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Mexique

Dans les rues de Mexico, « tout le monde bosse » pour venir en aide aux victimes

Ce mardi, le centre du Mexique a été secoué par un puissant tremblement de terre. Un bilan provisoire fait état de 216 morts, dont 86 dans la capitale.
Des volontaires, des soldats et des policiers à l'oeuvre dans les décombres, à Mexico, le 19 septembre. REUTERS/Ginnette Riquelme

Mardi 19 septembre, peu après 13 heures (20 heures à Paris), le centre du Mexique est secoué par un tremblement de terre de magnitude 7,1 sur l'échelle de Richter. Au moment où nous publions ces lignes, le système national de protection civile fait état de 216 morts : 86 à Mexico, 71 dans l'État de Morelos, 43 dans l'État de Puebla, 12 dans l'État de Mexico, 3 dans l'État de Guerrero et 1 dans l'État de Oaxaca.

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Ce nouveau mouvement sismique survient une dizaine de jours à peine après celui qui a frappé le sud du pays et 32 ans jour pour jour après le séisme de 1985. À l'époque, Mexico avait été totalement ravagée par un séisme de magnitude 8,2 et le bilan définitif avait dépassé les 10 000 morts. Ce tremblement de terre reste gravé dans la mémoire de tout Mexicain, mais c'est dans la capitale que le souvenir en est le plus vif.

Les chilangos (le surnom des habitants de Mexico) d'un certain âge savent parfaitement où ils étaient ce jour-là et tous les habitants de la mégalopole ont, au moins, des connaissances sommaires sur la géologie de leur quartier à cause de cette catastrophe. C'est justement pour rendre en quelque sorte hommage aux victimes de 1985 que la municipalité de Mexico avait organisé un exercice d'évacuation à 11 heures ce mardi. Quelques heures plus tard, Mexico croyait revivre 1985.

Des volontaires montent dans les voitures pour aller porter secours aux victimes. (Photo d'Alvaro De La Lama/VICE News)

Pendant les premières heures après le tremblement de terre, notamment dans les quartiers moins touchés au sud de la ville, la confusion règne. Le courant a été immédiatement coupé dans des milliers de foyers, le réseau téléphonique fonctionne partiellement, les taxis ont pratiquement disparu et tous les transports gérés par la municipalité sont à l'arrêt (seules certaines lignes privées de mini-bus ont continué d'opérer). Sur Insurgentes, un des principaux axes nord-sud, plus aucun metrobus ne circule et les piétons avancent tant bien que mal en discutant nerveusement. « Le bilan va être vénère, » lâche un homme dans la rue.

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La situation devient plus chaotique au fur et à mesure qu'on s'approche des quartiers centraux, qui ont été construits sur des terres récupérées en asséchant les lacs qui trônaient au centre de la vallée de Mexico. Pendant que les ambulances, les camions de la police et l'armée essayent de se frayer un passage le plus rapidement possible, les chilangos s'activent un peu partout. Ils se déploient avant même que les forces de l'ordre arrivent et assurent toutes sortes de tâches pour essayer d'aider leur ville sinistrée.

Faute de feux de circulation à cause des coupures de courant, un homme tente d'organiser la circulation sur Insurgentes. (Photo d'Alvaro De La Lama/VICE News)

Toute la ville a ressenti la secousse et des dégâts sont constatés dans des dizaines de quartiers, mais c'est probablement les colonias Condesa, Roma, del Valle et Narvarte qui sont les plus touchées. Il y a des éclats de verre et des débris sur les trottoirs de pratiquement toutes les rues.

Malgré la panique les volontaires s'activent. En face de l'université CNCI, à l'angle d'Insurgentes et Tehuantepec, un étudiant crie aux passants : « Descendez du trottoir et évitez de fumer, il y a des fuites de gaz. » Gabriel Proa, 29 ans, était en cours au moment du tremblement de terre. Il est immédiatement descendu sur la chaussée pour trouver le policier le plus proche et lui signaler qu'il allait s'installer devant sa fac, pour protéger les passants des éclats de verre qui tombent de la façade du bâtiment.

