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Une brève histoire des rivalités entretenues par le Red Star

Si le club de Saint-Ouen n’a jamais hérité d’un frère ennemi clairement identifié, il a connu quelques belles rivalités au cours de sa riche histoire.
Photo va allezredstar.com

VICE et le Red Star se sont associés pour suivre la saison des Vert et Blanc de Saint-Ouen sur et hors des terrains, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français qui joue en National, la troisième division française. Aujourd'hui, on revient sur la longue histoire du club, assez riche pour être émaillée par des rivalités locales, mais trop chaotique pour qu'une véritable ambiance de derby ait pu s'installer contre un club en particulier.

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« Le football n'est pas une question de vie ou de mort, c'est quelque chose de bien plus important que cela », s'amusait à dire Bill Shankly, mythique entraîneur de Liverpool durant les années 1960-1970. À quoi lui répondait Albert Camus, écrivain et véritable passionné de ballon rond : « Le peu de morale que je sais, je l'ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités ». Entre les deux on sent que ce qui se dessine sur un rectangle vert relève bien davantage de la dramaturgie humaine que du fair-play entre gentlemen, de Marvel que de Marcel Proust. Et qu'il faut donc un gentil et méchant, le bien et le mal, des héros et des vilains.

De fait, au cours de sa longue histoire, les grands rivaux du Red Star furent et restent encore grandement ceux du terroir francilien. Les Havrais peuvent faire tourner la machine à remonter le temps, le « football association », comme les journalistes écrivaient alors pour le distinguer du « football rugby », s'avère d'abord et avant tout l'enfant d'une greffe réussie dans le corps du peuple de Paris et le cœur des apaches des fortifs. Le Red Star va donc devoir jouer des coudes pour siéger à la table des hautes instances. Un besoin de reconnaissance aujourd'hui redéfini par l'ambition de briller à l'ombre d'un Paris Saint-Germain titanesque.

Le 4 Mars 1978, dans un Bauer chauffé à blanc, le coach du PFC se prend des cailloux sur la tête après un bras d'honneur au public

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Commençons par le début de nos affaires. Par la vérité du terrain et les pionniers des compétitions nationales. Le Red Star, personne n'osera affirmer le contraire, constitue sans conteste une institution inaliénable du football hexagonal. En revanche, il n'a jamais été, sur une assez longue période, un club de premier plan assez important pour cristalliser de puissante opposition, même de l'acabit de ce qui a pu exister entre l'Olympique de Marseille et les Girondins de Bordeaux par exemple. En outre, la situation singulière du football parisien n'a que rarement permis de cristalliser de derby assez fort de sens et de symbolique pour marquer les esprits et les chroniques, à l'instar de ce qui est advenu entre Lyon et Saint-Étienne (sans aller jusqu'au cas d'école entre Arsenal et Tottenham).

Toutefois après la Première guerre mondiale, une fois les canons tus et les foots catho et laïque unifiés au sein d'une même fédération, une ébauche de course à l'échalote s'instaure. Le but ? Savoir qui est la maison dominante de Paris et sa périphérie (petit hommage à MC Jean Gab1 en passant). Les coupes de France servent alors à départager les prétendants. Rappelons que la finale initiale, disputée le 5 mai 1918 avant même la fin du conflit, est remportée par l'Olympique de Pantin contre le FC Lyon. Plusieurs équipes évoluent alors dans la capitale, le Club Athlétique de Paris, le Racing, le Stade français, et, évidemment, le Red Star qui, après une genèse bourgeoise dans les beaux quartiers de la ville lumière, a posé les pieds et les crampons du côté Saint-Ouen, en pleine banlieue ouvrière de sueur et de souffrance.

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Lorsque les désormais Audoniens se retrouvent face à l'Olympique de Paris au stade Pershing [stade situé dans le bois de Vincennes, ndlr], le 24 avril 1921, l'enjeu consiste pour les deux équipes à affirmer et asseoir une certaine suprématie dans ce foot encore marqué du sceau du centralisme jacobin. Le héros qui amène le Red Star jusqu'à la victoire se nommera Pierre Chayriguès, enfant des faubourgs formé au Club Athlétique Socialiste de Levallois, porté en triomphe par ses coéquipiers à la fin du temps réglementaire.

Jean-Michel Caron face au Stade français, le 18 mars 1979. Photo via allezredstar.com.

