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Culture

Ce fidget spinner devenu crucifix se moque de nous tous

L’artiste Tom Galle s’est probablement fait plein de nouveaux amis au Vatican.
Photo | Tom Galle

Soyons honnêtes, le fidget spinner est un gros truc de blaireaux dont seuls une poignée de milléniaux prépubères ainsi que l'artiste belge basé à New York Tom Galle ont réussi à percer les mystères les plus deep. En effet, pour le commun des mortels, il est difficile de capter les subtilités du spinner (s'il y en a) et de ne pas l'associer à un simple morceau de plastique bidon qui tourne sur l'extrémité d'un doigt. Les autres y voient un moyen de se payer des tricks de ouf et de se faire mousser sur les réseaux sociaux. Pour Galle, il s'agit d'une occasion plutôt généreuse pour upgrader son exploration des phénomènes sociologiques liés à la culture internet mainstream. Bref.

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Non seulement cet objet rotatif et inutile à mort se tape un design bien dégueulasse décliné à l'infini, mais au-delà de ça, cette pratique très rébarbative est chiante à mort et ne sert à rien. Malgré les vertus antistress qu'on essaie de lui trouver et qu'on fait miroiter aux petits curieux qui sont prêts à lâcher quelques dollars, il n'y a zéro excuse : ce truc-là, c'est juste l'enfer sur terre, tout comme l'ont été la Totoche ou le Slinky dans les années 90, cette époque magique pendant laquelle on écoutait du Ace of Base à fond les ballons.

Cette étrange mascarade, qui s'apparente tant bien que mal à une success-story pour ados récalcitrants, a cependant assez profité de sa minute de gloire, et il est maintenant grand temps pour le fidget de finir au fond des chiottes. Non seulement la longévité de sa pseudo-hype dépasse les quelques semaines que cette mode aurait dû réussir à gratter, mais malheureusement pour nous, grâce à son intérêt dopé par les réseaux sociaux, le fidget a pollué bien plus que les cours d'école : regardez bien autour de vous quand vous êtes à votre bureau et vous constaterez qu'on est un peu tous dans la même merde. Ce sont toutes ces raisons qui font que Galle en a fait l'un de ses projets les plus récents.

Crédit photo : Tom Galle et Moises Sanabria

Questionnant les particularités du web d'une manière assez radicale et concise, conceptuellement et esthétiquement parlant, Galle aborde toujours ses sujets avec parcimonie et cynisme. Il les articule à l'aide de langages ultra-contemporains et de codes universels à travers un travail multidisciplinaire qui s'apparente plus ou moins à de la performance. « Je pense que beaucoup d'artistes travaillant autour d'internet utilisent les médias sociaux comme leur principale plate-forme de production, je n'ai rien inventé », nous explique Galle. « Par contre, ce qui pourrait être spécifique à ma démarche, c'est qu'elle reflète constamment la culture web : mèmes, nouvelles technologies et réseaux sociaux. J'essaie de développer un langage visuel qui vise à intriguer ou à provoquer de manière à ce que le plus de gens possible se questionnent sur la façon dont nous utilisons internet et ses multiples plates-formes. »

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Certes, la pratique artistique de Galle est un peu nichée, mais elle reste très abordable et intéressante à explorer pour les non-initiés. Si l'on s'en tient à la partie visible de l'iceberg, l'aspect visuel parle souvent de lui même. Par contre, en ayant quelques références solides supplémentaires, c'est une lecture un peu plus engagée et critique de nos relations aux technologies et au web qui s'offre à nous. Après Netflix, Tinder ou le selfie stick, c'est donc le fidget spinner qui fait office de cobaye pour étayer l'étude des comportements liés à l'utilisation abusive du web entreprise par Galle.

Crédit photo : Tom Galle et Moises Sanabria

Pas chrétien pour un cent (ou une hostie), le mec a décidé de faire fusionner la forme du spinner avec un crucifix du Christ. Alors que le fidget explose en popularité et tourne à plein régime, Galle et son collaborateur vénézuélien Moises Sanabria, lui aussi artiste des nouveaux médias, sont en pleine exploration de la forme du spinner et cherchent coûte que coûte à créer un geste réactionnaire pour fumer l'internet, quitte à faire transpirer la communauté catho tout entière, qui voit probablement dans ce processus créatif un gentil petit geste blasphématoire. « La croix est venue immédiatement à notre esprit, car elle est symboliquement très chargée. La combinaison de ces deux objets nous a vraiment excités à tel point qu'il n'y avait pas d'autre choix que de concrétiser ce fidget Jésus Christ. Le moment où nous avons pris ce symbole religieux et que nous l'avons combiné avec ce produit de consommation internet-esque nous a presque rendu mal à l'aise et nous a donné un sentiment à la fois super inconfortable et intrigant », raconte Galle. Tom et Moises ont beau avoir des noms bibliques, ils devraient songer à se repentir dans un futur proche.

Ce nouveau chapitre de la démarche de Galle est devenu une fois de plus viral grâce à un matraquage de posts sur les réseaux sociaux, mais aussi grâce à une communauté d'abonnés et de médias fidèles et compréhensifs, toujours enclins à religieusement partager la bonne parole du web-samaritain. Ce projet a également marqué une avancée conséquente dans la continuité de son processus, qui tend vers un travail réactionnaire conceptuel et évolutif généré par le flux de ce qui se trame quotidiennement sur les internets et sur nos feeds.

On ne rentrera pas plus dans les détails de sa pratique aujourd'hui, mais si vous voulez en savoir davantage sur son travail et ses différents projets, vous pouvez consulter son site web ici ou son compte Instagram . En attendant, on se demande quelle sera la prochaine connerie du genre susceptible de casser l'internet et d'inspirer d'autres artistes. Seul Dieu le sait.