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Nouvelle tendance : manipuler son génome en direct sur Facebook

"Je veux vivre dans un monde où les gens bourrés utiliseront la technologie CRISPR sur eux-mêmes, plutôt que de se faire un tatouage pourri sur le cul."
Capture d'écran Facebook. Image : Tristan Roberts

Josiah Zayner est un personnage pour le moins intéressant. La trentaine, un doctorat en biophysique de l'Université de Chicago en poche, il a travaillé au Centre de recherche AMES de la NASA. Mais la recherche universitaire l'ennuie : trop lent, trop routinier. Zayner a donc décidé de céder au cliché du nerd entrepreneur et de créer une start-up dans son garage. Aujourd'hui il commercialise, grâce au financement participatif, un kit permettant d'utiliser la technologie CRISPR-cas9 chez soi, dans sa cuisine.

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En octobre dernier, il a tenté de modifier de génome en direct lors d'un Facebook Live. Officiellement, le but de l'expérience était d'intervenir sur ses cellules pour désactiver le gène de la myostatine, un facteur de croissance qui limite le développement des tissus musculaires, et de le remplacer par une protéine fluorescente – afin de visualiser aisément l'action de l'outil CRISPR sur le corps.

Quelle a été l'effet réel de la manipulation ? "Je ne sais pas trop", admet Zayner pendant le live. Les risques de l'opération étaient importants : il risquait une infection, une réaction immunitaire violente et même un cancer, dans le cas où cas9 aurait coupé la séquence génétique au mauvais endroit. La probabilité qu'une unique injection produise un effet tangible était heureusement quasi-inexistante – ce qui n'est pas plus mal puisque dans le cas inverse, Zayner se serait retrouvé avec des muscles démesurément gonflés, brillant dans la nuit comme des gilets jaunes.

Pourtant, Zayner, ne semble guère préoccupé par sa propre sécurité. Ce qui l'intéresse, c'est avant tout de démocratiser cette technologie et de la mettre à disposition du plus grand nombre, en-dehors de la sphère académique et de l'industrie pharmaceutique. "Je veux vivre dans un monde où les gens bourrés utiliseront la technologie CRISPR sur leur propre génome plutôt que de se faire un tatouage pourri sur le cul", a-t-il déclaré à Buzzfeed News.

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Malgré cette exubérance apparente, Zayner fait toujours très attention à ce qu'il écrit et dit publiquement. Pour le moment, il exploite une zone grise de la législation : tous les produits qu'il vend sont accompagnés d'un avertissement spécifiant que leur usage sur l'humain est strictement interdit. De même, ses guides sur l'expérience de la myostatine ou sur l'utilisation d'un vaccin DIY contre le cancer sont officiellement destinés à "exercer sa liberté d'expression, mais ne possèdent pas de but thérapeutique". Zayner a été la première personne au monde à s'auto-administrer une thérapie génique en direct sur Facebook, mais il a très vite été imité par d'autres biohackers issus de la mouvance libertaire-transhumaniste qui souhaitent faire de l'usage de le CRISPR un droit universel.

Quelques jours après la performance de Zayner, Tristan Roberts, un jeune développeur, a organisé son propre livestream. Le jeune homme a découvert qu'il avait contracté le VIH en 2011. Le virus a pu être maitrisé grâce à un traitement antirétroviral, mais suite à des problèmes d'assurance maladie, Tristan s'est trouvé dans l'incapacité de suivre son traitement. À ce moment-là, il a été contacté par Ascendence Biomedical, une start-up composée de trois biohackers d'obédience transhumaniste qui cherchaient des sujets pour tester la thérapie génique sur des humains avant de diffuser publiquement leurs résultats sur Internet.

"Nous conseillons vivement à tous ceux qui ont vu cette vidéo de reproduire l'expérience chez eux."

Selon Gizmodo, le traitement en question est basé sur l'anticorps N6, qui, dans de rares cas, est produit par des patients infectés par le VIH et a longtemps été considéré comme l'un des meilleurs candidats pour le développement d'un vaccin anti-VIH. Or, le temps de la recherche biomédicale est long, et les biohackers sont impatients. Après l'essai de Tristan, qui constituait la première injection d'une thérapie génique à base de N6 sur l'humain, le PDG d'Ascendence s'est empressé de claironner : "Nous conseillons vivement à tous ceux qui ont vu cette vidéo de reproduire l'expérience chez eux." Le jeune homme n'a pas été assisté dans l'opération afin d'éviter les ennuis juridiques. Ascendence vend également du plasmide "destiné à la recherche scientifique" ainsi qu'un traitement anti-âge permettant, soi-disant, de prolonger l'espérance de vie.

Le plus probable est que l'injection n'ait pas le moindre effet sur Tristan. Son initiative suscite néanmoins beaucoup d'inquiétude dans la mesure où le jeune homme ne possède aucune expertise en génie génétique, confond de toute évidence ADN et l'ARN, et subit une grosse pression de la part de ses "camarades" biohackers qui lui réexpliquent le fonctionnement du traitement à plusieurs reprises lors du live. Espérons que les cas de Josiah et Tristan inciteront les régulateurs à agir rapidement.

De son côté, Zayner soutient qu'un monde dans lequel tout le monde pourrait modifier son génome à tout moment "serait beaucoup plus intéressant".