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Douglas Spink est le plus fervent défenseur des relations sexuelles inter-espèces

Cet ancien trafiquant accusé de tenir un bordel zoophile estime que « les animaux peuvent être consentants ».

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En avril 2010, Douglas Spink, un ancien trafiquant de cocaïne, avait fait la une des journaux après que la police a procédé à une perquisition à son domicile de l'État de Washington. Ils y avaient trouvé ce qui a été décrit par la suite comme un bordel animalier, rempli de souris couvertes de vaseline. En l'espace d'une journée, Spink est devenu le symbole du monde brutal et déroutant de la bestialité.

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Mais à en croire Spink et la journaliste Carreen Maloney – qui écrit un livre sur l'affaire – la vérité est ailleurs. Maloney pense qu'on devait l'histoire des souris à une association locale de protection des animaux. Spink affirme être victime d'une machination menée par ceux que ses propos dérangeaient : il s'exprimait publiquement pour défendre la zoophilie.

Mais Spink ne se considère pas comme un zoophile lambda. Il se définit lui-même comme un chercheur en contre-surveillance, un penseur réfléchissant aux relations sexuelles inter-espèces et un militant pour l'égalité entre les espèces. On s'est entretenu avec Spink, qui purge actuellement les derniers mois de sa peine, pour parler de ce qu'il pense des relations inter-espèces et du discours commun sur la zoophilie.

VICE : Pour commencer, cela vous convient d'être qualifié de zoophile, ou vous préférez un autre terme ?
Douglas Spink : Je préfère souvent l'adjectif « inter-espèces » à celui de « zoophile ». J'y vois la même différence qu'entre les termes « gay » et « pédale ».

Je n'ai pas la prétention d'être représentatif de la population de ceux qui se livrent à des relations inter-espèces. Je suis un peu à part, même au sein de ces communautés. Je fais du saut en parachute, j'ai un MBA, je travaille au développement de technologies de contre-surveillance, et on m'a diagnostiqué le syndrome d'Asperger. Je suis un excentrique, mais ça me va très bien.

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J'ai choisi de m'opposer au discours commun qui consiste trop souvent à adopter une position très critique à l'égard des zoophiles sans chercher à comprendre. Mais le résultat, c'est que j'ai été la cible d'encore plus de critiques, et j'ai fini en prison. On m'a reproché un crime de pensée, pas un crime de fait. Mes paroles sont jugées criminelles, et des efforts considérables ont été faits pour me faire taire.

Pouvez-vous nous expliquer comment vous en êtes venu à vous exprimer sur les problèmes rencontrés par ceux qui ont des relations inter-espèces ?
J'ai grandi dans une famille où les chevaux étaient rois. J'ai appris à monter quand j'avais deux ans. Je suis capable de comprendre les choses du point de vue du cheval. En cours de biologie, on m'apprenait des choses qui me semblaient contre-intuitives par rapport à ce que mon immersion auprès des chevaux m'avait enseigné. Par exemple, que « les animaux n'ont pas de désir sexuel, et seul leur instinct les pousse à s'accoupler ».

Quand j'étais adolescent, j'ai découvert les horreurs de l'élevage industriel que des associations comme la PETA ont commencé à révéler. Je suis devenu presque exclusivement végétarien, et mon intérêt pour la défense des animaux s'est aiguisé au fil des années. Tout ça m'a mené à m'intéresser à la question des relations inter-espèces, entre les humains et les non-humains.

Vous vous êtes donc intéressé à la question de la maltraitance animale, et à celle de la sexualité des animaux – mais comment avez-vous franchi le pas, comment vous êtes vous engagé dans des relations intimes avec des animaux ?
Quiconque est prêt à se dire révolté par des relations intimes entre deux mammifères sociaux, et ce en s'appuyant uniquement sur des suppositions, prouve qu'il est très loin de comprendre ce qu'est vraiment un mammifère social. Le tabou autour de cette question est un construit social.

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J'entends parfois des gens qui, dans des discussions privées, sont prêtes à dépasser ce tabou, en s'interrogeant sincèrement sur le sujet. Mais dès que nous nous exprimons publiquement, dès que les gens peuvent mettre un visage sur la question des relations inter-espèces, l'hostilité reprend le dessus. Ce n'est pas la même chose que la gêne de certains individus quand on évoque le sujet de l'homosexualité. La sexualité inter-espèces est niée, rejetée, mais en même temps, elle fascine et intrigue.

La persécution à l'égard des gens comme moi n'a pas toujours été aussi systématique. Je sais que la plupart des gens partent du principe que nous avons toujours été persécutés. Mais cette supposition ne résiste pas à un examen minutieux des faits.

Vous avez des exemples historiques de sociétés où ce genre de relations étaient jugées comme normales ? Quand est-ce que le sujet a commencé à déranger ?
Un fait marquant, tout d'abord : dans différentes mythologies, le thème de l'accouplement entre humains et non-humains est central. L'explication de la genèse laisse une place plus ou moins importante, dans de nombreuses cultures, à ce type de relations. Ceci montre que ces relations n'avaient rien d'inconcevable pour ces cultures. Il semblerait au contraire que l'inconcevable – pour ces cultures, en tout cas – serait que ces relations n'existent pas.