Quelques rues plus loin, à l'angle d'Amsterdam et Laredo, un bâtiment s'est écroulé et des centaines de volontaires travaillent sans relâche, encadrés par les forces de l'ordre.

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Un bâtiment détruit à l'angle des rues Amsterdam et Laredo, colonia Hipódromo Condesa. (Photo d'Alvaro De La Lama/VICE News)

Des situations similaires se produisent partout dans la ville. En dehors des périmètres de sécurité, des milliers de passants sont devenus des volontaires pressés qui se ruent vers des bâtiments en ruines ou vers les épiceries et pharmacies pour essayer de trouver les produits dont les secouristes ont besoin.

Sur l'avenue Álvaro Obregón, Alfredo Solverón, un volontaire âgé de 29 ans, explique que la solidarité de ses concitoyens est véritablement débordante.

« Il y a beaucoup de gens qui veulent nous aider, les Mexicains sont vraiment très solidaires, » constate le général. « Mais on ne peut pas laisser passer tout le monde pour des raisons de sécurité. On demande aux gens d'être patients et de nous aider à faire respecter l'organisation qui a été mise en place. »

Un volontaire tient une pancarte où sont listés les produits requis à l'intérieur du périmètre de sécurité près d'un bâtiment en ruines sur l'avenue Álvaro Obregón. Les secouristes ont besoin de gants de travail, d'atropine, de lampes torches, d'épinéphrine, de piles, de sérum physiologique, de casques et de seringues. (Photo d'Alvaro De La Lama/VICE News)

Progressivement, les efforts de secours sont mieux coordonnés grâce au déploiement des forces de l'ordre mais aussi à la présence de riverains comme Alfredo. Toute la journée, armée, marine de guerre, police, pompiers et société civile ont travaillé côte à côte. C'est justement ce que signale un général de l'armée mexicaine, Hiram Cárdenas, qui commande les troupes déployées sur le site d'un bâtiment écroulé le long de l'avenue Miguel Alemán.

« On analyse la structure pour déterminer un point d'accès parce qu'on sait qu'il y a des gens sous les décombres. Tout le monde, tous les riverains nous aident. Tout le monde bosse. Et on continue le travail tant qu'on n'a pas sauvé toutes les victimes possibles. »

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Des policiers observent l'avancée du travail des secouristes sur le site d'un bâtiment écroulé le long de l'avenue Miguel Alemán. (Photo d'Alvaro De La Lama/VICE News)

La nuit tombée, la ville reste en état de choc. Malgré tout, les volontaires continuent de se diriger vers les périmètres de sécurité. Dès qu'un bâtiment s'écroule, ils essayent de se frayer un passage dans des rues où la circulation reste très difficile. On les voit passer à pied, à vélo, en scooter ou entassés à l'arrière de pick-ups. Dans cette ville meurtrie par le souvenir traumatique de 1985, les gens ressentent le besoin de s'entraider cette nuit. Le long de l'avenue Miguel Alemán, des volontaires sonnent à toutes les portes pour essayer de trouver une scie. Sur la rue Monterrey, une voiture s'arrête à côté d'une passante pour s'assurer qu'elle n'a pas besoin d'aide.

Même si des rumeurs courent sur des voyous qui profitent de la confusion et, comme toute catastrophe, celle-ci est accompagnée d'actes de vandalisme, la plupart des chilangos semblent beaucoup plus concernés par les efforts de secours. C'est ce qu'explique Esteban Rodriguez, un professeur de philosophie qui a passé sa journée à aider les secouristes sur l'avenue Álvaro Obregón.

« Au moment du tremblement de terre j'étais au lycée où je bosse. J'avais l'impression que les murs allaient me tomber dessus. Après ça je suis rentré chez moi. Dès que ma femme est arrivée, on s'est direct organisés avec les voisins pour venir aider. Un tremblement de terre ça vous secoue et pas que physiquement. Demain, on verra clairement à quel point l'aide des habitants a été importante. »


Suivez Alvaro De La Lama sur Twitter : @AlvarodelaLama1