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FRANCE

[En Photos] Dans l’étrange manifestation circulaire contre la loi Travail

Entre 60 000 et 20 000 personnes ont manifesté ce jeudi après-midi autour du Bassin de l’Arsenal à Paris selon un parcours et un dispositif mis au point par le ministère de l’Intérieur.
Pierre Longeray
Paris, FR
La manifestation sur le bassin de l'Arsenal (Etienne Rouillon / VICE News)

Après plusieurs volte-faces du gouvernement, la manifestation du 23 juin contre la loi Travail s'est tout de même tenue ce jeudi après-midi — mais selon les conditions posées par les autorités, c'est-à-dire autour du Bassin de l'Arsenal. Un petit tour dans le calme et un soleil de plomb, encadré par un important dispositif policier.

Pour rentrer sur la place de la Bastille, d'où est partie la manifestation, il faut passer au moins un barrage de gendarmes qui fouillent les sacs et procèdent à des palpations. Selon des témoignages d'autres journalistes présents, il était impossible de rentrer avec un casque ou un masque de protection contre les gaz lacrymogènes — ce qui n'a pas été le cas pour notre équipe.

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D'après les chiffres de la préfecture, près d'une centaine de personnes ont été interpellées lors de ces contrôles et n'ont pas pu rejoindre la manifestation. Au moins deux journalistes indépendants ont été interpellés : Alexis Kraland (StreetPolitics) et Gaspard Glanz (Taranis News). Ce dernier a publié sur Twitter des photos et des vidéos Periscope depuis l'intérieur du camion de la police.

Toutes les photos sont d'Etienne Rouillon.

Toutes les personnes arrivant à Bastille ont été fouillées et priées d'ouvrir leurs sacs.

Un policier armé aux abords de la place de la Bastille.

Les panneaux en verre des arrêts de bus ont été protégés, les rues bloquées par des grilles.

En plus des agents de voirie qui ont retiré ou masqué une partie du mobilier urbain plusieurs heures avant la manifestation, plus de 2 000 fonctionnaires de polices ont été mobilisés. Au total, d'après BFM, 14 escadrons de gendarmerie mobile, 11 compagnies de CRS, une compagnie d'intervention, 25 brigades d'information de voie publique, six de la brigade anti criminalité (BAC) et six lanceurs d'eau ont été déployés.

Peu avant 14 heures, le service d'ordre des différents syndicats organisateurs de la manifestation forme le carré de tête, dans lequel plusieurs personnalités politiques se relaient pour s'adresser aux médias. On retrouve notamment Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti communiste français (PCF) et Jean-Luc Mélenchon, le leader du Parti de gauche, qui attire la plupart des caméras.

Sur le reste de la place de la Bastille, la plupart des manifestants cherchent des zones d'ombre et dégustent quelques merguez en attendant le départ du cortège.

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On pouvait tout de même acheter des bouteilles en verre sur la place de la Bastille.

Un panneau moque le trajet et le dispositif imposé par les autorités.

Jean-Luc Mélenchon en début de cortège.

Le service d'ordre encadre le cortège de tête.

En haut du boulevard Bourdon qui longe le Bassin de l'Arsenal, le carré de tête commence à chauffer avec quelques slogans. « 49.3 ou pas, on n'en veut pas du projet de loi », répète au micro un militant avant de lancer un « À vous ! » aux manifestants. Silence. Tout le monde semble un peu accablé par la chaleur.

Vers 14 heures 20, le cortège s'élance. D'après les chiffres des syndicats, ils sont 60 000 à défiler autour du bassin du sud-est de la capitale. Pour la préfecture, ils sont entre 19 000 et 20 000.

La manifestation descend le boulevard Bourdon dans une ambiance plutôt festive en passant notamment devant le commissariat du IVe arrondissement bien barricadé par des structures métalliques. Il y a de jeunes et moins jeunes dans le cortège, des étudiants succèdent aux ouvriers. Quelques « street-medics » sont aussi présents et s'apprêtent à passer une après-midi plutôt tranquille.

En à peine un quart d'heure le cortège atteint le bout du boulevard Bourdon et est censé remonter le boulevard Bastille, toujours en longeant le Bassin de l'Arsenal. Mais quelques dizaines de manifestants, plutôt jeunes, décident de bifurquer et se retrouvent nez à nez avec un barrage de gendarmes très hermétique et un camion lanceur d'eau.

La plupart des accès à la place étaient bloqués par des grilles.

Des grilles protègent un commissariat situé sur le tracé du cortège.

Vue sur le bassin de l'Arsenal pendant la manifestation qui a rempli les rues l'entourant.

Des policiers sur les rives du bassin.

Des manifestants passent devant un canon à eau.

Après avoir entonné quelques « Tout le monde déteste la police », les manifestants qui veulent sortir du parcours prévu par les autorités huent le reste du cortège qui continue sa boucle vers la place la Bastille. « Tout le monde déteste tourner en rond », chantent quelques personnes avant de se lancer dans une reprise de « Ainsi, font, font, font les petites marionnettes, trois petits tours et puis s'en vont. »

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Le reste du cortège continue vers la Bastille avec le speaker de Sud Rail qui essaye de mettre un peu d'ambiance et de remotiver les troupes en lançant aux manifestants : « On dirait une manif'de la CFDT [Ndlr, un syndicat qui soutient la version amendée de la loi Travail]. »

À peine une heure après le départ de la manifestation, la tête du cortège a fini sa boucle, alors que d'autres manifestants l'entament seulement. Quelques petits groupes de manifestants partent en direction de la gare de Lyon et bloquent un quai pendant quelques minutes avant de quitter les lieux selon des journalistes présents sur place.

Place de la Bastille, les manifestants traînent un peu. Les gendarmes leur demandent de monter sur les trottoirs afin qu'ils puissent rouvrir la circulation vers 17 heures. Au moment où nous publions, quelques personnes sont encore sur la place, nassées par des forces de police.

Un manifestant dans le cortège.

Un orchestre a joué sur la place de la Bastille.

Un policier devant le début du cortège.

Prochain rendez-vous pour les opposants à la loi Travail : le 28 juin. Le secrétaire général de Force Ouvrière l'a annoncé ce matin sur Europe 1, « Ce sera une manifestation, elle sera autorisée, Bernard Cazeneuve en a pris l'engagement. » Reste encore à voir qui fera le parcours, le ministère de l'Intérieur ou les syndicats.

Des manifestation se sont aussi déroulées dans le reste de la France, la plupart dans le calme. À Marseille, 45 000 personnes selon la CGT, 2 840 selon la police, ont défilé dans les rues. Elles étaient entre 2 000 et 7 000 à Bordeaux. D'autres rassemblements ont eu lieu à Lille, Brest, Caen, Rouen, au Havre ou à Lyon. À Rennes, une « manifestation sauvage » de près d'un millier de personnes a débuté dans l'après-midi, en marge du cortège syndical et du parcours déclaré. Plusieurs incidents sont survenus, selon l'AFP : vitrines d'une banque brisées, grilles du commissariat repeintes en rouge, poubelles brûlées.

Des policiers ont retiré leur équipement et recherchent l'ombre alors que la chaleur écrase le bassin.


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