Je remarque que l'hostilité à l'égard des relations inter-espèces s'est développée en parallèle de l'élevage industriel, de cette torture industrialisée qu'est la production de viande aujourd'hui. Une relation de causalité entre ces deux phénomènes est envisageable, mais elle est encore discutée aujourd'hui.

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Nous nous éloignons de plus en plus des autres vivants. Les rares animaux de compagnie qu'on croise dans nos rues ont le plus souvent subi des mutilations chirurgicales – ils ont été stérilisés – afin d'en faire des des êtres dé-sexualisés, des animaux dénaturés. Nous ne croisons presque jamais de vrais animaux, ce qui nous permet de nous distancier plus facilement du concept de non-humains et de nier la réalité de leur nature.

Illustration : Julia Gfrörer

Qu'il y ait des précédents historiques ou pas, les critiques portent souvent sur l'impossibilité qu'a l'animal de donner son consentement. Toute relation sexuelle avec un animal serait au mieux coercitive, au pire abusive. Qu'avez-vous à répondre à ça ?
Il est facile de voir en quoi le fait de dépecer un animal vivant – comme on le fait à longueur de journée partout dans le monde, peut le faire souffrir. En revanche, l'équation relation inter-espèces = abus n'a pas de fondements scientifiques ou empiriques.

Les gens partent du principe qu'il y a toujours abus dans ce genre de relations, parce que les non-humains ne peuvent pas donner leur consentement à avoir un rôle passif dans une relation sexuelle. Mais ils oublient les cas où c'est l'homme qui est passif. Quant à dire que les animaux sont incapables de faire leur propres choix concernant leurs relations sexuelles, c'est faux : une jument peut très bien refuser un étalon. On appelle ça la sélection intersexuelle, et c'est un élément très important de l'évolution des espèces de mammifères.

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S'ils ne peuvent pas consentir à une relation avec un être humain, alors ils ne peuvent consentir à aucune relation sexuelle, ce qui signifierait que le monde serait le résultat d'une infinité de viols incessants, impunis et ignorés. Cette vision ne tient pas la route. C'est une insulte à la vie, à l'autonomie d'êtres sensibles et conscients d'eux-mêmes.

Les vrais défenseurs des animaux savent à quel point il peut être dangereux d'identifier toute relation inter-espèce à un abus, car cela dessert à la fois l'humain et le non-humain qui interagissent ainsi.

Les hommes peuvent être cruels et commettre des horreurs à l'égard des animaux. Des taureaux dont on recueille le sperme par électro-éjaculation, en leur insérant une électrode dans le rectum, aux juments qu'on fait inséminer par des vétérinaires alors qu'elles se débattent, il existe de nombreuses activités qui ont un rapport non consensuel à la sexualité animale, mais qui, elles, sont tout à fait légales.

Pour moi, c'est là qu'est le crime. Ces viols sont institutionnalisés car ils sont au cœur du fonctionnement de l'industrie de l'élevage. Le problème est là, pas dans des relations inter-espèces qui, elles, sont moins violentes et réciproques.

Qui sont les gens qui engagent ce type de relation ? Vous vous dites différent, mais pour les autres, y a-t-il un dénominateur commun ? Existe-t-il une communauté qui définit son identité avant tout par rapport à cette pratique, ou ce comportement est-il plutôt quelque chose de dissimulé et d'idiosyncratique ?
Cette communauté, aussi fragmentée et dysfonctionnelle soit-elle, existe bel et bien. Il y a parfois des tensions entre les « zoophiles à chiens » et les « zoophiles à chevaux ». Et les brebis galeuses sont souvent celles qui sont mises en avant par les médias. Mais pour autant, elles ne sont pas représentatives du reste du troupeau.

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On peut y voir des similitudes avec la communauté LGBT. Déjà, peut-on vraiment parler d'une « communauté LGBT » ? Peut-on vraiment trouver une identité sociale commune au motard des Village People, au chanteur des Scissor Sisters et à Beth Ditto ? Par ailleurs, si les gens sont globalement d'accord aujourd'hui qu'il est absurde de vouloir « guérir » l'homosexualité, pourquoi s'obstiner à vouloir obliger des gens à renier leur attirance sexuelle pour des non-humains, alors même que cette attirance fait partie de leur identité et influence leur conception du monde et leur place dans la société ?

Les membres de cette communauté sont généralement des personnes proches de la nature, très empathiques, « douées » avec les animaux avec qui elles s'entendent particulièrement bien. Ils sont assez réservés quand il s'agit d'évoquer cette aisance auprès des animaux. Ils semblent aussi être relativement moins bavards et plus forts en maths que la moyenne. Je me demande parfois s'il n'y a pas une prédisposition des autistes à rejoindre plus tard cette communauté. Souvent, aussi, on se rend compte que ces personnes ont souffert au cours de leur vie.

