Dans l’arrière-boutique de la libraire parisienne 0fr, des gens sont assis dans le noir. Discrets, ils écoutent les paroles excitantes de Badbadtati. Un peu plus loin, dans un coin, des corps s’emmêlent et se touchent sur les coussins duveteux. D’autres regardent les photos érotiques exposées pour l’occasion. L’ambiance est à la sensualité.
L’installation sonore de Tatiana Gecmen Waldeck est une douce invitation à la concupiscence. En sept épisodes, Badbadtati (la voix du personnage de Tatiana G. Waldeck) et son vagin, Lychee, content leurs aventures sexuelles de Venise à Ibiza. D’une baise dans les toilettes d’un club aux ébats à deux, à trois, à quatre dans les chambres d’hôtels, la naughty girl fait tout pour satisfaire les lèvres de son Lychee. Le choix est d’ailleurs évident : « Le lychee est un jeu. La manière dont on le mange, dont on le croque. Sa couleur… c’est juteux mais c’est ferme et c’est bon », souffle Tatiana, le regard malicieux, assise sur un banc perdu au milieu des livres arty de la boutique.
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Issue de l’univers de la mode, moitié autrichienne, moitié française, Tatiana a commencé son projet Badbadtati il y a trois ans. “Je me suis toujours intéressée à l’art contemporain, au libertinage français, au festival de films indépendants… Et je me suis lancée. Enfant, j’avais beaucoup de cassettes qui contaient toutes sortes d’histoires. Je voyageais en les écoutant. Je m’en suis inspirée pour créer une version adulte”.
Une version adulte tirée de ses expériences, mais pas que : “Il y a de tout. Il y a mes propres expériences mais il y a aussi des histoires romancées ou exagérées, des fantasmes que j’aurais aimé vivre…». De 20 à 25 minutes, chaque épisode laisse l’auditeur songer, désirer, rêvasser. Sans oublier l’humour : le mot “ironique” est répété à chaque début d’histoire, et la voix du vagin est volontairement criarde.
« C’est beaucoup de boulot, mais je ne me prends pas trop au sérieux. C’est de l’entertainment avant tout, c’est pour l’écouter en mouvement. Il faut toujours une touche d’humour, aussi bien dans le sexe que pour quelque chose de plus grave”.
0fr Librairie le 11 mai 2016 à l’occasion du vernissage de l’installation de Badbadtati. Paris. – © Lisa Burek
Derrière l’humour, pourtant, se cache l’idiome d’une société pornographiée. Quand la génération YouPorn consomme le sexe par l’image, BadBadTati, elle, le stimule autrement : « L’imagination est importante. Il en manque de nos jours et elle s’est un peu perdue en matière de sexe», confie-t-elle à The Creators Project. Et de continuer : “ Le mot sensualité est de plus en plus bafoué aussi. “Sexy, sexy, sexy” : ce mot est partout. On oublie souvent qu’on peut être sexy sans rien montrer, parfois même sans rien dire.” Badbadtati est féminine et féministe. Derrière ses aventures contées, il y a la voix et le journal de bord d’une femme qui assume ses découvertes sexuelles là où la stimulation féminine est trop peu entendue. “C’est important de se découvrir, renchérit Tatiana. De se demander ce qui nous excite dans son intimité propre. Est-ce que c’est une grosse bite ? Est-ce que c’est voir deux lesbiennes qui s’embrassent et qui se lèchent alors que l’on est soi-même hétérosexuel ? Est-ce que c’est voir une fille qui se fait sauvagement gangbanger ? Je n’ai jamais vraiment lu de choses sur ce que les filles aiment vraiment dans la masturbation. Il y a tellement de fantasmes et d’états d’âmes différents. C’est important de pouvoir les assumer sans jugement.”
Tatiana Gecmen Waldeck travaille déjà sur une prochaine saison. Cette fois-ci, Badbadtati sera freaky. L’auteur explorera l’émotion de la peur. La première saison peut-être téléchargée sur Itunes ou écoutée sur bandcamp.