Gideon dans la rue
Photos : Bernardo Martin
Life

10 questions que vous avez toujours voulu poser à un collecteur de fonds

Même si c’est pour la bonne cause, il peut être éprouvant de convaincre les passants dans la rue de vous donner de l'argent.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR

Gideon* a le don d’agacer les gens. Pourtant, ce jeune homme de 20 ans a les meilleures intentions du monde : il collecte des fonds dans la rue pour World Vision, une agence qui aide diverses ONG à trouver de nouveaux donateurs.

Après avoir été refusé dans un cursus d'études sociales à l'université, Gideon a fait de son emploi à temps partiel un poste à temps plein. Depuis, il demande de l'argent à des étrangers quatre à six jours par semaine.

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Mais il n'est pas facile d'approcher quotidiennement des centaines de personnes qui ne veulent pas vous parler, alors j'ai demandé à Gideon comment il faisait pour garder le moral.

VICE : Salut, Gideon. Est-ce qu'on te demande parfois de collecter des fonds pour des causes que tu ne soutiens pas ?
Gideon :
Ça n'est jamais arrivé jusqu’à maintenant. Je soutiens l'organisation que nous promouvons en ce moment – elle ne dépense pas beaucoup en frais supplémentaires, donc la plupart des dons vont directement aux projets. Nous avons aussi le droit de choisir les projets que nous voulons soutenir.

Est-ce que tu te trouves toi-même casse-pieds par moments ?
Eh bien, après avoir parlé six ou sept heures dans la journée, oui, ça m’arrive. J'essaie toujours d'être créatif et de développer des approches individuelles, mais j'utilise beaucoup de phrases d’accroche standard. À chaque fois, il faut se présenter et répéter les mêmes informations. C'est lassant.

Ça ne te dérange pas d'être insistant avec les gens ?
Disons que je ne force personne, mon travail consiste plutôt à informer et à sensibiliser. Je parle de l'organisation, je présente deux de mes projets préférés, et si les gens sont intéressés, je les inscris comme donateurs réguliers. Mais ceux qui refusent, je les laisse bien évidemment partir.

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Gideon.

Gideon.

De ton côté, combien donnes-tu par mois ?
Environ 50 euros. Il serait malhonnête de demander des dons dans la rue sans en faire moi-même.

Si c’est si important pour toi, pourquoi ne pas faire du bénévolat ?
Je collecte des dons quatre à six jours par semaine. Chaque jour, je passe environ sept heures dans la rue, plus une heure d'aller-retour en voiture, puis deux heures de préparation et une heure de travail de suivi. Parfois, je suis dehors douze heures par jour. Disons qu'en étant bénévole, j’aurais du mal à joindre les deux bouts.

Comment t'y prends-tu pour convaincre les gens de faire un don ?
J'essaie de m'intéresser aux gens et de savoir à qui j'ai affaire. Je fais en sorte que la conversation soit agréable et personnalisée. Certains me disent qu'ils veulent d'abord en parler à leur conjoint, ou qu'ils ne veulent pas donner leurs coordonnées dans la rue. Je leur explique qu’un premier don ne se fait pas automatiquement et qu’ils ont amplement le temps d’en parler à leur conjoint. Je leur dis aussi que la confiance du public est essentielle pour une ONG, et qu'elles ne peuvent pas se permettre d'utiliser les données des gens à mauvais escient. 

Est-ce que tu mens aux gens ?
Non. Je leur donne certaines statistiques, comme le nombre d'enfants qui travaillent dans le monde, des informations que l’on trouve facilement sur Internet. Un mensonge, c’est souvent un don de perdu. Je ne peux pas me le permettre.

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Es-tu payé à l'heure ou à la commission ?
Les deux. Il y a un salaire de base fixe, mais ce n'est pas beaucoup [le salaire minimum est de 9,35 euros en Allemagne]. Mais je pense que le système est bien fait. Si tu es bon, tu peux très bien en vivre.

Gideon dans une rue bondée.

Gideon dans une rue bondée.

Ton patron fait-il pression sur toi pour que tu atteignes tes objectifs ?
Pas vraiment. Je pense qu’on a tous pour objectif de signer de nouveaux donateurs chaque jour, parce qu’on ne veut pas faire perdre de l'argent à l'ONG. Si tu n’as pas été à la hauteur pendant quelques jours, quelqu'un t’en parlera pour voir ce qui se passe et ce qui peut être amélioré. Si tu n’as inscrit personne en une semaine, peut-être que le poste n'est pas fait pour toi.

Est-ce que tu te sens coupable lorsque tu inscris quelqu'un qui n'a pas les moyens de faire des dons ?
Je n'essaie pas du tout de convaincre ces personnes. Même si je suis sûr que la plupart des gens dans ce pays ont au moins dix euros à consacrer à une bonne cause s'ils le souhaitent. J'ai déjà pris contact avec des personnes qui étaient un peu à court d'argent, mais je leur ai fait savoir qu'elles pouvaient arrêter les dons à tout moment. 

*Le nom a été modifié.

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