au plafond et apprendre à aimer mes imperfections. J'ai observé les parties génitales de parfaits inconnus, sans trop m'y attarder pour autant. Plus rien ne pouvait m'étonner – que ce soit les tenues fétichistes avec lesquelles nous devions dîner, la nudité omniprésente ou même le fait d'avoir le droit de boire dans la piscine. Plus tard dans la soirée, je n'ai même pas sourcillé en voyant un homme recevoir une fellation dans la même piscine.

JOUR 3
Voici une petite liste des activités que j'ai eu l'occasion de pratiquer complètement nue : le ping-pong, la plongée sous-marine, le billard, les échecs – et j'ai aussi pu danser sur « Baby Got Back », la tête ornée de cornes de diable.

À ce stade, j'étais uniquement choquée par le fait de croiser des clients habillés – encore plus lorsque la garde-robe de ces derniers les faisaient inexorablement échouer dans la catégorie « papa pervers ». « Mon t-shirt a été fait pour détourner ton attention pendant que je te reluque les seins », a déclaré l'un d'entre eux. Un autre semblait visiblement très excité, et peu enclin à vouloir le cacher.

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Jour 4
Lors de notre avant-dernier jour, nous avons rencontré Beth, qui dirige la Wild Women Vacations – une association spécialisée dans les voyages érotiques pour les femmes à tendance bisexuelle. Elle nous a parlé d'une soirée réservée aux filles ce soir-là. Nous étions assez excitées, sachant que la majorité des clients semblaient plutôt hétérosexuels.

À la soirée, des sex-toys traînaient un peu partout dans la pièce – j'ai ainsi découvert l'existence du Hi Massager, un vibromasseur de la taille d'un mixeur électrique qui peut provoquer un orgasme à travers les vêtements, ainsi que le Sybian, un sex-toy en forme de selle de cheval. Alors que des personnes nous faisaient une démonstration de fist-fucking, une femme – accessoirement dominatrice – a gentiment accepté de nous aider à utiliser lesdits sex toys. Elle était coiffée d'une casquette incrustée de diamants sur laquelle on pouvait lire la mention « SEXY ». Pendant qu'elle me fouettait, elle a délicatement effleuré mon dos avec ses doigts avant de me dire : « Tu es tellement délicate que je n'ai même pas envie de te faire du mal. »

Démonstration de fist-fucking à l'hôtel. Illustration : Kelsey Beyer

JOUR 5
Alors que nous nous apprêtions à partir, je me suis fait un petit bilan mental. J'étais heureuse de constater que nous n'avions subi aucune discrimination ou harcèlement en temps que couple de lesbiennes – même si cela est dû au fait que l'Hedonism II est un lieu fermé et unique au cœur de la Jamaïque. Nous n'en sommes sorties qu'une seule fois, pour nous rendre au Rick's Café – une autre destination touristique plutôt tolérante à l'égard des LGBT. La quasi-totalité de nos activités au sein de l'hôtel sont considérées comme illégales au sein du pays – et même aux États-Unis, où les gens ont tendance à froncer les sourcils face à quiconque afficherait ouvertement une sexualité non-conformiste (sans parler d'exhibitionnisme, de BDSM ou du fait de boire de l'alcool dans une piscine).

Ces cinq jours de nudité ne m'ont pas permis d'accepter toutes les imperfections et les défauts de mon corps – mais je me suis au moins rendue compte qu'il y a un millier de choses plus intéressantes et importantes à faire que de se critiquer en permanence. Cette semaine parmi les nudistes était rafraîchissante et exaltante, et la plupart des clients semblaient ravis de pouvoir pleinement embrasser leur nudité dans une société qui ne les y autorise généralement pas.

Après notre retour à la maison, je me suis sentie un peu plus aventureuse qu'à l'ordinaire – poussant le vice jusqu'à faire le chemin entre la salle de bains et ma chambre entièrement nue. Je ne suis peut-être pas encore devenue une #BrandNudeYouAtH2 – le hashtag prôné par HedonismII – mais je suis sortie de ce voyage grandie, moins coincée et moins préoccupée par mes vêtements. Et c'est bien là le principal.

Anna Pulley est sur Twitter.