FYI.

This story is over 5 years old.

News

Comment arrêter de flipper dès qu’un taré crie « Allahou Akbar » ?

On a demandé à un psychanalyste si l'on pouvait distinguer le simple poivrot du soldat de Daesh.
Paul Douard
Paris, FR

Je crois qu'on peut le dire sans trop se mouiller : la France vit aujourd'hui dans un climat de peur plus ou moins généralisée. Les attentats à répétition de ces dernières années font peser une chape de plomb sur le pays. La suspicion est permanente et l'hystérie n'est jamais loin – surtout quand un abruti gueule « Allahou Akbar » pour une raison obscure, ce qui a pour conséquence de créer de véritables scènes de panique.

Publicité

C'est ce qui est arrivé le 5 août dernier dans l'un des locaux de la Caisse d'allocations familiales de Marseille, situé dans le XIVe arrondissement de la ville. Un homme de 30 ans y a débarqué pour réclamer de l'argent. Après avoir été un peu trop agressif à l'encontre du guichetier, les vigiles présents dans la salle lui ont demandé de sortir. C'est à ce moment-là que ce type a changé de ton et s'est mis à crier une dizaine de fois « Allahou Akbar » et « Je vais tout faire sauter ! » avant de mettre la main dans sa sacoche, comme le rapporte le site du quotidien La Marseillaise. Comme on pouvait s'y attendre, les gens présents dans le hall ont totalement paniqué. Au final, l'homme n'était pas armé et n'avait rien à voir avec un quelconque groupe terroriste. Il s'agissait d'un pauvre type multirécidiviste, d'un paumé ayant une dent contre une immense partie de la société.

Situation similaire à Cannes il y a peu. Comme le rapporte Nice Matin, un homme d'une quarantaine d'années a suivi des retraités sur leur bateau avant de crier « Allahou Akbar » et de tabasser tout le monde. Les petits vieux ont tous fini par-dessus bord. Que pouvons-nous tirer de ces faits divers épisodiques ? Comment pouvons-nous distinguer le simple poivrot du soldat de Daesh ? On a demandé au psychanalyste Patrick Amoyel de nous expliquer comment ne pas flipper dès qu'un type un peu taré crie « Allahou Akbar ».

Publicité

VICE : Qui sont les gars qui crient « Allahou Akbar » pour effrayer les gens ?
Patrick Amoyel : Les deux cas que vous citez dans votre introduction sont de véritables déséquilibrés. Il s'agit de mecs un peu paumés. Pour Cannes, c'était un sans-abri.

Vous savez, ces quelques personnes ne savent sans doute même pas ce que ça veut dire. Ils ne doivent pas être capables de contextualiser ce cri. On se situe dans le domaine de l'ignorance plus que du terrorisme. Ils agissent comme des enfants dans des corps d'adultes, enfants qui reproduisent ce qu'ils voient et entendent afin d'attirer l'attention. Ils ne terrorisent pas une population à des fins politiques, c'est évident.

Qu'est-ce qui différencie un terroriste d'un simple déséquilibré, selon vous ?
Il est impossible de les différencier. On peut simplement dire que lorsqu'il y a une vraie attaque, il s'agit très souvent d'un message politique, et non d'un déséquilibré.

Après, il est vrai que certains psychotiques passent à l'acte. Il s'agit de psychiatrie classique, motivée par des choses inconscientes. Il n'y a aucune préméditation, au contraire d'un acte terroriste. C'est une pulsion.

Si on prend l'exemple des deux mecs qui ont tué le prêtre à Saint-Étienne-du-Rouvray, il était très difficile pour le juge de savoir qu'il avait devant lui deux terroristes en puissance. Ils le cachent très bien. Il n'y a que des psychiatres qui peuvent s'en apercevoir. Souvent, un mois avant, ils mangent du jambon et se rasent la barbe pour se dissimuler. De plus, les renseignements généraux sont en sous-effectif, il leur est donc impossible de surveiller tous les gens radicalisés – ils ne vont pas non plus chercher à en savoir plus sur un SDF à moitié bourré qui commence à crier Allahou Akbar.

Publicité

Comment ne plus avoir peur d'un type qui hurle « Allahou Akbar », alors ?
Pour être honnête, c'est tout simplement impossible. Dans cette optique-là, le rôle du gouvernement et des autorités est de ne pas affoler la population – lorsqu'elle l'est, elle fait n'importe quoi.

C'est d'ailleurs pour cela que le gouvernement, après un attentat, a intérêt à faire passer comme premier message qu'il s'agit d'un déséquilibré – afin d'éviter les réactions à chaud de la population à l'encontre des musulmans. Il faut faire retomber la première pression. C'est une bonne stratégie mais ça minimise le problème. Par exemple, quand l'État parle de 600 radicalisés dans toute la France, on est plus autour de 60 000. Pareil pour le récent débat sur les fichés au sein de l'Éducation nationale. L'État et les médias évoquent dix cas dans toute la France. Je peux vous dire que j'en ai déjà dix ici, dans les Alpes-Maritimes.

Après, je continue de penser que cette stratégie est la bonne. Depuis l'attentat de Nice, j'entends des tas de gens dire qu'ils vont s'armer pour se défendre, et ce n'est pas bon.

Je vois. Merci M. Amoyel.

Suivez Paul sur Twitter.