Cette souffrance peut parfois se manifester de manière spectaculaire et destructrice. Randy Pepe, par exemple, était un zoophile reconnu qui s'est retourné contre sa communauté à la fin des années 1990. Il tenait une kill list sur son site web – et il se félicitait lorsqu'une personne de sa liste se suicidait ou voyait son partenaire non-humain décéder ou se faire enlever suite à sa campagne haineuse.

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Les cicatrices, les souffrances de ces personnes renvoient à leur identité duale, ainsi qu'à leur difficulté à assumer leur psychologie.

Vous parlez de persécution. Quelles formes prend-elle ?
Le plus tragique, c'est que l'intolérance qui se manifeste à l'égard des relations inter-espèces vise souvent le partenaire non-humain en priorité. Des cas de violence ont été rapportés et documentés, où la police brûlait les parties génitales de juments au chalumeau sous les yeux de leur propriétaire, zoophile présumé. Dans mon cas, ce que j'ai subi n'est rien en comparaison de ce qui a été fait à ceux que j'aime – que j'aime comme des membres de ma propre famille, pour qui je serais prêt à donner ma vie. Ils ont été assassinés alors que j'étais détenu en prison, incapable de les sauver. Il est difficile d'affirmer qu'on fait tout ça pour le bien-être animal quand les premières victimes sont les animaux eux-mêmes.

Les minorités victimes de stigmatisation se heurtent souvent à un mur d'affirmations infondées, d'explications incohérentes ou contre-factuelles relayées par la majorité. Il suffit de voir combien de journaux respectables ont relayé le mensonge des souris baignées dans la vaseline. Il n'y a pourtant rien dans le dossier qui permette de soutenir ces allégations. J'ai aussi eu l'occasion de voir que les journalistes pouvaient se permettre sans scrupules d'écrire sur moi sans même avoir pris le soin de me contacter une seule fois pour parler avec moi au préalable.

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Les mensonges qui sont relayés à notre sujet sont parfois si ridicules, que des efforts immenses sont faits pour faire taire tous ceux qui pourront mettre en évidence leur incohérence ou leur manque de véracité. On m'a menacé de mort, on m'a dit que j'allais passer des années en prison, on a essayé plusieurs fois de me faire arrêter pour des crimes imaginaires. Mais au moins, mon cas a permis d'attirer l'attention, et aujourd'hui on ne peut plus nous faire taire par la menace.

Il est pratiquement impossible de ne pas voir un point commun entre l'intolérance des homophobes et l'intolérance de ceux qui s'opposent aux relations inter-espèces : on retrouve souvent la même tendance à se référer à des passages de l'Ancien Testament, en particulier du Lévitique. Selon moi, c'est le fait qu'il devienne mal vu pour ces fanatiques d'exprimer leur haines envers les homosexuels qui les a conduit à se tourner vers notre communauté.

Cette théorie ne plaît pas à tous ceux qui prétendent lutter contre les discriminations basées sur les préférences sexuelles. Pour eux, la seule alternative possible, c'est hétéro/homo.

Vos arguments reposent sur le fait qu'on vous persécute pour votre orientation sexuelle. Mais jusqu'à preuve du contraire, les relations inter-espèces ne sont pas reconnues comme une orientation sexuelle légale et légitime. Comment gérez-vous le fait que la société et le système légale ne reconnaisse pas la validité de ce que vous décrivez comme une orientation sexuelle ?
Le consensus évolue, des chercheurs commencent à se demander si les relations inter-espèces peuvent en vérité être une orientation sexuelle légitime, quel que soit le sens que vous donniez à « légitime » ici. Mais on peut retourner le problème : quelles études permettent de dire que ce n'est pas une orientation sexuelle légitime ? Il n'y aucune recherche là-dessus.

Ça m'est égal que la société ou le système judiciaire veuille bien reconnaître la validité d'un fait empirique. Ce qui me dérange plus, d'après mon expérience personnelle, c'est que le système judiciaire soit capable de tout faire pour éviter de se poser des questions et de faire face aux problèmes soulevés.

Ce que je retiens, c'est que :

1.    La haine basée sur l'orientation sexuelle d'autrui n'est pas acceptable
2.    Les relations inter-espèces sont une forme d'orientation sexuelle
3.    La haine à l'égard des individus ayant des relations sexuelles avec des animaux n'est pas acceptable.

Vous n'hésitez pas à vous exprimer publiquement sur le sujet. Quels sont vos objectifs ?
Je cherche à soutenir des interconnections réciproques et assumées entre humains et non-humains. En face, des gens nous persécutent, nous haïssent, nous manquent de respect.

C'est problématique dans le domaine politique car cela traduit un échec du principe de l'égalité devant la loi, puisqu'on dit : « la loi existe pour protéger les individus, mais pas vous ». Il ne s'agit pas seulement des gens comme moi : ce problème touche aussi les immigrants, les transsexuels, les pauvres. C'est une trahison des principes mêmes de notre pays ; l'égalité, la protection juridique et les procès en bonne et due forme.