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Music

La vidéo la plus foireuse du mois nous vient de l'armée américaine

Un clip promotionnel de rap pour appâter et recruter le millenial qui aurait dû rester dans les tiroirs, et qui pose cette inévitable question : « Qui a pu valider un truc pareil ? »
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
rap, vidéo, recrutement

Quand j'étais enfant et que l'armée américaine avait besoin de chair à canon pour ses guerres d'Irak et d'Afghanistan, ses tactiques de recrutement étaient assez simples. D’abord, les recruteurs appelaient toutes les semaines sur votre téléphone fixe, généralement entre la sortie de l’école et le retour des parents. Ensuite, il y avait les stands dans les foires aux métiers, où ils vous offraient des stylos si vous acceptiez de leur parler. Enfin, leur dernier effort consistait à installer une tente devant les boutiques de jeux vidéo pour convaincre les ados des années 2000 que l'enrôlement ferait d’eux le nouveau Master Chief.

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Mais les lignes fixes sont désormais choses du passé. Quant aux joueurs, ils préfèrent construire des trucs dans Fortnite ou Minecraft plutôt que de tuer aveuglément dans Call of Duty. Sans compter que les recherches suggèrent que la génération Z pourrait bien être la plus progressiste de tous les temps. L'armée doit donc redoubler d’efforts pour trouver de nouvelles recrues. Résultat, elle vient de publier un clip de rap intitulé « Giving All I Got » – une œuvre d’art si monumentale qu’elle pourrait, paradoxalement, mettre fin à toutes les guerres dans le monde à elle seule. On vous laisse juger par vous-même :

Le premier plan s’ouvre sur le dos d’un homme qui marche dans un couloir couvert de graffitis. La scène n’est pas sans rappeler 8 Mile, un film sorti en 2002, quand le public ciblé était encore en couches-culottes. Les compositeurs-interprètes, à savoir les sergents Arlondo Sutton et Jason Brenner Locke, se saluent avec un câlin. « Tout le monde commence quelque part, mais là où tu commences, ce n’est pas forcément là où tu finiras », lance Locke dans une voix off émouvante.

Two army men jump around in fog

Le beat tombe enfin ; les sergents apparaissent dans le brouillard de la guerre. Ils sautent dans les airs et rebondissent sur leurs jambes tandis que Sutton chante le refrain : « Je me donne à fond. Je ne m'arrêterai jamais. L'armée a changé ma vie. Elle m'a donné une nouvelle horloge. » Pourquoi une horloge ? Allez savoir.

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paratroopers walk to a plane behind two army men rapping to the camera

Le 25 février 2001 était diffusé un épisode de la saison 12 des Simpson devenu culte, intitulé « Bart et son boys band », dans lequel Bart et ses potes forment un groupe et propagent involontairement de la propagande militaire en chantant « Yvan eht nioj » qui signifie « Join the Navy » (« Engagez-vous dans la marine ») à l’envers. Exactement dix-huit ans plus tard, « Giving All I Got » donne vie à cette parodie avec une voix désincarnée et autotunée qui répète doucement en fond « Engagez-vous dans l’armée » pendant que les sergents dansent et chantent.

Malheureusement, la vidéo n’est pas sous-titrée et les paroles ne sont pas encore sur Genius ; certains passages étaient donc difficiles à analyser, mais ce que Sutton nous explique, en gros, c’est qu'il y a beaucoup d’« idées fausses sur la vie militaire », mais qu’il va nous « montrer comment faire pour gagner ».

« Pas de doute, on reste en forme. À quoi ressemble la vie dans ces bottes ? Même dans les airs, on déchire », chante-t-il alors que des parachutistes s’engouffrent dans l'avion derrière lui.

Manifestement, Locke veut faire savoir à la génération Z qu’il parle son langage : « C'est maintenant, comme un acrobate, je parcours le script comme si je parcourais des photos sur Flickr », crache-t-il. « Si tu veux grandir, commence par celui dans le miroir. »

Avant même qu’on ait le temps de méditer là-dessus, Locke affirme qu’« un soldat ne se contente pas d’obéir aux ordres ».

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Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, il commence à énumérer les avantages de la vie militaire alors que des Humvees se garent derrière lui.

« L’uniforme : c’est payé. L’électricité : c’est payé. L'eau : c’est payé. »

Voyant sans doute que le public a bien compris l’idée à ce stade, Locke improvise un « ha » après le dernier avantage, à savoir le logement, dont nous sommes informés qu'il est payé également.

Le morceau marque une pause mais le sursis est bref. Locke termine son couplet dans une salle de MMA avec quelques lignes sur le fait de « payer une hypothèque » et « dévorer la peur comme un bol de porridge ». Puis, dans une phrase qui semble oublier la guerre du Vietnam, il affirme que l'armée américaine est, comme un lion, le « roi de la jungle ».

Le refrain recommence. Les deux compères apparaissent à côté de tireurs d’élite en tenue de camouflage et l’un d’eux tire en rafale droit sur le spectateur.

Le reste de la chanson est plus ou moins dans la même veine, avec quelques moments forts :

  • Quand la caméra zoome sur un chien militaire pendant que Sutton chante à quel point il « veut cet os ».
  • Quand un groupe de l'armée joue des instruments à des fins visuelles uniquement, étant donné qu’on ne les entend pas une seule fois sur le morceau.
  • Quand des effets de secousses à l'écran sont ajoutés pour accentuer les coups d'un combat de MMA en slow motion.

Two MMA fighters grappling on the mat

La vidéo se termine avec nos deux soldats qui réfléchissent à leur parcours en marchant dans la rue. Un civil remarque leur tenue de camouflage et leur demande s’ils sont dans l’armée. Il les remercie pour leur service et les sergents tentent de le recruter, mais il refuse : il a déjà « un bon travail ». Enfin, la caméra zoome sur la chemise de Locke avant que le logo de l’armée américaine ne remplisse l’écran.

« Nous encourageons nos recruteurs à trouver des moyens créatifs de s’adresser aux jeunes qualifiés de leur région. Ces militaires ont souhaité établir des liens avec les jeunes par le biais de la musique et leur montrer qu’on peut être un soldat et rester un individu », a déclaré l'armée dans un communiqué. « Il ne s'agit là que d'un seul des nombreux moyens novateurs et créatifs testés par nos soldats afin de déterminer ce qui peut nous aider à communiquer avec les jeunes d'aujourd'hui. » Malheureusement, le message n’a pas dû passer, étant donné que la vidéo affiche 1 200 dislikes pour 542 likes et qu'elle ne dépasse même pas la barre des 100 000 vues sur YouTube. Mais je vais être honnête : le morceau a beau être ringard, les images restent fascinantes.

Cet article a d'abord été publié sur Vice US.

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