Ce combat pour s'assurer l'hégémonie sur la région parisienne et ses nombreuses équipes continuera un bout de temps. L'homme libre, le quotidien fondé par Clemenceau, explique encore le 30 mars 1933, au sujet d'une rencontre entre le CA Paris et le Red Star qu'« une longue rivalité sépare les deux formations ». L'autre grand client se nomme le Racing Club de Paris, qui arrivera, pour sa part en plein chamboulement du Front populaire, à décrocher un doublé le 3 mai 1936 au stade Yves-du-Manoir, à Colombes, grâce à son canonnier pied-noir Roger Couard (issu du Racing universitaire d'Alger si cher à Albert Camus, on y revient) et au sérieux de son entraîneur, un certain George Kimpton, adepte d'un WM (ou 3-2-2-3) sobre et efficace. Entre-temps, le passage au professionnalisme a redessiné la carte du pays et « a relégué globalement les clubs parisiens derrière les grosses équipes de province, par exemple Sète, Sochaux ou Marseille, explique l'historien Julien Sorez. Le Red Star possède toujours une certaine notoriété, mais surtout de par ses dirigeants historiques comme Jules Rimet. »

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Dans ce cadre, les duels changent de standing. La Croix, grand quotidien catholique, narre en effet dans son édition datée du 15 mai 1934 le « dénouement » de la « rivalité » entre le Red Star et Rouen, au coude-à-coude dans leur lutte pour la montée en première division. Ce sont les Audoniens qui passent cette fois, contraignant les culs rouges aux barrages. Nul doute que l'épisode amuserait notre ancien président de la République, François Hollande, officiellement supporter des deux clubs.

Après la guerre, le Red Star continue d'ailleurs de voir se dresser devant lui les nouveaux grands noms du foot français. Le 8 et 25 janvier 1965, il doit batailler contre Reims, qui a certes perdu un peu de sa superbe. Devant 22 000 spectateurs qui se serrent au stade Bauer [le Racing de Paris recevait l'OM la veille au Parc des princes avec à peine 2 200 forcenés pour assister à la victoire logique des Olympiens, ndlr], il empoche une victoire qui lui permet de retourner parmi l'élite, pour une petite saison.

Toutefois, rien ne remplace la saveur de la rivalité avec les voisins parisiens. Même lors la venue de l'Olympique de Marseille à Bauer le 9 septembre 1994 en Division 2 (les Phocéens purgent une terrible saison de purgatoire après une relégation post-Tapie), Bauer prendra feu seulement grâce à la présence massive du Kop of Boulogne du PSG, venu soutenir opportunément les Audoniens et surtout en découdre avec les fans marseillais.

De fait, le parfum de la rivalité reviendra surtout avec le retour de prétendants sérieux sur Paname. Montés tous les deux en Division 1 en 1974, le Red Star devance le PSG qu'il avait d'ailleurs battu à domicile 2-0 le 20 avril 1974, puis l'étoile rouge fait l'ascenseur définitivement l'année suivante. Dès lors, le PSG prendra souvent la figure du contre-modèle et de l'opposant idéal, au point d'être instrumentalisé dans le débat politique. Cependant, les supporters ne seront jamais loin les uns des autres, basculant d'un stade à l'autre (pour certains par exemple pour suivre le mythique Safet Sušić, qui portera le maillot vert et blanc en 1992) ou migrer vers des terres plus accueillantes après le plan Leproux.

Mais le véritable vis-à-vis se nommera le Paris football club (PFC). Le 4 Mars 1978 notamment, dans un Bauer chauffé à blanc, le coach du PFC se prend des cailloux sur la tête après un bras d'honneur au public. Les 90 minutes ont des allures de fin du monde, puisqu'elles se soldent par une défaite et un envahissement de terrain. Le club dépose le bilan et doit repartir en D4. Il faudra attendre le retour en forme sportive des Audoniens pour que la rivalité, largement entretenue par les médias autour du fameux et si attendu second club parisien, reprenne un peu d'actualité. Un leitmotiv toujours ressorti lors des nombreux « derby » qui vont se succéder en National ou en Ligue 2. Avec en point d'orgue des confrontations entre ultras, de culture et de positionnement politiques antagonistes, en 2014.

L'émergence et la montée en puissance du Kop vont d'ailleurs donner elles aussi une autre coloration à la question de la rivalité, au sein de cet autre championnat, celui des tribunes, certes plutôt joué d'avance en National. Voilà qui peut redonner aussi tout son sel à une remontée en Ligue 2, où le Red Star pourrait bien retrouver le PFC.