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Culture

J'ai maté le prochain film de Nicolas Ker chez Nicolas Ker

Au lieu de m’étendre sur les qualités et les défauts d’« Alien Crystal Palace », j’ai préféré lister les commentaires de son scénariste.
Nicolas Ker chez lui
Photos par Felix Macherez 

Alien Crystal Palace est le prolongement visuel de l’album La Rivière Atlantique de Nicolas Ker et Arielle Dombasle. Ils ont co-écrit le scénario ; l’actrice est à la fois derrière et devant la caméra, et l’ancien chanteur de Poni Hoax se pavane devant l’objectif et signe l’intégralité de la bande originale. Le pitch du thriller musical est le suivant : un savant fou trouve le secret qui prédispose à la formation du couple idéal. Avec sa nouvelle trouvaille, il tente de créer le parfait androgyne. C’est, en somme, une variante de l’épisode Hang the DJ de Black Mirror sur l’amour idéal. Sauf qu’ici l’algorithme est personnifié, il s’agit du scientifique interprété par Michel Fau.

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Du côté du casting, c’est d’ailleurs assez dément : Michel Fau donc, Jean-Pierre Léaud, Asia Argento, l’inattendu Theo Hakola – le chanteur américain des groupes Orchestre Rouge et Passion Fodder –, et plus surprenant, Christian Louboutin et Thaddaeus Ropac. Alors, afin de juger sur pièce, et de savoir si cette production était le nanar cosmique annoncé, un labyrinthe cinématographique sans issue, un film qui resterait culte, ou pire, je suis allé chez Nicolas Ker pour me faire les une heure trente-deux minutes de film, avant sa sortie en salle, prévue début 2019.

Nicolas Ker sur son lit

Nicolas Ker, dans sa chambre

« Tu veux un verre d’alcool fort avant de commencer », me demande Nicolas Ker. J’accepte, puis on s’installe sur son lit, au centre d’une piaule entièrement peinte en rouge carmin, et il presse le bouton play. À la fin de la projection, une chose est sûre : le thriller est un film d’ambiance, et son esthétique est en dehors de tout format classique. Les plans sont beaux et remplis de femmes nues, de flics à la Nicolas Cage dans Ghost Rider version queer gothique, de sous-marins, de cristaux aux couleurs saturées, et plein d’autres détails aussi bizarres qu’inénarrables.

Le tout donne un teen movie français à la sauce Giallo – un objet à la fois intello et débile. Et je dis « débile » avec tout le respect que j’ai pour ce terme. On est dans un cinéma punk et mongoloïd assumé – loin des comédies romantiques hexagonales vomitives –, c’est-à-dire absolument rafraichissant. Pour tout vous dire, à la fin de la séance, j’avais même une sacrée envie de baiser. Et rien que pour ça, c’est canon. Tout au long du film, Nicolas Ker m’a balancé des anecdotes de tournage, des histoires sur les rushs non utilisés, ses remarques et ses impressions. Tout ça valait bien plus que toute critique.

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Plan de la chambre de Nicolas Atlante, personnage interprété par Nicolas Ker « C’est ma chambre. Enfin la recomposition de ma chambre. La connasse avec qui j’étais en collocation à l’époque ne voulait pas qu’on tourne le film chez nous, alors on a dû déménager toutes mes affaires pour reconstituer ma piaule. Quelle abrutie ! On aurait gagné du temps, et surtout un peu d’argent. Parce qu’il faut le dire, de la thune on en avait vraiment besoin à l’époque. »

Arielle Dombasle apparaît à l’écran « Tout le montage et l’esthétique, c’est d’Arielle. C’est sa pâte, et elle le fait somptueusement bien. J’ai toujours fait confiance à son génie visuel. Par contre, on s’est battus sur le script parce qu’on avait deux histoires différentes en tête. On s’engueulait tout le temps pendant le tournage. Il a fallu qu’on réécrive le scénario chaque nuit pour le jour d’après. À la fin du tournage, on se hurlait carrément dessus. Enfin, c’est moi qui hurlais, Arielle, elle, restait cool. Mais chaque soir on dinait tous les deux tranquillement pour débriefer. »


Une bite apparaît à l’écran « Je ne peux pas dire à qui elle est, celle-là. Je peux juste te dire que ça fait référence à une scène précédente. J’ai dit au crew que je trouvais bizarre qu’il n’y ait que les meufs qui montraient leurs chattes et leurs seins et qu’il fallait une bite dans le montage final. J’aimerais être connu pour un seul truc dans ma vie : tourner dans un film porno. Le problème, c’est que pour l’instant je ne suis pas assez connu. Si je fais une scène porno, ça fait le mec de la télé-réalité qui montre sa bite pour devenir célèbre. Mais si j’étais Gérard Depardieu, je ferais un porno ! »

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Scène avec de nombreux figurants « Tous les matins j’arrivais sur le plateau à sept heures, et j’écrivais les biographies des personnages joués par les figurants. Je filais des bios à tous les figurants avant chaque scène, même à ceux qui n’apparaissaient qu’une demi-seconde à l’écran. Ils hallucinaient complétement. C’est pour ça que je dis dans mes interviews qu’il n’y a pas de figurants mais des acteurs muets. Aujourd’hui j’aimerais sortir un livre avec toutes les histoires parallèles des acteurs pour qui j’ai écrit les bios. Les histoires souterraines, c’est mon truc. »

