Andre Wagner a passé 3 ans à photographier les new-yorkais dans le métro

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Andre Wagner a passé 3 ans à photographier les new-yorkais dans le métro

Et comme à la surface, les inégalités n'en finissent pas de les diviser.

« Je suis comme un gamin, j’ai toujours envie de regarder par la fenêtre » lance Andre Wagner lorsqu’il évoque ses trajets en métro.

Nous avons retrouvé le photographe Andre Wagner à Bushwick, là où la ligne J sort des profondeurs souterraines pour traverser Brooklyn et le Queens. La lumière naturelle y est meilleure que celle qui éclaire les wagons de Manhattan. Sans y être pour autant idéale. « Quand on fait de la photo de rue, le métro est le dernier endroit où aller – il y fait très sombre », dit Wagner en riant.

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La promiscuité qui rend les voyages en métro si intéressants (existe-t-il beaucoup d’autres endroits où l’on se retrouve face à des étrangers qui dorment ou rongent tranquillement leurs ongles ?) est aussi ce qui rend la prise de vues si difficile. À l’heure de pointe, Wagner hisse difficilement son appareil à hauteur de ses yeux, et ne compte plus les regards furieux qu’on lui lance parce qu’il photographie des gens qui ne s’en rendent pas compte. « J’ai appris qu’il fallait s’armer de conviction lorsqu’on s’invite dans l’espace public, dit-il. On peut froisser quelqu’un sans le vouloir. Mais lorsqu’on voit quelque chose d’intéressant, il faut savoir s’en saisir. »

Son nouveau livre, Here for the Ride, rassemble quatre ans de photographies prises dans le métro, des clichés miraculeux de New-Yorkais saisis dans des moments surréalistes et souvent poignants. Dans une image, deux hommes masqués passent une valise à travers les portes comme s’ils fuyaient après un cambriolage. Sur une autre, on découvre deux familles – une noire, une blanche – assises dans la même voiture mais séparées par un espace chargé en symbolique.

« Il y a une dimension politique à l’intérieur même du métro. Le drapeau américain flotte partout. On observe différents quartiers, différentes populations. Je suis un photographe noir, mon expérience personnelle des Etats-Unis a donc largement influencé ma sélection d’images. »

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Wagner a quitté le Nebraska pour New York en 2011 afin de continuer ses études de travailleur social. Mais au lieu de ça, il s’est mis à prendre plus au sérieux sa pratique de la photographie. En étudiant des images de photographes de rue légendaires comme Gary Winogrand, Gordon Parks ou Roy DeCarava, il décroche son premier job dans un studio photo. Son diplôme attendra : Wagner devient photographe à temps plein et voit son travail régulièrement publié dans la rubrique Styles du New York Times. Mais comme le suggère son ami Zun Lee dans la l’essai accompagnant le livre, Wagner pratique une sorte de « travail social visuel » à travers sa photographie.

Prises entre 2013 et 2016, les images de Here for the Ride relatent un moment particulier de l’historie américaine. Wagner immortalise un homme blanc en costume, seul sur un quai de métro, tenant un panneau sur lequel on peut lire : « La majorité silencieuse est du côté de Trump. » Il photographie un policier de dos, s’approchant d’un adolescent noir portant une capuche. « Parfois, j’ai l’impression que les gens ne comprennent pas mon travail. Parce que je fais du noir et blanc, ils pensent que je suis nostalgique, alors que j’essaie vraiment de témoigner de la réalité actuelle. »

Pourtant, Wagner ne se sent pas à l’aise avec l’étiquette de photojournaliste : « Ce n’est pas dans cet esprit que je souhaite voir les gens aborder le livre », affirme-il à son ami poète Miles Hodges qui a préfacé l’ouvrage. Il ne se retrouve pas non plus tout à fait dans l’idée d’être un photographe de rue. Le terme de « street photographer » a beaucoup changé depuis l’époque de Gordon Parks, note Wagner. En 2017, il est difficile d’entendre l’expression sans songer à Instagram ou à des sites particulièrement léchés. Wagner préfère donc se situer entre le journalisme et quelque chose de plus autobiographique. « J’ai l’impression d’être dans une sorte d’entre deux parce que je ne photographie pas de nouvelles histoires et que je ne suis prends pas non plus de photos au hasard dans la rue,dit-il. J’essaie de me servir du monde et de raconter l’histoire des autres à travers ce qui se passe autour de moi. »

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Malgré ses défauts, Instagram l’a aidé à partager cette histoire avec un public plus large. Comme tout le monde, Wagner trouve qu’il passe trop de temps sur l’application. Mais son grand nombre de followers (son compte @photodre mérite le détour) l’a aidé à trouver un éditeur et à vendre les premiers exemplaires de son ouvrage. « C’est aussi un outil que j’adore quand je pense aux photographes noirs qui n’ont pas pu faire connaître leur travail. Je réalise que je vis une période où c’est possible, affirme t-il. Tout ne repose pas complétement sur le bon vouloir des gardiens du temple. »

Pour plus de Vice, c’est par ici.