Scène du film

Une scène de fête d'anniversaire

Scène de sexe « Quand on faisait semblant de baiser avec Joséphine de La Baume, je lui ai dit exactement ce que j’aillais faire avant la scène pour pas qu’il n’y ait de malentendus. Elle m’a dit que c’était hyper agréable pour une actrice de savoir comment la scène allait se dérouler parce que, selon elle, certains acteurs en profitaient dans ce genre de scènes. Dans l’autre scène de cul que j’ai tournée, j’avais une grosse érection. Alors j’ai demandé à l’actrice de me susurrer des noms de camps de concentration à l’oreille et de me dire combien de gens y étaient mort pour que je débande un peu. Je voulais ressembler à un jeune premier foireux avec une bite mi-molle. Mais ces rushs-là n’ont pas été gardés parce que ça faisait trop scène de X. »

Scène à Venise « J’étais déchiré pendant le tournage. Je buvais une bouteille de Jack Daniels par jour, et je prenais de la coke pour tenir le coup. L’alcool faisait d’ailleurs partie du budget du film. Je gueulais assez souvent sur l’équipe aussi – mon comportement était amplifié par mon degrés de défonce –, et à Venise j’ai dit à l’équipe de tournage : « Je gueule beaucoup, mais c’est parce que j’ai envie que ce film soit l’équivalent de l’album Disintegration de The Cure. Et Robert Smith était insupportable à cette époque. » Ils ont tous compris. Certains soirs, je devais quitter l’équipe pour jouer avec Poni Hoax, et le lendemain ils me disaient : “Quand t’es pas là et que tu ne gueules pas, ça n’avance pas.“

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Vu que je m’emportais beaucoup, j’avais même donné un mot de passe à l’assistant réal au cas où je dépasserais les bornes. Ce safe word, c’était « swordfish ». Un jour, j’ai vraiment pété un câble, alors l’assistant réal m’a pris à part et m’a dit « swordfish », et je me suis calmé direct. Ça a surpris tout le monde. »

Après quarante minutes de film « Là il faut que je te serve un autre verre de vodka. Tu verras, ça va devenir vraiment bizarre. »

Scène sur une île « On a tourné cette scène sur l’île de Poveglia. On a gardé que deux rushs sur les dizaines qu’on avait. Olive – le mec du son – et moi, on s’est aventurés dans l’île, et personne d’autre n’a osé venir avec nous. C’est vraiment flippant comme endroit, il faut que tu te renseignes dessus, c’est dingue. »

Nicolas Ker devant son personnage Nicolas Altante

Nicolas Ker devant son personnage Nicolas Altante.

Nicolas Atlante demande les clés de sa chambre à la réceptionniste arabe « Dans le script, elle devait me donner les clés directement. Mais au lieu de ça, elle a commencé à m’engueuler en arabe pendant dix minutes. Moi je ne pigeais rien, mais l’équipe technique sur place comprenait tout ce qu’elle disait et ils se marraient. Elle criait des trucs du type : « Et toi le rocker, tu ressembles à un pédé avec tes bracelets… Gros naze ! » On a trouvé ça tellement hallucinant et génial qu’on a gardé une partie de la scène. Ça donnait un truc vraiment burlesque. A la fin de la scène on s’est pris dans les bras. »

Scène dans un commissariat « Là on se bastonnait pour de vrai ! »

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Scène de sexe « À la base, je n’avais pas écrit de scènes avec des meufs à poils, mais Bernard-Henri (Levy) et Arielle ont trouvé qu’il fallait rajouter plein de scènes de cul. Dans le film, Dolorès – interprétée par Arielle Dombasle – baise avec toutes les filles avec qui je baise moi, mais nous on ne baise jamais ensemble. »

À la fin du film « Ce film ne va pas marcher, mais il va devenir culte. Les gens vont voir à quel point ça défonce. C’est pour ça que les commentaires sur la bande annonce m’énervent. Les gens la voient et pensent que c’est un nanar, alors que pas du tout ! Il y a plein de scènes drôles comme dans les Godard des années 60. Et il y a du cul, du gore et des détails qui font peur. C’est vachement chelou ! Les gens peuvent dire que c’est de la merde, que c’est n’importe quoi, mais en tout cas on ne s’ennuie pas. »

Pendant le générique de fin « Cette musique je l’ai jouée à un concert quand j’avais vingt ans. J’étais tout seul dans un bar avec un pote. Il l’a enregistrée avec un dictaphone. La prise de son était clean, alors j’ai pu l’utiliser ici. Dans le film, j’ai choisi plein de vieilles chansons à moi qui n’étaient encore jamais sorties. »

Nicolas Ker arrête le film « Tout le monde dit : "Arielle Dombasle s’est paumée à faire son film avec son rocker débile". Mais t’as vu, ça rend bien. Le film est beau, alors qu’on n’a rien eu comme thune pour le faire. À peine 570 000 euros. On a même filmé certaines scènes à l’Ipad. Et tous les acteurs – Jean-Pierre Léaud, Michel Fau, ou Asia Argento – étaient payés au salaire minimum syndical. Ils l’ont fait parce qu’ils supportaient le film. Et ils sont tous contents du résultat ».

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